Illustration. © AFP

De la révolte à l’asile en Europe, le rêve brisé de militants syriens

Ils étaient descendus dans la rue dans l’espoir de faire tomber le régime de Bachar al-Assad. Mais cinq ans après leur révolte, des militants syriens sont désormais réfugiés en Europe, un destin qu’ils n’auraient jamais imaginé.

Suivant les dernières nouvelles de leurs proches à des milliers de kilomètres sur leur smartphone, ces militants pro-démocratie pleurent une révolte qui a dégénéré en une guerre dévastatrice.

« Quand je suis arrivé en Allemagne, j’ai eu l’impression de vivre avec une blessure ouverte, d’avoir vendu mon âme. Je me sentais coupable d’avoir tout abandonné », confie Jimmy Shahinian, un militant de 28 ans. « Nous nous étions promis de changer les choses », déclare-t-il à l’AFP par téléphone depuis sa nouvelle maison, qu’il partage avec cinq autres jeunes hommes à Genthin, à l’ouest de Berlin.

Le conflit syrien a éclaté en mars 2011 avec des manifestations réclamant des réformes pro-démocratie. Les militants en ont pris la tête, utilisant les réseaux sociaux pour diffuser leurs messages appelant au départ du président Bachar al-Assad.

Pour avoir participé à ce mouvement, Jimmy Shahinian, un chrétien, a passé neuf mois en prison où il dit avoir été torturé. Après la prise de Raqa (nord), sa ville natale, par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et après avoir reçu des menaces de mort, il a dû fuir son pays comme des millions d’autres Syriens.

C’est caché dans une ambulance qu’il arrive en Turquie mais il ne s’y sent pas plus en sécurité. « Je n’avais d’autre choix que de partir », raconte-t-il.

Direction l’Allemagne où il tente aujourd’hui de poursuivre son combat via Citoyens pour la Syrie, une association basée à Berlin pour laquelle il travaille comme bénévole. Il apprend l’allemand mais confie qu' »il est très difficile de s’habituer à cette nouvelle vie ».

« Nous avons été l’étincelle qui a déclenché la révolution, mais nous sommes les premiers à avoir été brûlés », dit-il.

Pour le journaliste Yazan, abandonner une cause pour laquelle il était prêt à mourir est impossible. Il a survécu à un siège implacable de près de deux ans dans la Vieille ville de Homs (centre), appelée aux premiers temps des manifestations « capitale de la révolution » mais désormais contrôlée par le régime.

Après avoir survécu aux bombardements et mangé des mauvaises herbes pendant des mois, il vit depuis le printemps 2015 dans la maison de son oncle à Saint-Etienne, dans le centre de la France.

Il y a deux ans, Yazan se connectait sur Skype chaque soir, racontant la destruction de Homs.

Pendant la journée, il photographiait des enfants jouant dans les décombres, les rebelles montant la garde ou encore les blessés précipités vers des hôpitaux de campagne. Désormais, il passe ses nuits sur les pages Facebook d’autres militants, suivant les développements sur le terrain.

« En Syrie, mon corps était assiégé. Ici, c’est mon esprit qui l’est », témoigne cet homme de 30 ans.

Il explique que son père et son frère sont détenus dans les prisons du régime avec quelque 200.000 autres personnes selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

« Ici je peux manger et dormir en sécurité. Mais j’ai beau essayé, je ne peux imaginer l’avenir », souffle Yazan. « Ma vie entière est en suspens jusqu’à la chute du régime ».

Ahmad al-Rifai, 24 ans, qui a passé des mois à prendre des photos dans les bastions de l’opposition dans le nord de la Syrie, est lui aussi en Allemagne où plus d’un million de demandes d’asile ont été enregistrées l’année dernière.

Il accuse le gouvernement syrien et la communauté internationale d’avoir transformé la révolte en une guerre qui a pris la population en otage. « Dans le bon vieux temps, les gens pouvaient décider quand et où protester », se souvient-il, en référence au début de la révolte.

« Aujourd’hui, les Syriens n’ont plus aucun pouvoir de décision. La Syrie est devenue un terrain de jeu pour les grandes puissances comme la Russie, les Etats-Unis et l’Iran », déplore le jeune homme qui travaille comme interprète auprès de la Croix-Rouge.

Malgré la douleur de voir son pays ravagé, Ahmad tente de garder espoir et espère un jour retourner en Syrie, aider à la reconstruction. « Militant un jour, militant pour toujours », lance-t-il.

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