© Reuters

Camouflet en Corée du Nord: la « crème de la crème » a pris la poudre d’escampette

Le Vif

Le haut diplomate nord-coréen récemment passé au Sud était issu d’une famille au-dessus de tout soupçon et jouissait de puissantes connexions avec l’élite du régime, ce qui a contribué à faciliter sa défection, ont estimé jeudi des experts.

Numéro deux de l’ambassade de Corée du Nord en Grande-Bretagne, Thae Yong-Ho est un des plus hauts diplomates du régime de Pyongyang à avoir fait défection, et constitue une « prise » de première importance pour la Corée du Sud, à l’heure où les tensions sont particulièrement fortes sur la péninsule.

Les défections de diplomates sont d’autant plus rares que la Corée du Nord, de plus en plus isolée sur la scène internationale en raison de son programme nucléaire militaire, maintient relativement peu d’ambassades.

Parmi les précédents, figurent notamment la défection en 1997 de l’ambassadeur nord-coréen en Egypte, ou celle l’année dernière d’un diplomate en poste en Afrique.

Toute trahison de diplomate constitue un sacré revers pour Pyongyang. Mais la défection de Thae Yong-Ho semble d’une importance toute autre, car Londres est une des représentations nord-coréennes les plus prestigieuses.

« L’ambassade de Londres est réservée à certains des plus hauts responsables du ministère des Affaires étrangères », explique Victor Cha, directeur des études asiatiques au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington.

Parmi les anciens ambassadeurs en Grande-Bretagne, figure notamment l’actuel ministre nord-coréen des Affaires étrangères, Ri Yong-Ho.

– proches de Kim Il-Sung –

« En ce sens, cette défection est la fuite d’un des meilleurs et des plus brillants du Nord, la crème de la crème diplomatique », poursuit M. Cha.

M. Thae avait travaillé pendant dix ans au sein de l’ambassade, une durée totalement inhabituelle à un poste aussi prestigieux.

Les diplomates sont généralement rappelés à Pyongyang tous les trois à quatre ans pour suivre une phase de « rééducation » avant de pouvoir être de nouveau renvoyés à l’étranger.

Sa défection a certainement été facilitée par le fait que sa femme et ses enfants vivaient auprès de lui. Une configuration qui n’est pas la norme puisque certains diplomates doivent laisser femme et enfants au pays, précisément pour prévenir toute volonté de fuite.

Le professeur Yang Moo-Jin, de l’Université des études nord-coréennes de Séoul, s’est de son côté étonné de certaines informations laissant entendre qu’un des fils de M. Thae avait fini son université tandis que l’autre se préparait à entrer à l’Imperial College de Londres.

« C’est inhabituel, car les enfants de diplomates sont généralement rappelés en Corée du Nord à leur sortie du lycée », explique-t-il.

« Tout cela laisse penser qu’il avait des références impeccables et était considéré à Pyongyang comme très loyal et digne de confiance. »

Plusieurs médias sud-coréens rapportent que M. Thae est, comme son épouse, issu de familles de révolutionnaires nord-coréens de la première heure.

Le père de M. Thae, aujourd’hui décédé, était vraisemblablement le général quatre étoiles Thae Pyong-Ryol, qui combattit les forces coloniales japonaises aux côtés du fondateur du régime Kim Il-Sung, selon l’agence sud-coréenne Yonhap.

Son épouse Oh Hae-Son était également parente d’une gloire de la résistance coréenne, Oh Baek-Ryong.

Le journal JoongAng Ilbo, qui le premier a fait état de la défection, publie jeudi une photo noir et blanc datant vraisemblablement de 1947 et sur laquelle apparaît Oh Baek-Ryong, debout à côté de Kim Il-Sung, et tenant dans ses bras le fils de ce dernier et futur héritier, Kim Jong-Il.

Pendant sa mission londonienne, une des missions de M. Thae était de contrer les critiques sur le bilan nord-coréen en matière de droits de l’Homme et toute autre couverture médiatique défavorable à Pyongyang.

Les journalistes britanniques qui l’ont cotoyé se rappelle de M. Thae comme un homme attachant, urbain et très éloquent.

Les observateurs s’accordent à dire qu’il devrait en tout état de cause être une source de premier choix pour obtenir des renseignements sur l’actuelle direction nord-coréenne et sur ses priorités.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire