Cristina Cifuentes © Reuters

CV gonflés et vrais-faux diplômes : le scandale enfle en Espagne

Le Vif

Un scandale éclaboussant la présidente de la région de Madrid, qui a renoncé mardi à se prévaloir d’un master qu’elle aurait obtenu de manière frauduleuse, s’étend en Espagne, où les uns après les autres des élus rectifient leur CV.

Cristina Cifuentes, membre du Parti populaire (PP) du chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, est soupçonnée d’avoir obtenu de façon douteuse un master en droit des régions, à l’Université publique Rey Juan Carlos.

Son mémoire de master n’a jamais pu être retrouvé et des documents de son dossier auraient été falsifiés, motivant l’ouverture par le parquet d’une enquête pour faux et usage de faux.

Le journal en ligne diario.es, qui a dévoilé l’affaire, accusait mardi : « Elle n’est jamais allée en classe. Pas non plus aux examens » mais « la majorité des enseignants lui ont décerné de très bonnes notes ».

Alors que l’opposition exige sa démission, l’intéressée s’est contenté de renoncer… au master. « Je te communique formellement ma décision de RENONCER à l’utilisation du titre délivré par l’université », a écrit Mme Cifuentes au recteur.

L’affaire Cifuentes a déjà déclenché une vague de protestations ironiques sur les réseaux sociaux, chacun y allant de son « je renonce » (à l’Oscar que je n’ai jamais reçu, au Prix Nobel qu’on ne m’a jamais accordé, etc.)

L’esclandre, baptisé « mastergate », a aussi été vécu avec amertume dans un pays affecté par un chômage à 16,5%, où les emplois stables sont très difficiles à décrocher pour les jeunes, même très diplômés.

Quant au scandale, il ne cesse de s’élargir. Car il apparaît que des élus de différents partis ont menti sur leur CV ou obtenu certains de leurs diplômes à des conditions particulièrement avantageuses, tel le porte-parole du PP Pablo Casado.

M. Casado a ainsi dû reconnaître qu’en 2008/2009, alors qu’il était député régional, il avait obtenu rapidement un master, à la même université que Mme Cifuentes : 18 matières sur 22 avaient été validées d’office parce qu’il était déjà licencié en droit, et on l’avait dispensé de cours.

« J’ai fait exactement ce qu’on m’a demandé », s’est justifié M. Casado. Or son tuteur était le même que celui de Mme Cifuentes, et l’université l’a depuis suspendu de ses fonctions.

M. Casado s’était aussi vanté d’avoir un diplôme de troisième cycle de l’université américaine Harvard, mais la presse a révélé qu’il n’avait suivi que quatre journées de séminaire d’un professeur de Harvard, sur un campus de Madrid.

Dans le même temps, l’Espagne apprenait qu’un dirigeant socialiste dans la région de Madrid, José Manuel Franco, avait prétendu détenir une licence de mathématiques, jamais terminée.

Au sein du parti libéral Ciudadanos – allié du PP dans la région mais son rival pour les élections nationales – le député Toni Cantó a reconnu que la mention « pédagogue » sur son CV ne correspondait à aucun diplôme mais à des cours de théâtre qu’il avait donnés.

La polémique a aussi éclaboussé le parti radical de gauche Podemos : un de ses dirigeants en Galice et député régional, Juan José Merlo, a démissionné vendredi après avoir admis qu’il avait décoré son CV d’un titre d’ingénieur qu’il n’avait pas.

– « Diplomania » –

L’Espagne s’interroge sur la gravité de sa « titulitis » – ou « diplomania » -, ou accumulation de diplômes universitaires de troisième cycle.

« Nous avons un problème de fond, cette +titulitis+, soit l’idée qu’il est bon que nos politiques aient un diplôme universitaire (…) alors que, dans de nombreux cas, nous avons vu que cela se fait dans une grande opacité », a commenté le politologue Pablo Simon dans une interview au journal El País.

Il assure qu’il y a eu en Espagne des ministres et dirigeants de partis « dont la thèse de doctorat n’a jamais été rendue publique ».

M. Simon invoque même « une conception totalement patrimoniale, qui fait qu’aujourd’hui, (les politiques) achètent leurs titres universitaires comme au XIXe siècle on achetait les titres nobiliaires ».

Mariano Rajoy n’a pas lâché publiquement Mme Cifuentes, qui a pu dire mardi : « J’ai le soutien de mon parti et de mon président, bien sûr ».

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