Le prince Albert de Belgique avec sa future épouse, Elisabeth Wittelsbach. De "petite taille"... © AGR

Bienvenue dans l’intimité des princes !

Comment les membres des familles royales sont-ils éduqués ? Comment se marient-ils ? Comment meurent-ils ? Un ouvrage fourmillant d’informations issues de précieuses archives nous entraîne dans l’intimité des souverains.

Une promenade inédite à travers les cours d’Europe, c’est ce que nous proposent Joffrey Liénart et Michaël Amara après avoir épluché trois siècles d’histoire. Entre fastes et drames (1), leur livre richement documenté par les archives du fonds Vendôme-Nemours, nous emmène dans les pas des puissants.

Les enfants princiers sont des enfants comme les autres. Sauf qu’ils voient le jour dans un château. Evoluent en cercle fermé. Et sont surveillés de très près. Né en 1773, Louis-Philippe d’Orléans est l’héritier d’une des plus prestigieuses lignées d’Europe. S’il est certes un privilégié, son enfance n’est pas pour autant dorée. Chaque jour, seize heures d’exercices l’attendent, visant à construire son intelligence et à endurcir son corps. Son lit ? Une planche de bois ! Ses bains ? Froids ! Quelques décennies plus tard, Louis-Philippe tiendra à ce que ses fils soient éduqués avec une même rigueur. Il veillera toutefois à les envoyer à l’école. Louis d’Orléans, duc de Nemours, fréquentera le prestigieux lycée Henri IV, à Paris… où il sera néanmoins suivi de près par son précepteur personnel. Plus tard, le jeune homme complétera sa formation sous les armes. En 1831 et en 1832, aux côtés de son frère, il aide la Belgique, fraîchement indépendante, à résister aux velléités hollandaises.  » Mes fils ont fait leur devoir, écrira leur mère, je suis charmée que l’on sache qu’on peut compter sur eux en toute occasion.  »

Se marier pour mieux régner

Une fois l’éducation accomplie, il convient de se construire un avenir. Ou d’accueillir son destin. En 1830, de longues négociations diplomatiques sont menées en vue d’unir Léopold, roi des Belges, à Louise-Marie, princesse de France. Plus de vingt années séparent les prétendants. Mais un même intérêt relie leurs nations : pour la France comme pour la Belgique, l’objectif est de raffermir un prestige fragilisé. Très attaché à Louise-Marie, Léopold multiplie les missives. Et les arguments. Oui, il est protestant. Mais il est tout disposé à faire grandir sa descendance dans la foi catholique. Le 9 août 1932, les noces sont célébrées au château de Compiègne. Quelques jours plus tard, le souverain se plaint auprès de sa belle-mère : il s’avère que sa  » chère petite femme  » se trouve mal à l’aise dans certaines situations intimes. Avec le recul, Marie-Amélie lui répondra :  » Il est tout naturel qu’elle le fût au commencement et, même, cela devrait vous plaire. Mais cela ne devrait pas durer et moi je désire beaucoup être grand-mère.  »

A la fin du xixe siècle, c’est le prince Albert de Belgique qui cherche épouse. Le parti est avantageux ; le jeune homme suscite fantasmes et convoitises. Le roi Léopold II souhaite ainsi qu’Albert épouse sa petite-fille. L’idée fait bondir Henriette, duchesse de Vendôme et frère d’Albert. Elle estime que l’intéressée  » a deux grands-pères toqués, un père fou, une mère extravagante « . Albert, pour sa part, se verrait bien avec Elisabeth Wittelsbach, rencontrée à un enterrement.  » Elisabeth m’a fait beaucoup plus d’impression que je n’ai voulu le montrer d’abord, et je l’ai trouvée très bien « , confie bientôt Albert à sa soeur. Alors que le mariage se profile, le fiancé éprouve quelques doutes. Il craint surtout la réaction de ses compatriotes :  » On est habitué ici à de belles princesses de grande taille […]. Je crains qu’il n’y ait un peu de déception dans le public.  »

La chasse, reine des activités mondaines, est aussi une manifestation du pouvoir

Plaisirs du Palais

Il n’y a plus qu’à régner. A profiter aussi. Longtemps, la chasse est la reine des activités mondaines. Elle n’est d’ailleurs pas qu’un hobby. Tout à la fois violente et élégante, extrêmement codifiée, elle est aussi une manifestation du pouvoir. Avant de tomber en désuétude. Vers la fin du xviiie siècle, sous l’effet conjoint de la crise des finances royales et des critiques du peuple, l’étendue des domaines tend à se réduire.

Reste les fêtes. Le 7 avril 1863, à Madrid, se tient le bal costumé du duc et de la duchesse de Fernán Nuñez. Ce notable très en vue a un agréable métier : avec sa cinquantaine d’employés, il veille à faire fructifier sa fortune – largement issue de la famille de son épouse. Leurs fêtes sont réputées dans toute l’Europe. Ce soir-là, pas moins de mille invités se pressent aux portes du palais ducal. Dans les couloirs de cet immense édifice sont exposés tapisseries, meubles, bijoux… Des fleurs, venues d’Andalousie, inondent l’ensemble de leur parfum. Isabelle II est là. C’est dans un musée d’art que la reine d’Espagne a trouvé l’inspiration pour sa robe. Ce soir, elle est habillée comme Esther, une reine de l’Ancien Testament. Selon la rumeur, la valeur des diamants de sa robe dépasseraient les 10 millions de réaux…

Certaines têtes couronnées aiment profiter de la vie en se plongeant dans l’art. Marie de Hohenzollern, belle-fille de Léopold Ier et mère du futur Albert Ier, est une artiste passionnée. Quand elle ne s’occupe pas de ses enfants, elle se perd dans ses toiles. Ses carnets d’aquarelles l’accompagnent d’ailleurs toujours dans ses voyages. Mais Marie aime aussi admirer les oeuvres des autres. Celles de Jean-François Millet et de John Constable, par exemple. En revanche, elle abhorre l’art symboliste :  » Il est impossible de comprendre ces compositions d’un mysticisme malsain et d’une inspiration détraquée.  »

Fin de règne

Les règnes ne sont pas éternels. En avril 1813, Marie-Caroline, reine de Naples, est contrainte à l’exil, après que soient tombées sous la coupe des Anglais les terres qu’elle avait dirigées. Au terme de près d’un an de voyage, elle arrive à Vienne, sa ville natale, épuisée. Quelques mois plus tard, elle est retrouvée morte.

Trois décennies plus tard, ce sont les Orléans qui se retrouvent sur un siège éjectable. En 1848, la France va mal. Crise économique, discrédit de la classe politique… Le 22 février, des troubles éclatent. Et des hommes meurent. Alors que Paris se drape de barricades, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils. Mais la foule en veut plus.  » Vive la République « , hurle-t-on. Craignant la prison, la famille royale opte pour l’exil. Elle dérive de Honfleur au Havre, avant de gagner l’Angleterre. C’est à Claremont House, dans un vaste manoir mis à disposition par la reine Victoria, que le couple royal échoue. Et pleure le temps perdu. La santé du roi se dégradera rapidement. Le 26 août 1850, il meurt. Vingt-six ans plus tard, son corps sera exhumé et rapatrié en France.

(1) Entre fastes et drames : lumière sur trois siècles de souvenirs royaux. Promenade dans l’intimité des monarques, princes et princesses d’Europe, par Joffrey Liénart et Michaël Amara, Archives générales du royaume – éd. Avant-Propos, 2017, 144 p.

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