© Twitter Nancy Hogshead-Makar

Destins de femmes: Nancy Hogshead-Makar, transformée par le sport, veut maintenant le transformer

Le Vif

Championne olympique, avocate, activiste, mère, professeure, l’Américaine Nancy Hogshead-Makar a mis son énergie au service de l’égalité hommes-femmes et de la lutte contre les abus sexuels dans le sport.

« Je suis optimiste au point d’être irréaliste », dit-elle lors d’un entretien réalisé à quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars.

« Il faut être comme ça pour essayer de gagner un titre olympique et se battre contre les abus sexuels dans le sport ».

La veille, Nancy Hogshead-Makar, a encore travaillé jusqu’à 2 heures du matin, sur une lettre destinée au Congrès américain, auquel elle réclame des mesures de protection renforcées des athlètes amateurs contre les abus d’entraîneurs et d’employés.

Son volontarisme reste le même que celui qu’elle déployait dans les bassins où, dès 11 ans, elle passait quatre heures par jour.

« Ma formule gagnante, c’était d’être compétitive », explique cette femme de 57 ans qui a remporté quatre médailles, dont trois d’or, aux Jeux de Los Angeles en 1984. « C’était comme ça que je réussissais dans la vie ».

Aujourd’hui, pour équilibrer ses journées chargées, Nancy compte sur le yoga et le jogging, mais ne nage plus. « Nager, c’était comme si j’avais été touchée par la grâce divine. C’est ce que ressentent les athlètes de haut niveau, une sensation transcendantale. Mais à 57 ans, avec trois enfants et un boulot à temps plein, ce n’est plus possible! »

Après avoir raccroché la natation, cette native de l’Iowa, un Etat au coeur du Midwest américain, a choisi de mettre au service des autres ce feu intérieur qui la faisait avancer mais pouvait aussi être « destructeur » pour ses proches, selon elle.

Devenue avocate, elle s’est trouvé un nouvel objectif, après avoir visé l’or olympique: promouvoir l’égalité hommes-femmes et lutter contre les abus sexuels dans le sport.

– Drame personnel –

La nageuse a cependant longtemps occulté un drame personnel non sans lien avec son nouveau combat.

Elle l’évoque désormais publiquement. A 19 ans, lors d’un jogging sur le campus de l’université de Duke, un soir d’automne de 1981, elle fut victime d’un viol. Aidée, soutenue, Nancy Hogshead-Makar a réussi à se reconstruire, mais restait à distance de l’événement. « Je n’en ai pas parlé pendant 20 ans », dit-elle aujourd’hui, « parce que je me serais mise à pleurer ».

Un jour, l’un de ses mentors, le militant des droits de l’Homme Richard Lapchick, lui conseille de ne plus seulement évoquer les violences sexuelles avec le recul de l’experte, mais de partager son expérience. « Il avait raison ».

Nageuse de haut niveau, elle avait vu le bon: des entraînements partagés entre garçons et filles où règne le respect mutuel. « Ce n’est pas un hasard si parmi les plus grands militants de l’égalité entre hommes et femmes on trouve des gens du milieu de la natation. Je m’entraînais presque uniquement avec des gars. J’avais l’habitude que les choses soient justes. On faisait les mêmes longueurs (…) ».

Dans certains cas, cependant, la médaille avait un revers: des entraîneurs ayant des relations intimes avec des athlètes, notamment Mitch Ivey, qui a finalement été suspendu à vie en 2013, après plus de 30 ans d’impunité. Pendant longtemps, ces relations en apparence consensuelles n’éveillaient pas de soupçons dans le milieu du sport, se souvient-elle. Les « limites » ne sont pas « énoncées aussi clairement que pour des professeurs, des conseillers d’éducation ou des hommes d’église », regrette la quinquagénaire aux longs cheveux blonds.

En 2012, après qu’elle a milité en ce sens pendant des années, le Comité olympique américain a fini par exiger à ses fédérations d’interdire toute relation intime entre entraîneurs et athlètes, quel que soit son âge et le consentement. Sur le terrain, cependant, le message tarde à passer. Selon Nancy Hogshead-Makar, aux Etats-Unis, seuls 0,5% des nageurs et 1,4% de leurs parents ont reçu la formation adéquate.

Alors, plutôt que d’attendre le changement, elle préfère le susciter à travers mille projets.

Dans l’immédiat, elle s’implique dans une campagne pédagogique de l’association américaine de protection de l’enfance Child USA, sur les abus dans le sport.

L’ancienne nageuse est aussi une des chevilles ouvrières du US Center for SafeSport (le Centre américain pour le sport en sécurité), première organisation indépendante de lutte contre les violences sexuelles et physiques dans les sports olympiques.

Ce projet, elle y a oeuvré durant des années avant que le scandale autour de Larry Nassar, un médecin pédophile de l’équipe de gymnastique américaine condamné pour des agressions sexuelles de centaines de jeunes femmes, ne pousse finalement les autorités sportives à donner le feu vert.

Nancy Hogshead-Makar, également fondatrice de l’association Champion Women, visant à mettre fin à « un système qui ne cherche pas à protéger les athlètes », sait qu’elle travaille sur le temps long. « Pour provoquer le changement, il faut y revenir sans arrêt ».

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