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Danemark: la réforme controversée du droit d’asile adoptée au Parlement

Le Vif

Le Parlement danois a adopté mardi à une écrasante majorité sa réforme décriée du droit d’asile qui vise à décourager les migrants de tenter leur chance dans le pays sous peine de se voir confisquer leurs effets personnels de valeur.

Accusé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) de nourrir « la peur et la xénophobie », le projet de loi « L87 » prévoit de confisquer les effets de valeur des migrants, de diminuer leurs droits sociaux, et d’allonger les délais de regroupement familial.

Le vote a tourné au plébiscite: après un peu moins de quatre heures de débat et des mois de polémique, le texte présenté par le gouvernement minoritaire du Premier ministre libéral Lars Løkke Rasmussen a recueilli 81 voix sur 109, soit près de 75% des suffrages exprimés.

« Tant que le monde ne s’unira pas et ne trouvera pas une solution commune, le Danemark doit agir », a justifié le député Jakob Ellemann-Jensen qui avait le premier pris la parole à la tribune du Folketing, parlement monocaméral du pays, au nom du parti au pouvoir.

John Dalhuisen, directeur d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale, a regretté un vote « lâche », exhortant « les Etats européens à mettre fin à leur triste surenchère et à respecter leurs obligations internationales ».

Le vote s’annonçait comme une formalité depuis que les sociaux-démocrates, premier parti d’opposition, et deux petits partis de droite s’étaient rangés derrière le gouvernement début janvier après avoir arraché un toilettage de l’article le plus médiatisé portant sur la saisie des biens des réfugiés.

Vingt-sept élus de gauche ont voté contre, dont trois sociaux-démocrates qui ont refusé de suivre la ligne fixée par le parti. Un parlementaire représentant le Groenland s’est abstenu, et 70 élus n’ont pas participé au scrutin.

Les libéraux étaient d’ores et déjà assurés du soutien du Parti populaire danois, une formation populiste qui joue un rôle central dans le débat politique national depuis une quinzaine d’années et réclame d’ailleurs des mesures coercitives supplémentaires.

« Dans les limites des conventions »

Les parlementaires écologistes et d’extrême gauche ont de leur côté livré un baroud d’honneur en multipliant les interventions. Johanne Schmidt-Nielsen, jeune élue de la Liste de l’unité, a dénoncé la participation de son pays à « un concours européen de repli » qui l’expose aux fourches caudines de la justice européenne.

« Nous nous tenons dans les limites des conventions » signées par le Danemark, a assuré la ministre en charge des questions d’immigration, Inger Støjberg, « faucon » du gouvernement Rasmussen et bête noire des ONG.

Réprouvé par les Nations unies, l’Union européenne, l’OSCE et les organisations humanitaires, mais fort du soutien de son opinion publique, le gouvernement n’a pas plié, estimant n’avoir plus les moyens d’accueillir davantage de migrants après avoir enregistré 21.000 demandes d’asile en 2015.

« À ceux qui nous critiquent, ma question est la suivante: quelle est votre alternative? L’alternative c’est que nous continuions à être le pays le plus attractif d’Europe, et finir comme la Suède », a lancé le social-démocrate Dan Jørgensen.

Copenhague pointe souvent du doigt son voisin suédois qui, en laissant sa porte grande ouverte jusque récemment, a créé un énorme appel d’air. 163.000 réfugiés, dont une immense majorité ont transité par le territoire danois, ont déposé une demande d’asile en Suède l’an dernier, cinq fois plus qu’au Danemark rapporté à leur population respective.

Recul sur les bijoux

La Suède, le Danemark, mais aussi la France, l’Allemagne et l’Autriche, ont rétabli les contrôles à leurs frontières. Depuis, Stockholm et Copenhague ne font plus état que de quelques dizaines d’arrivées quotidiennes.

Certains pays durcissent également leur politique d’accueil, à l’instar de l’Autriche qui a adopté mardi un projet de loi visant à limiter à trois ans la durée initiale du bénéfice du droit d’asile.

S’agissant du Danemark, la polémique s’est concentrée autour de la la confiscation des liquidités et des effets personnels des migrants afin de financer le coût de leur séjour pendant l’examen de leur demande d’asile.

Les bijoux, y compris les alliances ou bagues de fiançailles, devaient être confisqués mais le gouvernement a reculé devant les remous provoqués à l’étranger par cette disposition rapprochée par le Washington Post de la spoliation des juifs par les Nazis.

Les organisations internationales déplorent aussi les restrictions au regroupement familial qui risquent d’inciter les réfugiés à emmener leurs enfants sur la route périlleuse de l’exil.

La réforme doit être maintenant soumise à la signature de la reine Margrethe II, pour une entrée en vigueur début février.

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