Carine Kanimba, à côté d'une photo de son père décoré par le président Bush en 2005. © FJDO

Carine Kanimba : « La Belgique doit exiger la libération de mon père »

Carine Kanimba, fille de Paul Rusesabagina, réclame des actions de la Belgique en vue de la libération de son père, le  » héros  » du film Hotel Rwanda, disparu à Dubaï fin août et exhibé quatre jours plus tard à Kigali, menottes aux poings. Son procès a commencé lundi.

« Mon père est Belge et uniquement belge et la Belgique ne peut pas le laisser tomber ». Arrivée dare-dare de New York où elle travaille dans la finance, Carine Kanimba est encore sous le choc de l’arrestation de son père adoptif fin août. Paul Rusesabagina (66 ans) avait pris l’avion de Chicago à Dubaï, ville où il a disparu avant d’être exhibé le 31 août à Kigali, menottes aux poings. Il aurait été enlevé par les services rwandais. Ce lundi 14 septembre, il a comparu pour le premier jour de son procès. Il doit faire face à treize motifs d’inculpation, dont meurtre, terrorisme et financement de rébellion.

Paul Rusesabagina, alias Mr Paul, n’est autre que le héros du film Hôtel Rwanda (2004) qui narre les jours tragiques de l’hôtel Mille Collines de Kigali, alors propriété de la Sabena, qu’il a dirigé pendant le génocide de 1994. Plus de 1 200 Tutsis avaient pu y trouver refuge. Pour sa bravoure, il avait été décoré par le président Bush. Mais son opposition au nouveau régime lui a valu aussitôt des ennuis. En 2018, il a lancé le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD). Or, le MRCD est soupçonné d’avoir un bras armé, le Front national de libération (FLN). « Mais l’implication de M. Rusesabagina dans les actions de ce groupe considéré comme terroriste par Kigali n’est pas claire », estime l’organisation Human Rights Watch.

L’ancien hôtelier devenu conférencier et homme politique avait reçu l’asile politique en Belgique en 1996 avant de se voir octroyer la nationalité belge. Le siège de son parti est d’ailleurs basé à Kraainem. « Papa, qui est un pacifiste, a renoncé à sa nationalité rwandaise pour se protéger. Il est seulement Belge, depuis plus de vingt ans, et cela nous fait mal d’entendre qu’il est également Rwandais. Aujourd’hui, il est enlevé par un pays contre lequel il avait demandé la protection de la Belgique. C’est pourquoi je demande urgemment aux autorités belges d’intervenir, comme l’ont fait auparavant les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans des cas similaires ».

Mais à l’entame du procès, le procureur a démenti la version de Carine Kanimba, soulignant, rapporte le média gouvernemental The New Times, que « le suspect est Rwandais et n’a jamais renoncé à sa nationalité », et qu’en tout état de cause « nous jugeons toujours les étrangers qui ont commis des crimes sur notre sol ». Aux Affaires étrangères belges, on se refuse à confirmer si l’homme est Belge ou binational. « Il a pu bénéficier d’une assistance consulaire la semaine dernière », se borne-t-on à dire. Carine Kanimba, elle, reproche à la Belgique de n’avoir pas averti la famille de l’arrestation de Paul Rusesabagina, notifiée par Kigali la veille de son apparition dans les locaux du Rwanda Investigation Bureau. « Nous avons tout appris par les médias », déclare-t-elle.

L’avocat de la famille, Me Vincent Lurquin, attend toujours les autorisations pour se rendre au pays des mille collines, et réclamer la libération de son client. « Si on viole la procédure au niveau de l’arrestation, les poursuites deviennent irrecevables, nous a déclaré l’avocat. La façon dont les Rwandais ont procédé n’est pas acceptable dans un Etat de droit ».

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