Ruth Bader Ginsburg en 2010

Décès de Ruth Bader Ginsburg, doyenne de la Cour suprême et icône de la gauche américaine

Le Vif

La doyenne de la Cour suprême des Etats-Unis Ruth Bader Ginsburg est décédée vendredi à l’âge de 87 ans, laissant vacant un poste doté de grands pouvoirs, ce qui augure d’une intense bataille politique avant la présidentielle du 3 novembre.

Cette juge progressiste, devenue une véritable icône à gauche, est morte des suites d’un cancer du pancréas, entourée par sa famille, a annoncé la plus haute juridiction des Etats-Unis dans un communiqué.

Fragile depuis quelques années, cette championne de la cause des femmes, des minorités ou encore de l’environnement, avait été hospitalisée à deux reprises cet été et ses bulletins de santé étaient suivis de près par les démocrates qui craignent que le président Donald Trump s’empresse de nommer son successeur.

Le milliardaire républicain, en lice pour sa réélection, a été informé de son décès par des journalistes à la fin d’un meeting de campagne dans le Minnesota. Il s’est contenté de saluer une « vie exceptionnelle », sans dévoiler ses intentions avant de la qualifier quelques heures plus tard de « colosse du Droit ».

Son rival démocrate, Joe Biden, a lui rendu un hommage appuyé à la magistrate la plus connue des Etats-Unis. « Ruth Bader Ginsburg s’est battue pour nous tous, et elle était très aimée », a-t-il souligné, en appelant à ne pas se précipiter pour la remplacer. « Les électeurs doivent choisir le président, et le président doit proposer un juge au Sénat », a-t-il dit dans une déclaration à la presse. Elle était « une héroïne américaine » et « une voix infatigable dans la quête de l’idéal américain suprême : l’égalité de tous devant la loi », a-t-il également salué.

Ruth Bader Ginsburg « s’est battue jusqu’au bout », « avec une foi inébranlable en notre démocratie et ses idéaux », a déclaré sur Twitter Barack Obama, le prédécesseur de Donald Trump à la Maison Blanche.

https://twitter.com/BarackObama/status/1307165496484208640Barack Obamahttps://twitter.com/BarackObama

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Selon la radio NPR, la juge « RBG », comme elle avait été surnommée, avait elle-même confié ses dernières volontés à sa petite fille, Clara Spera. « Mon voeu le plus cher est de ne pas être remplacée tant qu’un nouveau président n’aura pas prêté serment », lui a-t-elle dicté quelques jours avant sa mort.

Extrêmement populaire

Donald Trump avait déclaré en août qu’il n’hésiterait pas à nommer un juge à la Cour suprême même très près de l’élection. « J’avancerai vite », avait-il déclaré sur une radio conservatrice. Soucieux de galvaniser les électeurs de la droite religieuse, il a depuis publié une pré-sélection de candidats, des juges conservateurs, pour la plupart opposés à l’avortement et favorables au port d’armes.

Selon la Constitution, une fois qu’il aura arrêté son choix, il reviendra au Sénat de l’avaliser. Son chef, le républicain Mitch McConnell a déjà fait savoir qu’il organiserait un vote, même s’il avait refusé d’auditionner un juge choisi pour ce poste par Barack Obama en 2016, au prétexte qu’il s’agissait d’une année électorale.

Même si les républicains disposent d’une majorité de 53 sièges sur 100 à la chambre haute, certains élus républicains modérés, qui font face à des campagnes de réélection compliquées, pourraient toutefois faire défection et chaque camp va, sans aucune doute, déployer les grands moyens pour tenter de les convaincre.

« La bataille politique va être énorme » parce que si Donald Trump obtient gain de cause, « la Cour suprême deviendra la plus conservatrice depuis un siècle », a prédit le professeur de droit Carl Tobias.

Aujourd’hui, les cinq juges conservateurs – sur neuf – ne font en effet pas bloc, et il est fréquent que l’un d’entre eux vote avec ses confrères progressistes. Or la Cour est l’arbitre de tous les grands sujets de société aux Etats-Unis: avortement, droit des minorités, port d’armes, peine de mort…

« Pionnière »

Nommée en 1993 à la haute cour par le président Bill Clinton, après s’être distinguée en faisant avancer les droits des femmes dans les années 1970, Ruth Bader Ginsburg était devenue extrêmement populaire malgré le sérieux de sa fonction. Grâce à son positionnement en phase avec les aspirations des plus jeunes, elle les avait conquis, au point de gagner le surnom de « Notorious RBG » en référence au rappeur Notorious BIG.

Ruth Bader Ginsburg en 2010 avec le couple Clinton, en 1993
Ruth Bader Ginsburg en 2010 avec le couple Clinton, en 1993© Reuters

Vendredi soir, quelques centaines de personnes se sont rassemblées spontanément devant les colonnes de la Cour suprême pour lui rendre hommage. Les drapeaux du Congrès et de la Maison Blanche ont été mis en berne en son honneur.

Malgré son positionnement à gauche, républicains et démocrates lui ont immédiatement rendu hommage. « Chaque femme, chaque fille, chaque famille en Amérique a bénéficié de son intelligence éclatante », a déclaré la chef des démocrates au Congrès Nancy Pelosi. « On a perdu une géante dans l’histoire du pays », a renchéri la benjamine de la Chambre et représentante de l’aile gauche du parti, Alexandria Ocasio-Cortez.

Mêmes louanges à l’autre bout de l’échiquier politique. C’était « une championne du Droit » pour le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, une juriste « brillante », « admirée » et « influente » selon le ministre de la Justice Bill Barr. Le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche du président, s’est même dit « triste » de son décès.

Petite voix dissonante, le sénateur républicain Ted Cruz, qui figure sur la liste des potentiels candidats à la Cour suprême du président Trump, n’a pas attendu pour exiger qu’elle soit remplacée. Il a réclamé sur Twitter que le président annonce son successeur dès la semaine prochaine et que le Sénat le confirme avant l’élection. « Cette nomination, c’est pour ça que Donald Trump a été élu », a-t-il jugé.

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