Jair Bolsonaro © Reuters

Bolsonaro, le nostalgique de la dictature qui se rêve président du Brésil

Le Vif

Dérapages misogynes et homophobes, nostalgie affichée de la dictature militaire: malgré un discours sulfureux, Jair Bolsonaro est adulé par des millions de Brésiliens, qui en font un des favoris à la présidentielle d’octobre.

Pour ses détracteurs, ce député de 63 ans fait figure d’épouvantail d’extrême droite, qui exacerbe les tensions dans un Brésil fortement polarisé.

Mais ses partisans le voient comme le sauveur de la patrie en danger. Opportunément, son deuxième nom de famille est « Messias », messie en portugais, et ses fans les plus ardents le surnomment « o mito » (le mythe).

Un mythe entretenu par un savant usage des réseaux sociaux et des petites phrases provocatrices pour les médias.

Regard vert perçant et cheveux grisonnants soigneusement peignés, cet ancien capitaine de l’armée épargné par l’avalanche de scandales de corruption qui ronge le Brésil aime tester sa popularité dans les aéroports, où il est régulièrement arrêté pour des pauses selfie.

« Bolsonaro, c’est la lumière au bout du tunnel. Il est le seul candidat qui représente vraiment le peuple brésilien pour nous débarrasser de la corruption », a affirmé à l’AFP une de ses fans, Agnes Plocharski, publicitaire de 47 ans, renontrée à l’aéroport de Curitiba (sud).

Jair Bolsonaro frôle les 20% d’intentions de vote, ce qui le placerait en tête du premier tour de la présidentielle, mais les sondeurs ne le voient pas remporter le 2e tour.

Il fait notamment un tabac chez les jeunes (26%) et les classes les plus aisées (34%), tout en flirtant avec les évangéliques, avec notamment un discours farouchement anti-avortement.

La ligne politique de Jair Bolsonaro est floue, en témoigne ses nombreux changement d’étiquette au fil des années. En matière économique, son programme est tout aussi nébuleux. Pourtant, les marchés commencent à le prendre au sérieux à mesure qu’il grimpe dans les sondages.

Sa proposition-phare pour lutter contre l’insécurité: « Donner l’accès au port d’arme aux gens biens », a-t-il affirmé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

– Dérapages en série –

Reprenant le discours classique du « tous pourris » de la droite radicale, il tente de se placer au-dessus de la mêlée. Mais contrairement à Donald Trump, auquel il est souvent comparé, Jair Bolsonaro a déjà une longue carrière politique derrière lui: il siège à la chambre des députés depuis 1991.

« Il parle des ‘politiciens’ comme s’il ne faisait pas partie de ce monde. Il a réussi à faire passer l’image d’un homme fort, adepte de la ligne dure, qui va combattre la corruption », explique Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas.

Né en 1955 à Campinas, près de Sao Paulo, dans une famille d’origine italienne, Jair Bolsonaro a fait l’essentiel de sa carrière politique à Rio de Janeiro, où il a été élu conseiller municipal en 1988 et obtenu son premier mandat de député fédéral trois ans plus tard.

En tant que parlementaire, Jair Bolsonaro s’est davantage illustré par ses dérapages dans l’hémicycle que pour les projets de loi qu’il a fait approuver, seulement deux en 27 ans.

– Le défi du second tour –

En 2014, il avait fait scandale en prenant violemment à partie la parlementaire de gauche Maria do Rosario, lui lançant qu’elle « ne méritait pas » qu’il la viole car elle était « très laide ». Deux ans plus tard, il a fait l’éloge d’un tortionnaire de la dictature militaire (1964-1985).

M. Bolsonaro a également multiplié les déclaration homophobes: dans un entretien au magazine Playboy en 2011, il a affirmé qu’il préférerait que son fils « meure dans un accident » plutôt que de le savoir homosexuel.

Même si son discours est plus policé depuis quelques mois — ambition présidentielle oblige — cela ne le rend pas forcément fréquentable aux yeux des partis traditionnels en vue d’une possible alliance avant un second tour.

« Comme l’électorat est très éparpillé, sans aucun candidat qui ne se dégage largement dans les sondages, on ne sait pas s’il pourra récupérer les voix de ceux qui sont éliminés au premier tour. Ce n’est pas un candidat rassembleur », affirme Michael Mohallem.

S’il n’atteint pas son but, la relève semble prête: ses trois fils sont élus, l’un à ses côtés, à la Chambre des députés, un autre au conseil municipal et le troisième au Parlement de l’Etat de Rio.

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