Migrants à la frontière Belarus, le 12 novembre 2021

Crise migratoire au Bélarus: Poutine rejette toute responsabilité, la Turquie juge déplacé d’être blâmée

Le Vif

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté samedi les accusations selon lesquelles Moscou serait à l’origine de la crise migratoire en cours à la frontière entre le Bélarus et la Pologne, ou des milliers de migrants sont massés depuis des jours. Le porte-parole de la présidence turque a de son côté, rappelé qu’il était malavisé de « blâmer la Turquie » dans cette crise migratoire.

Balayant les voix occidentales affirmant que Moscou avait orchestré avec Minsk l’envoi de migrants à la frontière orientale de l’Union européenne, Vladimir Poutine a renvoyé la responsabilité à l’Occident et à ses stratégies au Moyen-Orient.

« Je veux que tout le monde le sache. Nous n’avons rien à voir là-dedans », a déclaré le président dans une interview télévisée. « Nous ne devons pas oublier d’où viennent ces crises impliquant des migrants… des pays occidentaux eux-mêmes, y compris de pays européens ».

Lors d’une rencontre à Moscou cette semaine, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et son homologue bélarusse avaient déjà affirmé que les flux de migrants étaient provoqués par les interventions militaires occidentales au Moyen-Orient.

Vladimir Poutine a affirmé que les dirigeants européens devaient s’adresser directement au président bélarusse Alexandre Loukachenko pour résoudre cette crise, ce qu’ils rechignent à faire, depuis la contestation historique ayant suivi sa réélection en 2020.

Depuis le 9 août, les opposants démocrates défilent sur les avenues de Minsk pour contester la réélection jugée frauduleuse d'Alexandre Loukachenko, et réclamer la libération des prisonniers politiques.
Depuis le 9 août, les opposants démocrates défilent sur les avenues de Minsk pour contester la réélection jugée frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, et réclamer la libération des prisonniers politiques.© GETTY IMAGES

« D’après ce que j’ai compris, Alexandre Loukachenko et (la chancelière allemande Angela) Merkel sont prêts à se parler », a indiqué M. Poutine.

Les migrants, majoritairement des Kurdes irakiens, sont coincés depuis des jours à la frontière orientale de l’Europe, dans le froid, vivotant dans des campements de fortune et brûlant du bois pour se réchauffer.

Selon le Bélarus, quelque 2.000 personnes sont sur place, dont des femmes enceintes et des enfants. Varsovie affirme pour sa part qu’il y a entre 3.000 et 4.000 migrants à la frontière, et que de nouvelles personnes arrivent quotidiennement.

Tentes, chauffage, eau

Leur situation inquiète, les températures plongeant au fil des jours. La Pologne leur refuse l’entrée et accuse le Bélarus de les empêcher de quitter la zone. Les autorités bélarusses ont pour leur part annoncé samedi la livraison d’aide aux migrants, dont des tentes, de l’eau, du bois de chauffage et un générateur, ce qui pourrait pérenniser ce site aux portes de l’UE.

Des migrants tentent de rallier l’Union européenne depuis le Bélarus depuis plusieurs mois, mais la situation a évolué lorsque, lundi, des centaines d’entre eux ont tenté de traverser en masse et se sont fait repousser par les gardes-frontières polonais. Depuis, de nouvelles tentatives sporadiques de passer la frontière ont eu lieu. La police polonaise a indiqué samedi que le corps d’une jeune homme syrien avait été trouvé dans une forêt près de la frontière, la cause du décès ne pouvant pas encore être déterminée. Un groupe d’une centaine de personnes a tenté de traverser la frontière dans cette zone dans la nuit, a précisé cette source.

Ce décès fait grimper à onze le nombre de migrants trouvés morts des deux côtés de la frontière depuis le début de la crise cet été, selon des ONG.

Livraison de bois de chauffage dans un camp de migrants à la frontière bélarusse, le 12 novembre 2021
Livraison de bois de chauffage dans un camp de migrants à la frontière bélarusse, le 12 novembre 2021© Reuters

L’UE accuse le président bélarusse d’avoir organisé la venue des migrants afin de se venger des sanctions occidentales contre son régime, depuis la répression brutale d’un mouvement contestant sa réélection en 2020. Alexandre Loukachenko tient le pays d’une main de fer depuis près de trois décennies.

Nouvelles sanctions

De nouvelles sanctions européennes « seront décidées et appliquées », a pour sa part indiqué le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, dans le quotidien français Le Figaro de samedi.

Dans le collimateur, notamment, la compagnie aérienne bélarusse Belavia, accusée d’avoir transporté des groupes de migrants à Minsk notamment depuis Istanbul.

A la frontière polono-bélarusse, la situation reste tendue, des milliers de troupes étant déployées des deux côtés.

La Russie affiche son soutien au Bélarus, mais semble réticente à trop s’impliquer. Vladimir Poutine s’est ainsi désolidarisé samedi des menaces de son homologue bélarusse cette semaine d’interrompre les livraisons de gaz russe à l’Europe via le gazoduc transitant par son pays. « Honnêtement, c’est la première fois que j’entendais ça », a indiqué M. Poutine. « Il ne m’en a jamais parlé (…) Il pourrait probablement le faire, mais ce ne serait pas bien ».

« Honnêtement, c’est la première fois que j’entendais ça », a indiqué M. Poutine. « Il ne m’en a jamais parlé (…) Il pourrait probablement le faire, mais ce ne serait pas bien ». « Je vais bien sûr lui parler de ce sujet, s’il ne l’a simplement pas dit dans un mouvement d’humeur », a-t-il ajouté.

Bruxelles a salué vendredi des « progrès » dans les efforts pour endiguer l’afflux de migrants après que la Turquie a interdit aux Irakiens, Syriens et Yéménites d’embarquer pour le Bélarus depuis son sol.

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« Merci aux autorités turques et à #SHGM (la direction de l’Aviation civile turque, ndlr) pour leur soutien et leur coopération », a ainsi lancé sur Twitter le président du Conseil européen Charles Michel.

Malavisé et déplacé de blâmer la Turquie

« Il semble qu’un nombre important de migrants et de voyageurs se rendent au Bélarus pour, ensuite, gagner la Lituanie, la Pologne et d’autres Etats européens: en rendre responsable la Turquie, ou Turkish Airlines, est tout simplement malavisé et déplacé », a estimé M. Kalin. Cette crise « n’a rien à voir avec la Turquie », a-t-il insisté.

Le responsable a reçu l’AFP au lendemain de la décision d’Ankara d’interdire de vol vers Minsk les ressortissants de Syrie, d’Irak et du Yémen au départ des aéroports turcs et prévenu que la compagnie nationale, Turkish Airlines, ne les accepterait plus à bord sur cette destination.

« Quand nous avons été prévenus du problème, Turkish Airlines a pris immédiatement un certain nombre de mesures pour réduire et mettre un terme à de possibles déplacements illégaux et irréguliers vers le Bélarus et, de là, vers d’autres destinations ».

M. Kalin rappelle cependant que les candidats au voyage vers Minsk, en provenance d’Irak notamment, disposent en général de « billets, de passeports et de visa et tout se fait selon les règles établies. Turkish Airlines n’a pas contrevenu à ces règles ».

Migrants cherchant à gagner la Grèce face à un gendarme turc sur les côtes
Migrants cherchant à gagner la Grèce face à un gendarme turc sur les côtes© Reuters

Ce que ces passagers « font une fois arrivés sur place n’est pas de la responsabilité de la Turquie », a-t-il encore répété. « Ils ne font que transiter par la Turquie mais nous souhaitons nous assurer que ceci ne vise pas à créer une crise des réfugiés entre le Bélarus et d’autres pays ».

« Les décisions que nous prenons ne visent pas un pays en particulier mais à apporter une solution à un problème qui, au départ, n’a rien à voir avec la Turquie ».

« Nous prenons toutes les mesures conformes au système de l’aviation internationale et nous assurons que personne ne se sert de Turkish Airlines, du territoire ou de l’espace turc, pour se livrer au trafic d’être humains », a continué samedi M. Kalin.

Selon lui, « cinq à dix mille » réfugiés ont pu transiter par son pays en direction du Bélarus. « Les chiffres varient et ont augmenté au cours des derniers mois », a-t-il convenu. « Mais nous nous assurons que tous ceux qui voyagent le font avec un billet aller-retour. Et si certains se perdent au Bélarus entre-temps, ce n’est pas de notre responsabilité ».

La Turquie, voie de passage principale des réfugiés syriens et afghans notamment, en accueille respectivement 3,4 millions et 400.000 sur son sol ce qui fait d’elle le premier pays d’accueil au monde, selon le Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR).

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