Gérald Papy

C’est la hess par Gérald Papy: Israël, l’apartheid, et le poids des mots (chronique)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Pas sûr que l’anathème de l' »Etat d’apartheid » soit l’initiative la plus indiquée pour raviver le « camp de la paix » en Israël.

Israël est-il un « Etat d’apartheid »? Le débat s’enflamme depuis qu’au début de l’année, l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem a conclu dans un rapport que l’Etat d’Israël exerçait un régime d’apartheid « du Jourdain à la Méditerranée » en vertu du principe de « faire avancer et cimenter la suprématie d’un groupe – les Juifs – sur un autre, les Palestiniens ». L’organisation américaine Human Rights Watch a confirmé cette accusation dans une étude publiée en avril dernier en évoquant des « crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis contre une partie de la population palestinienne ». Décrits par son directeur Kenneth Roth, interrogé par Le Monde, trois éléments sont constitutifs de ce crime instauré en Afrique du Sud par le régime blanc et reconnu internationalement par la Convention de 1973 sur l’apartheid: « l’intention par un groupe racial d’en dominer un autre, une oppression systématique et la perpétration de certains actes inhumains. »

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Intellectuels, artistes et personnalités politiques ont encore alimenté le débat au cours de l’été en plaidant d’un côté « pour que 2021 soit l’année de la fin de l’apartheid en Israël » (1) et en indiquant de l’autre que « la question israélo-palestinienne ne doit pas être l’exutoire des passions primaires » de l’antisémitisme (2). La tribune des pro-Palestiniens, paraphée par une soixantaine d’universitaires belges sur quelque 1 100 signataires, espère que « la reconnaissance de fait qu’Israël a bel et bien instauré un régime d’apartheid dans l’ensemble des territoires qu’il a soumis à sa juridiction s’ajoutant à d’autres violations du droit international, mène à exiger que la communauté internationale sorte de la complaisance et engage les mesures concrètes qui découlent de ce constat ». La carte blanche des pro-Israéliens rappelle que « la situation actuelle au Proche-Orient ne résulte pas uniquement de dizaines d’années d’affrontement entre Israéliens et Palestiniens, elle se nourrit également de centaines d’années de persécutions des juifs dans les pays arabes et en Europe ».

Comme souvent sur la question du Proche-Orient, deux logiques, argumentées, s’affrontent et ne cherchent pas à se rencontrer. Les pro-Palestiniens, et singulièrement l’organisation B’Tselem, tendent à confondre les situations pourtant très différentes dans les territoires occupés et en Israël. Les pro-Israéliens inclinent à assimiler hâtivement la critique des gouvernements à de l’antisémitisme. Nous plaidons ici de longue date pour un Etat d’Israël en sécurité et pour un Etat palestinien viable. L’occupation, la répression et l’absence de perspectives imposées par les Israéliens aux Palestiniens est condamnable. Mais « si (l’occupation) résultat d’une discrimination raciale (NDLR: fondement de l’apartheid en Afrique du sud), comment expliquer alors qu’elle ne s’applique pas aux deux millions de Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne? » interroge à juste titre le professeur de science politique Denis Charbit. Pas sûr donc que l’anathème de l' »Etat d’apartheid » soit l’initiative la plus juste et la plus indiquée à promouvoir pour raviver le « camp de la paix » au moment où des partis un peu plus progressistes et une formation arabe israélienne participent au premier gouvernement post-Nétanyahou depuis quinze ans.

(1) Dans Libération du 27 juillet dernier ou sur aurdip.org, le site de l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine.

(2) Dans Le Monde du 3 septembre.

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