Les efforts d'Emmanuel Macron, reçu le 7 février au Kremlin, n'auront pas suffi pour convaincre Vladimir Poutine de privilégier la négociation. © BELGA IMAGE

Crise Ukraine/Russie: Emmanuel Macron, médiateur méritant ou cocu pathétique?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’attitude de la Russie, ces derniers jours, a été un camouflet pour l’Union européenne. Et en particulier pour Macron, candidat non encore déclaré à l’élection présidentielle française, qui était censé agir comme médiateur. La mission était-elle impossible ou l’actuel président s’est-il fait berner ?

La reconnaissance de l’indépendance des « républiques populaires de Donetsk et de Louhansk » par Vladimir Poutine est un camouflet pour l’Union européenne, pour la France et l’ Allemagne parties au processus de mise en oeuvre des Accords de Minsk sur l’avenir de l’Ukraine ainsi balayés, enfin pour le chancelier Olaf Scholz et le président Emmanuel Macron qui se sont grandement investis dans les tractations de ces derniers jours pour éviter une escalade de la confrontation engagée par la Russie.

La journée du 21 février a été emblématique de l’impuissance des médiateurs à faire prévaloir la raison sur les « passions mauvaises ». Aux premières heures, l’Elysée annonce que « les présidents Biden et Poutine ont accepté les principes d’un […] sommet », pourvu que « la Russie n’envahisse pas l’Ukraine ». On se met à rêver qu’aux bruits de bottes entendus tout le week-end entre séparatistes du Donbass et soldats ukrainiens sur le terrain et dans les annonces de plus en plus alarmantes des responsables américains succéderont les chuchotements des apartés entre diplomates de Washington ou de Moscou réunis à Paris ou ailleurs.

Rapidement, cependant, le son de cloche émanant du Kremlin s’avère singulièrement différent. « Le sommet entre Poutine et Biden n’est pas encore prévu », avance un porte-parole russe dans la matinée. Le scepticisme grandit pour conduire au coup de théâtre de la soirée. Constatant l’absence d’avancées sur le règlement de la question ukrainienne, le maître du Kremlin annonce reconnaître l’indépendance des républiques populaires de Louhansk et de Donetsk… Emmanuel Macron a-t-il pris ses rêves pour des réalités ou s’est-il fait duper dans les grandes longueurs par son « ami » qu’il s’était évertué à séduire tout au long de son mandat?

S’ils l’attaquent sur son rôle dans la crise ukrainienne, les adversaires d’Emmanuel Macron s’exposeront au rappel de leurs relations ambiguës avec Vladimir Poutine.

Illustration du déclin?

Le fiasco survient à un moment particulier pour le président français et futur candidat à l’élection présidentielle des 10 et 24 avril, tenu de se déclarer avant la date limite de dépôt des parrainages auprès du Conseil constitutionnel le 4 mars. Installé en tête des sondages autour des 25% d’intentions de vote, Emmanuel Macron pouvait poursuivre son job de président, qui plus est dans les hautes sphères du pouvoir international, sans trop de craintes. La présidence semestrielle de l’Union européenne dévolue à la France et l’exacerbation de la crise ukrainienne l’y obligeaient. Il pouvait même en tirer quelque profit, non que la politique internationale pèse considérablement sur l’élection mais la « présidentialité » d’un prétendant est, en France, toujours scrutée avec attention.

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Aujourd’hui, l’échec de la médiation avec la Russie, succédant à l’annonce, le 17 février, d’un retrait peu glorieux de l’armée française du Mali, fragilise la position du président-candidat et complique sa conversion du Zambèze à la Corrèze, en référence à la formule prononcée, en 1964, par un député socialiste, Jean Montalat, pour situer les priorités des politiques français. L’ officialisation de sa candidature risque d’intervenir sur fond, dans l’entendement de certains de ses rivaux, d’illustration concrète du déclin de la France. Mais on voit d’ores et déjà les arguments qui seront opposés par les macronistes à leurs rivaux. Le président sortant a été au bout des possibilités offertes par la diplomatie et Poutine est incontrôlable. De surcroît, comme l’a déjà expérimenté le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune, le 20 février, en s’attaquant à l’ancien candidat républicain François Fillon, « complice » parce qu’il est membre du conseil d’administration de la société pétrochimique russe Sibur, certains adversaires d’Emmanuel Macron, s’ils l’attaquent sur son rôle dans la crise ukrainienne, s’exposeront à un violent retour de bâton sur leurs relations ambiguës (financement, proximité idéologique…) avec un Vladimir Poutine qui a révélé sa face la plus sombre. De bonne guerre?

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