Drieu Godefridi

Burkini : le faux débat par excellence

Drieu Godefridi PhD (Sorbonne), juriste et auteur

Les Français ont le goût de ces débats qui cristallisent les passions et permettent à chacun de se positionner bruyamment, à coup de phrases assassines et de citations définitives. Sans qu’au fond, rien ne change.

Ainsi des arrêtés d’interdiction du burkini, qui évoquent directement le débat, il y a quelques années, sur l’interdiction de la burka.

Si le problème se limitait à des vêtements — ce que sont d’abord et avant tout la burka et le burkini, ne l’oublions pas — comme nous serions heureux !

Bien sûr, il n’en est rien. Le problème est ailleurs, il git dans l’idéologie dont ces accoutrements ne sont que l’une des manifestations qui bourgeonnent sur le continent européen. Il est tellement plus facile de s’en prendre à un vêtement qu’à l’idéologie dont il procède !

Car, cette idéologie, ce n’est pas DAESH, ce n’est pas l’islamisme. C’est l’islam. Trente années d’éducation contre « la discrimination », « le racisme » et ses variantes ont si bien conditionné nombre de nos intellectuels — pour ne rien dire de nos politiques — que le simple fait de désigner l’islam comme problème leur est inconcevable.

En effet, nous disent-ils, l’islam est une religion. Allons-nous discriminer une religion ? Empêcher des hommes et des femmes de vivre librement leur foi ? À moins que ces velléités de discrimination ne cachent, plus grave !, une sorte de racisme latent et refoulé ?!

Cette disposition d’esprit, que je me suis permis de qualifier de « trahison des clercs » dans un essai récent (*), il est facile de montrer qu’elle procède de l’ignorance.

Car l’islam est plus qu’une religion. À l’opposé du christianisme, l’islam définit un projet politique et un droit complets, régissant tous et chacun des aspects de la vie des individus. L’islam est une doctrine, que l’esprit des Lumières, précisément, nous oblige à traiter comme toute autre doctrine, avec esprit critique et sans déférence (inutile d’y ajouter le mépris, qui aveugle le jugement).

« Vous n’allez pas nous reservir le couplet sur l’islam opposé à l’égalité entre hommes et femmes ? » Non. Car l’incompatibilité de l’islam et de l’Occident — en fait, de l’islam et de l’idée même de démocratie — est plus fondamentale. L’islam définit non seulement un ensemble de normes, mais un droit qui se veut complet et immuable, car il prend sa source dans la parole d’Allah. C’est dans la complétude divine de son droit, le fiqh, que réside la différence ontologique entre islam et christianisme. On ne réforme pas la parole de Dieu, on ne discute pas la volonté de Dieu dans une assemblée médiocrement humaine telle qu’un parlement. Abroger une sourate du Coran, ce serait abroger Dieu.

Ainsi les questions vestimentaires sont-elles remises dans une juste perspective, celle du symptôme de la diffusion, en Europe, d’une doctrine islamique radicalement opposée aux fondements de notre civilisation (ie, toute norme est questionnable et réformable). Voici la vraie question : celle de l’avenir, en Europe, de la doctrine islamique, et non de « l’islamisme », « des musulmans » ou de tel ou tel vêtement.

Pour autant, faut-il balayer d’un revers de main le débat sur le burkini ? Ma réponse est oui. Car ce débat masque l’essentiel, il crispe inutilement les passions et ne présente, en soi, aucun intérêt. Que faire ? Laisser agir les autorités locales. Si leurs arrêtés sont conformes au droit, c’est leur prérogative. Il existe des juridictions pour s’en assurer.

(*) La trahison des clercs — Lettre à un combattant de l’islam. Texquis, 2016.

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