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Comment les États-Unis ont traqué al-Baghdadi

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Le président américain Donald Trump l’a annoncé ce week-end : le chef du groupe Etat islamique Abou Bakr al-Baghdadi est mort lors d’un raid mené par l’armée américaine en Syrie. Mais comment ont-ils réussi à piéger celui qu’ils traquaient depuis si longtemps ?

Malgré toutes les technologies mises au service des renseignements américains (satellites espions, interceptions de communications, intelligence artificielle), c’est une bonne vieille méthode, la même qui avait mené à Oussama ben Laden, qui a permis d’acculer le chef de l’EI : le renseignement humain. Après des années passées à essayer, en vain, de le localiser via différents outils, c’est finalement la femme d’un assistant d’al-Baghdadi et de l’un des coursiers, utilisés pour éviter d’utiliser des technologies repérables, qui auraient aidé à dévoiler sa planque. Selon les autorités américaines, ces deux personnes avaient été capturées dans l’ouest de l’Irak.

La localisation

Grâce aux indications (noms, lieux) données, la CIA et des agents de renseignement irakiens et kurdes ont commencé à recruter des agents le long des routes qu’a empruntées al-Baghdadi, sur la frontière syro-irakienne. Ils ont ensuite surveillé les routes qu’il empruntait, les endroits où il s’arrêtait et ont essayé de dresser un schéma-type de ses déplacements et des itinéraires empruntés, y compris ses brefs séjours dans de petits villages.

Une vidéo du raid pour dissiper les doutes ?

Donald Trump envisage de publier des extraits de la vidéo du raid. « Nous pourrons prendre des extraits et les publier », a-t-il déclaré. Le président américain a assuré avoir visionné en temps réel le raid américain depuis la Maison Blanche. Interrogé sur cette vidéo des derniers instants de Baghdadi, le chef d’état-major de l’armée américaine, le général Mark Milley, a expliqué que les images étaient en train d’être passées en revue. « Nous avons de la vidéo, des photos. Nous ne sommes actuellement pas prêts à les rendre publiques, elles sont en train de passer par le processus de déclassification », a-t-il dit.

Une fois localisé, comment arriver à le coincer ? Certains ont appelé à l’utilisation de drones, tandis que d’autres comptaient davantage sur l’intervention des forces spéciales. Le Commandement des opérations spéciales (US Special Operations Command), basé en Floride, avait des plans permanents pour cibler al-Baghdadi et son cercle proche. Ces « plans de base » étaient mis à jour constamment à mesure que l’EI perdait son emprise sur des villes-clés, où les dirigeants du groupe se cachaient parmi les civils.

Selon Donald Trump, les Etats-Unis ont commencé à recevoir des renseignements sur sa localisation il y a environ un mois et, il y a deux semaines, son emplacement exact. Le président américain a donné son approbation à l’opération. Cette dernière a été baptisée Kayla Mueller, en l’honneur d’une Américaine prise en otage.

Kayla Mueller, visage des victimes américaines de Baghdadi

Avec James Foley, Steven Sotloff et Peter Kassig, Kayla Mueller était l’une des victimes américaines du groupe Etat islamique. Elle travaillait avec le Danish Refugee Council quand elle a été enlevée à Alep, dans le nord de la Syrie, en août 2013. Elle a été remise fin 2014 à Baghdadi, qui l’aurait violée à de nombreuses reprises avant de la tuer. L’EI a affirmé que l’otage, alors âgée de 26 ans, avait été tuée près de Raqa, en Syrie, en février 2015 lors de bombardements de la coalition internationale antijihadiste menée par les Etats-Unis. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Kayla Mueller
Kayla Mueller© AFP

Le raid

Le raid a commencé vers minuit, heure locale, avec des avions Apache et CH-47 Chinook portant les opérateurs spéciaux de la Delta Force, des chiens militaires et un robot militaire. Les assaillants ont volé à basse altitude pour éviter d’être repérés jusqu’au village de Barisha où al-Baghdadi, ses gardes du corps et certains de ses enfants passaient la nuit. Alors qu’ils s’approchent de leur zone d’atterrissage à l’extérieur du bâtiment, les hélicoptères et avions ont lancé des tirs de couverture, endommageant gravement le site. Selon les villageois, il y a eu des tirs durant une demi-heure avant que les troupes ne soient actives sur le terrain. Suivant la procédure standard, ils ont d’abord essayé de persuader les habitants de quitter le bâtiment, sans succès, puis ont fait des trous dans les murs plutôt que d’utiliser les portes ou les fenêtres.

Abu Bakr al-Baghdadi
Abu Bakr al-Baghdadi© AFP

Al-Baghdadi s’est alors enfui dans un tunnel sous le bâtiment, portant un gilet explosif et emmenant trois de ses enfants, avec les forces américaines à sa poursuite. Alors que le robot militaire s’approchait de lui et qu’un chien était envoyé pour le maîtriser, Baghdadi, piégé, a actionné un gilet explosif, causant l’effondrement du tunnel. Selon le ministre américain de la Défense, les soldats américains auraient tenté de le persuader de se rendre, en vain. Pour accéder aux restes de son corps, les troupes ont creusé dans les débris. Les techniciens du laboratoire ont ensuite effectué un test ADN dans un lieu sécurisé et, dans les 15 minutes suivant son décès, l’ont identifié « avec certitude ».

Tests ADN sur un sous-vêtement

Un agent des forces kurdes en Syrie a dérobé un sous-vêtement appartenant au chef de l’EI pour effectuer des tests ADN et confirmer son identité avant le raid américain. Les forces kurdes en Syrie, alliées de Washington dans la lutte antijihadistes, avaient déjà indiqué que le raid était « le résultat d’un travail conjoint des renseignements avec les Etats-Unis ». Polat Can, un haut conseiller des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance dominée par les combattants kurdes, a donné lundi les détails de cette collaboration. « Depuis le 15 mai, nous travaillions avec la CIA pour suivre Baghdadi et le surveiller de près », a-t-il dit sur son compte Twitter. « Une de nos sources a été capable d’atteindre la maison où Baghdadi se cachait », a-t-il poursuivi.

L’annonce officielle

Les descriptions des officiels ont suivi le récit sanglant et détaillé de Trump, non seulement sur le raid, mais aussi sur les efforts de renseignement qui l’ont précédé. Le président a ainsi déclaré que certains plans pour capturer al-Baghdadi avaient été annulés ces dernières semaines parce qu’il avait changé ses plans de voyage et qu’ils avaient saisi du matériel et des informations « très sensibles » dans le bâtiment en question.

Comment les États-Unis ont traqué al-Baghdadi
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Les restes de son corps ont ensuite été immergé en mer, une méthode qui rappelle celle du dirigeant d’Al-Qaïda Oussama ben Laden en 2011, tué lors de l’assaut d’une unité d’élite américaine contre sa cachette au Pakistan. La sépulture en mer avait été choisie pour éviter qu’une éventuelle tombe ne devienne un lieu de pèlerinage.

Chien héros

Donald Trump a rendu hommage lundi au « chien héros » de l’assaut. L’animal a été « légèrement blessé ». Si un général avait indiqué plus tôt ne pas vouloir « diffuser pour le moment de photos ou le nom du chien ou n’importe quoi d’autre pour protéger son identité », Donald Trump a publié peu de temps après, sur Twitter, un cliché de l’animal, langue pendue et vêtu d’un harnais kaki : « Nous avons déclassifié une photo de ce chien merveilleux (son nom n’est pas déclassifié) qui a fait un BOULOT MERVEILLEUX dans la capture et l’élimination du chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi. »

https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1188909031403900928Donald J. Trumphttps://twitter.com/realDonaldTrump

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