Des camions conçus par un constructeur en partie allemand comme outils de répression du mouvement démocratique en Birmanie, cela passe mal à Berlin. © gettyimages

Birmanie: pression sur les groupes occidentaux

Nathalie Versieux Journaliste, correspondante en Allemagne

Avec 6 à 7% de croissance par an avant la crise sanitaire, la Birmanie en voie de démocratisation attirait les investisseurs étrangers. La répression change tout. Illustration avec le débat ouvert en Allemagne.

La scène se reproduit à chaque manifestation depuis des semaines. Face à des Birmans pacifiques et désarmés, des militaires en équipement de combat sautent de camions bâchés pour réprimer les manifestations. En Allemagne, ces images choquent tout particulièrement depuis que le nom des véhicules de l’armée birmane est sorti au grand jour: celui du constructeur chinois Sinotruck. Son homologue allemand, Man, filiale de Traton (nouveau nom de la division trucks de Volkswagen), est en effet, depuis 2009, un gros actionnaire de Sinotruck avec 25% du capital plus une action ; une minorité de blocage, qui lui permettrait en théorie d’influer sur les affaires de son partenaire chinois.

Hakan Samuelsson, alors patron de Man, avait signé à l’été 2009 l’accord avec Sinotruck – un constructeur de camions coté à la Bourse de Hong Kong – pour 560 millions d’euros. « Cette participation importante a pour base les bonnes relations que nous entretenons de longue date avec Sinotruck« , assurait alors Samuelsson. Interrogé par la presse allemande, le service de communication de Man se contente aujourd’hui d’indiquer vouloir « vérifier la nature des liens commerciaux entre Sinotruck et le régime militaire birman ». « Lorsque Man est entré au capital de Sinotruck, on savait déjà depuis longtemps que la Chine soutenait la dictature militaire birmane qui a terrorisé le pays entre 1962 et 2011″, rappelle le journal de centre-gauche Süddeutsche Zeitung de Munich, la ville où se trouve le siège de Man. Le quotidien rappelle également que la maison mère de Man, Volkswagen, figure sur la liste des entreprises dénoncées à la suite d’investigations ayant mis au jour plusieurs usines du Xinjiang employant des travailleurs forcés ouïghours pour le compte d’entreprises internationales.

Retrait japonais

Man n’est pas un cas isolé. Avec 6 à 7% de croissance par an avant la crise sanitaire, la Birmanie était l’un des pays à plus forte croissance d’Asie. D’où l’intérêt des investisseurs internationaux. Comme l’entreprise munichoise Giesecke & Devrient, l’un des acteurs chargés de l’impression des billets de banque birmans. Le groupe chimique BASF ouvrait voici trois ans sa première usine dans le pays. Siemens (énergie, industrie, bâtiment) et ThyssenKrupp (sidérurgie) y possèdent une filiale. Le géant de la distribution en gros, Metro, s’est installé voici deux ans en Birmanie. Et le géant suédois de la confection H&M posséderait au moins une usine dans le pays, tandis que la brasserie japonaise Kirin a annoncé son intention de se retirer de ses participations – deux joint-ventures – dans une entreprise appartenant au général Min Aung Hlaing, à l’origine du coup d’Etat. Les activistes birmans appellent depuis au boycott de ces bières jadis très populaires. Kirin est le premier gros investisseur étranger à quitter le pays. En 2015, le groupe japonais avait investi 560 millions de dollars pour une participation de 55% au capital de Myanmar Brewery.

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