Thierry Fiorilli

C’est beau comme cueillir l’âme sonore de la planète, par Thierry Fiorilli (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Après une tumeur au cerveau qui l’a fait devenir sourd partiellement, Christien Holl a continué de voyager et d’aller chercher les échos de la Terre. Il fera de son expérience, un mantra: « Avec mes deux oreilles, j’entendais le monde ; avec une seule, je me suis mis à l’écouter ».

Christian Holl était ingénieur du son. Et musicien. Il avait essayé chanteur, puis il avait écrit pour d’autres, comme Michèle Torr, puis composé pour des films animaliers, des documentaires sur la nature et des reportages d’Ushuaïa. Ça lui plaisait beaucoup mais ça l’ennuyait de devoir tout inventer en studio. Il a donc commencé à accompagner les équipes à travers la planète. Il captait les cris des animaux, il faisait du xylophone sur des pierres en les arrosant d’eau pour obtenir la gamme complète, il enregistrait les grondements des volcans, les chants des « peuples du monde », les soupirs du vent, les froufrous des feuilles, tout ça, partout. Puis, un jour, il s’est rendu compte qu’il n’entendait plus de l’oreille gauche. Tumeur au cerveau. On l’a opéré, on lui a sauvé la vie, mais on n’a rien pu faire pour la surdité partielle.

Avec mes deux oreilles, j’entendais le monde ; avec une seule, je me suis mis u0026#xE0; l’u0026#xE9;couter.

Comme pour prouver, aux autres et à lui-même, que ce n’est pas ça qui allait l’empêcher et de voyager et d’aller chercher les échos de la Terre, il file en Inde pour chasser le bruit des lions. Si on veut les observer en toute sécurité et longtemps, ce qui est indiqué pour obtenir une palette assez large des sons qu’ils produisent, il faut monter dans un arbre, avec le matériel, et y rester juché. Christian Holl dit que c’est là qu’il a eu la révélation. Celle qui explique la formule qu’il répète comme un mantra: « Avec mes deux oreilles, j’entendais le monde ; avec une seule, je me suis mis à l’écouter. » Concrètement: le globe-trotter français, né à Paris il y a 61 ans et résidant aujourd’hui à Villeneuve-lez-Avignon, dans le Gard, dormait dans son arbre, l’oreille droite collée à une branche. Et il a entendu « comme si des milliers de grelots scintillaient ».

Il décide qu’il va désormais recueillir l’âme sonore de la planète. Le bruit d’une roche, la musique d’une dune, le tac-tac d’un bourgeonnement, le gazouillis d’une brume. Il combine « capteurs, stéthoscopes et micro à l’impédance boostée », résume le magazine Objectif Gard. Ce qui lui permet d' »enregistrer le galop de l’insecte comme s’il s’agissait de celui d’un troupeau de gnous », dit-il à The Red Bulletin, la pulsation cardiaque d’un varan (« sa musique intérieure est la même que celle de toutes ces créatures terrestres disparues ») ou « le cri d’alarme des termites qui se tapent l’abdomen »… L’Unesco lui demande du coup l’inventaire acoustique des temples d’Angkor ou de la chambre du roi dans la pyramide de Khéops, soit « la partition secrète des sites du patrimoine mondial », comme définit joliment Objectif Gard. Entre les coups, il s’occupe du bruitage de jeux vidéos (Fornite, The Division, Assassin’s Creed Valhalla), où c’est plutôt la symphonie des villes qu’il doit happer. Autre chose que « la sève qui s’écoule dans un baobab: le son qu’elle produit est à 528 hertz, la fréquence la plus bienfaitrice ». Celle qui, selon les préceptes de la thérapie sonore, « hausse la quantité d’énergie vitale dans le corps, rend l’esprit plus clair, élève la conscience et peut nous conduire à une paix intérieure absolue « .

C’est beau, cueilleur de sons.

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