Aung San Suu Kyi © belga

Aung San Suu Kyi devant la justice après un dimanche de répression meurtrière en Birmanie

Le Vif

L’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, accusée de multiples infractions par la junte, doit comparaître lundi devant la justice au lendemain de la journée la plus meurtrière depuis le coup d’Etat.

Au moins 44 manifestants pro-démocratie ont été tués dimanche par les forces de sécurité, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

L’ONG comptabilise aussi plus de 2.000 arrestations depuis le 1er février, dont la prix Nobel de la paix 1991, toujours tenue au secret.

Aung San Suu Kyi, 75 ans, devait comparaître en vidéoconférence dans la matinée, mais l’audience n’a pas encore débuté pour des questions de procédure, a indiqué à l’AFP son avocat Khin Maung Zaw.

Elle est poursuivie pour au moins quatre chefs d’accusation: importation illégale de talkies-walkies, non respect des restrictions liées au coronavirus, violation d’une loi sur les télécommunications et incitation aux troubles publics.

La junte l’accuse aussi de corruption en affirmant qu’elle a perçu 600.000 dollars et plus de 11 kilos d’or de pots-de-vin.

L’ex-dirigeante semblait en bonne santé le 1er mars lors de la dernière audience en visioconférence, selon Khin Maung Zaw qui n’a toujours pas été autorisé à rencontrer sa cliente.

– « Crimes contre l’humanité » –

Après six semaines de manifestations pro-démocratie, les généraux poursuivent sans relâche leur répression: plus de 120 manifestants ont été tués depuis le 1er février, selon l’AAPP.

Meurtres, persécutions, disparitions forcées, tortures: le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé de probables « crimes contre l »humanité » commis par l’armée.

« Les dirigeants de la junte ne doivent pas être au pouvoir, mais derrière les barreaux », a tweeté lundi Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, appelant à stopper immédiatement l' »approvisionnement en argent et en armes » des militaires.

Dimanche, les événements ont été particulièrement tendus à Hlaing Tharyar, une banlieue industrielle de Rangoun qui abrite de nombreuses usines textiles, avec 22 personnes tuées.

22 autres manifestants pro-démocratie ont péri à travers le pays, dont au moins sept à Rangoun, un bilan qui pourrait être sous-estimé, d’après l’AAPP.

Un policier a été tué à Bago, au nord-est de la capitale économique.

A Hlaing Tharyar, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des protestataires après l’incendie de plusieurs usines chinoises, l’ambassade de Chine demandant aux autorités de « garantir la sécurité » de ses entreprises et de son personnel.

Alors que des panaches de fumée s’élevaient de la zone industrielle, de nombreux véhicules militaires ont été déployés et des tirs ont été entendus en continu par les habitants cachés dans les maisons.

Personne n’a revendiqué les incendies, mais le ressentiment anti-chinois s’est intensifié ces dernières semaines dans le pays, certains estimant que Pékin, grand investisseur en Birmanie, a une position trop douce vis-à-vis des généraux putschistes.

A la suite de ces affrontements, la junte a décrété la loi martiale dans six cantons de l’agglomération de Rangoun, dont Hlaing Tharyar.

Toute personne arrêtée dans ces quartiers sera jugée par un tribunal militaire et encourera un peine minimale de trois ans de travaux forcés.

Les connexions internet mobiles, qui étaient depuis plusieurs semaines coupées dans la nuit mais rétablies dans la matinée, ne fonctionnaient toujours pas lundi en début d’après-midi dans la capitale économique, a fait savoir l’ONG de surveillance Netblocks.

– Résistance –

L’envoyée de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a fermement condamné l’effusion de sang de dimanche, tandis que l’ancienne puissance coloniale britannique s’est dite « consternée » par l’usage de la force « contre des innocents ».

Mais la junte fait pour l’instant la sourde oreille aux condamnations internationales.

Beaucoup de responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont été emprisonnés depuis le coup d’Etat, dont deux sont morts en détention.

Mais certains députés, passés à la clandestinité pour la plupart, ont créé un Comité pour représenter l’Assemblée de l’Union (CPRH), censé représenter le parlement fantôme.

Son vice-président, Mahn Win Khaing Than, a lancé ce week-end un vibrant appel à la résistance contre cette « dictature injuste ». « C’est le moment le plus sombre de la nation (mais) il faut que le soulèvement l’emporte », a-t-il déclaré.

La junte a pour sa part averti que l’appartenance à ce comité s’apparentait à une « haute trahison », passible d’une peine de 22 ans de prison.

Le passage en force des généraux, alléguant de vastes fraudes électorales aux législatives de novembre massivement remportées par la LND, a mis fin à une décennie de transition démocratique en Birmanie.

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