© Reuters

Dix fact-checking sur le discours de l’État d’Union de Trump

Lors de son deuxième discours de l’État d’Union, Trump s’est concentré sur quelques points sensibles de son programme : l’immigration, l’économie et la sécurité nationale. Voici une analyse de la véracité de ses propos, effectuée par CNN.

Quelques semaines après le plus long shutdown vécu par les États-Unis, Donald Trump a cherché à réunir les conservateurs et démocrates sous le même toit et à faire souffler un vent d’enthousiasme au sein du Congrès. Il a mis en exergue de nombreuses problématiques et de nombreux faits actuels mais sont-ils tous véridiques ?

Immigration :

« 1 femme sur 3 est abusée sexuellement pendant son périple vers le nord »

Les rapports de Médecins Sans Frontières font mention de violences envers plus de 68,3% des migrants et réfugiés qui cherchent à rejoindre les États-Unis depuis le Mexique. Un tiers des femmes avoue avoir été victimes d’abus sexuels.

Mais ces faits doivent être nuancés. Le voyage vers les États-Unis est bel et bien dangereux. C’est justement pour échapper aux violences potentielles que les femmes décident de voyager dans des caravanes de migrants. Elles cherchent la sécurité dans le nombre.

Trump n’a pas mentionné quelles mesures pourraient endiguer ce problème délicat.

« Chaque année, d’innombrables Américains sont violemment tués par des migrants »

Ce n’est pas la première fois que Donald Trump mentionne des crimes commis par des migrants en situation irrégulière.

La Cour Suprême des États-Unis n’inclut pas la notion de citoyenneté dans son analyse des données statistiques de criminalité nationale. Par conséquent, il est difficile de compter sur les données fédérales pour recenser les crimes commis par des migrants sans-papiers.

Les statistiques révèlent des informations intéressantes : le Cato Institute a mené une étude sur les condamnations effectuées au Texas Department of Public Safety et a conclu que les migrants, qu’ils soient irréguliers ou naturalisés, étaient moins enclins à commettre des crimes, contrairement aux Américains nés dans le pays.

D’autres études montrent que les taux de meurtres, de viols et faits graves n’ont pas du tout augmenté depuis 1990, parallèlement à l’arrivée de migrants non réguliers. Elles ont également confirmé que l’augmentation des overdoses de drogues et les morts par conduite en état d’ivresse n’avaient pas augmenté à cause de l’immigration clandestine. Enfin, elles ont démontré que les jeunes migrants sans-papiers avaient moins tendance à commettre des crimes que les citoyens américains ou migrants naturalisés.

« La situation anarchique qui fait rage à notre frontière menace la sécurité et le bien-être financier de tous les Américains »

Trump prétend que la frontière sud est dans un état d’anarchie. Pourtant, il a envoyé 3 750 troupes supplémentaires vers la frontière.

Voici la situation actuelle le long de celle-ci

En 2018, plus de 19 555 agents de contrôle des frontières avaient été assignés à la zone. Et la plupart des agents du pays se trouvent près de la frontière.

Au total, les agents ont appréhendé 396 579 migrants en 2018 alors qu’ils tentaient de traverser la frontière. Un chiffre très bas comparé aux 1 643 679 migrants arrêtés 19 ans auparavant. Ces dernières années, les agents ont également saisi des quantités astronomiques de drogues à la frontière.

Des études démontrent même que les villes américaines situées près de la frontière sont désormais plus sûres que certaines villes à l’intérieur du pays. Des représentants confirment même les faits.

Le commandant de la prison du comté de Webb, Pince Treviño a très clairement expliqué à la Texas Tribune que toutes les villes situées près des frontières disposaient de moyens suffisants pour faire respecter la loi.

Selon le Texas Tribune, les taux de crimes violents ont soit diminué ou sont restés inchangés dans les villes frontalières entre 2011 et 2016. Les données sont accessibles sur leur site.

Prenant le cas de la ville d’El Paso, Trump affirme également ceci : ‘la ville frontalière d’El Paso, Texas, était auparavant frappée par un taux de violence extrême, l’un des plus élevés du pays, et était considérée comme l’une des villes les plus dangereuses de notre pays. Grâce à notre puissante barrière, El Paso est désormais l’une de nos villes les plus sûres. »

La déclaration de Trump, bien que reléguée maintes fois par des personnalités publiques et par la Maison-Blanche, ne tient pas la route.

Selon les données du FBI et celles de la ville d’El Paso , le taux de violence dans la ville a atteint son apogée en 1993. Le taux de criminalité a chuté de 34% entre 1993 et 2006. Or la construction de la barrière n’a pas été entamée avant 2008 et ne s’est achevée qu’en 2009. De plus, le journal El Paso Times a affirmé que le taux de criminalité a augmenté de 17% entre 2006 et 2011.

« Je suis prêt à accueillir autant de gens qu’il le faut dans notre pays, mais ils doivent y entrer légalement. »

Cette déclaration va à l’encontre des idées et de la position de l’administration Trump en matière d’immigration légale : à savoir que Trump réduit non seulement l’immigration légale, mais rend la situation plus compliquée pour les demandeurs d’asile. Si les fonctionnaires de l’administration ont manifesté le désir de changer les politiques existantes en matière d’immigration, cela demanderait néanmoins l’adoption d’une loi par le Congrès. Or, certains défenseurs des droits des migrants affirment que le gouvernement apporte déjà des changements subtils en rendant plus difficile l’obtention de visas. Le gouvernement Trump aurait également réduit le nombre de réfugiés que le pays accueille. La semaine dernière, de nouveaux protocoles en matière d’immigration ont été mis en oeuvre: désormais, les migrants demandeurs d’asile seront renvoyés au Mexique dans l’attente d’une décision des autorités. Depuis le début du programme, plus d’une douzaine de migrants ont déjà été renvoyés dans leur pays d’origine, selon des responsables.

Économie

« En seulement deux ans, nous avons favorisé un boom économique sans précédent, un boom économique qui n’a été que très rarement vu auparavant. »

En effet, Trump a favorisé une bonne partie du développement économique du pays. Cependant, il n’est pas responsable de tout ce succès.

Lorsque Trump a été élu président, le pays s’était presque remis de la crise économique de 2008. Le marché du travail grandissait petit à petit. Actuellement, le taux de chômage est le plus faible que le pays ait connu depuis une décennie. À l’arrivée de Donald Trump en février 2017, le taux de chômage était de 4,7%, mais il s’était déjà stabilisé auparavant. En 2015, il se situait entre 4,6% et 5%. Cela représente une baisse de 5 points. En août 2018, le taux de chômage atteignait 3,9%, le taux le plus bas depuis 1969.

Cependant, Trump a annoncé avoir créé 5,3 millions d’emplois depuis son investiture alors que les chiffres pointent seulement vers 4,87 millions.

En effet, le gouvernement a multiplié les dépenses pour la sécurité du pays et a réduit les taxes imposées aux grandes corporations, ce qui a par conséquent appâté les investissements pendant un certain temps.

Résultat, l’économie s’est développée à un taux de 4,2% dans la deuxième partie de 2018. Par la suite, le taux de croissance s’est ralenti et a atteint une valeur de 3,4%.

Parallèlement à ces faits, Trump prétend que son gouvernement « a créé plus de 600 000 nouveaux emplois dans le secteur industriel. Un exploit que tout le monde croyait impossible. »

Selon le Bureau of Labor Statistics , seulement 454. 000 ont été créés depuis le début de 2017. Trump a donc exagéré ses propos.

Néanmoins, le taux d’emplois a bel et bien augmenté depuis ces deux dernières années.

« Personne n’a autant profité de notre prospérité économique que les femmes. L’année passée, elles participaient à 58% des nouveaux emplois créés. Nous pouvons être fiers. Jamais autant de femmes n’avaient travaillé dans la main-d’oeuvre auparavant. »

Dans ce cas-ci, Trump retourne les informations à sa propre façon. En effet, jamais autant de femmes n’avaient autant travaillé aux États-Unis auparavant. Mais en mesurant le taux de participation au travail de ces femmes, les États-Unis semblent avoir pris du retard sur d’autres économies avancées.

Selon les données du Bureau of Labor Statistics, approximativement 57% des Américaines travaillent ou recherchent actuellement du travail. Or le taux était de 60,3% en avril 2000, soit une différence de 3,3%.

Selon un rapport du Fond Monétaire International datant d’avril 2018, la part des femmes américaines encore actives sur le marché du travail a légèrement diminué aux États-Unis contrairement à d’autres économies avancées, qui, elles, ont rattrapé leur retard et fait des progrès depuis 1985. Il y a 30 ans, les États-Unis figuraient parmi les premiers pays à disposer d’une participation énorme de la part des femmes sur le marché du travail.

Les raisons derrière ce déclin s’expliquent par le vieillissement de la population et par des problèmes structurels. Malgré son statut d’économie avancée, les États-Unis restent le seul système à ne pas proposer de congés de maternité payés. Mais ce n’est pas tout. Le pays ne propose pas assez de soutiens financiers pour les enfants et les personnes âgées. Par conséquent, les femmes ont plus de difficultés à trouver un travail.

Sécurité nationale

« Nous avons dépensé plus de 7 billions de dollars dans les guerres en Afghanistan et en Irak. »

Cette information est complètement fausse, mais ce n’est pas la première fois que Trump fait circuler ces prétendues idées.

Selon les chiffres du Service de Recherche du Congrès, les guerres en Afghanistan et en Irak ont coûté environ 1,6 billions de dollar.

« Lorsque j’ai commencé mon investiture en 2017, l’EI contrôlait plus de 20 000 mètres carrés en Irak et en Syrie. Désormais, nous avons pratiquement libéré tous les territoires des mains de ces monstres assoiffés de sang. »

Trump a raison. La plupart des territoires ont bel et bien été récupérés pendant son investiture. A la fin de 2016, l’EI contrôlait environ 23 320 mètres carrés de territoires en Syrie et en Irak selon le magazine Jane’s Defense Weekly. Désormais, le groupe terroriste ne contrôlerait plus que 20 kilomètres carrés en tout.

« Si je n’avais pas été élu, nous serions, selon moi, en guerre contre la Corée du Nord »

Sa déclaration reste douteuse.

Trump n’est pas l’instigateur de cette politique d’apaisement. En invitant les athlètes nord-coréens à participer aux Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang, le président sud-coréen, Moon Jae-in avait déjà commencé les négociations en février 2018. Ensuite, les deux présidents coréens avaient tenu le tout premier sommet intercoréen dans la zone coréenne démilitarisée en avril.

Au contraire, Trump avait plutôt attisé les tensions en raison de sa rhétorique haineuse. Son fameux tweet d’août 2017 dans lequel il avait promis le « feu et la fureur » à la Corée du Nord « comme le monde ne l’avait jamais vue », avait poussé Pyongyang à menacer en retour le territoire américain de Guam le jour suivant.

Cependant, Trump a créé la surprise en annonçant le tout premier sommet avec Kim Jong Un, une rencontre historique à Singapore en juin 2018. Les deux parties étaient parvenues à un vague accord sur une « dénucléarisation complète. » Malheureusement les deux dirigeants avaient une conception différente de la dénucléarisation et les négociations n’ont pas totalement abouti. Trump a cependant annoncé un deuxième sommet avec le président nord-coréen qui aura lieu au Vietnam ce 27 et 28 février.

« Les autres nations se sont enfin décidées à payer leur part. Enfin. Pendant des années, les États-Unis n’ont pas été traités à leur juste valeur par leurs alliés, membres de l’Otan. Mais au cours des deux dernières années, nous avons obtenu de nos alliés de l’OTAN une augmentation de plus de 100 milliards de dollars pour nos dépenses dans la défense. Ils avaient pourtant juré que ce n’était pas possible. »

Trump a raison de dire que les alliés de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses de défense sous sa direction.

Le mois dernier, chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, accordé une interview à Fox News à ce sujet. Ses propos permettent de corroborer les dires de Trump : « D’ici la fin de l’année prochaine, les alliés de l’OTAN investiront 100 milliards de dollars américains supplémentaires pour la défense. Nous voyons enfin de l’argent réel sur la table et des décisions concrètes se font enfin ressentir. Le message de Donald Trump est clairement passé et à un impact sur le déroulement des évènements. »

Néanmoins, Georges Bush et Barack Obama avaient déjà entamé leur campagne de pression à ce sujet. Les dépenses ont certes augmenté ces dernières années, mais de nombreux pays de l’alliance sont encore bien en deçà de l’exigence de consacrer au moins 2% de leur PIB à la défense.

Thomas Bagnoli

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire