La justification de la démission du ministre de la Justice Sergio Moro, une sérieuse menace pour le président Bolsonaro. © BELAGIMAGE

Au Brésil, Bolsonaro perd de son assurance: le pouvoir pourrait-il vaciller?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le ministre de la Justice démissionnaire Sergio Moro a accusé le président d’ingérence dans des affaires judiciaires.

Après le limogeage du ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta le 16 avril en raison de divergences sur la façon de lutter contre l’épidémie de coronavirus, la démission, le vendredi 24 avril, du ministre de la Justice Sergio Moro contribue à affaiblir un peu plus encore le président brésilien Jair Bolsonaro. Le retrait fracassant de l’ancien juge fédéral qui avait instruit le dossier de corruption Petrobras et conduit le président Lula en prison met en lumière avec une vigueur inattendue les dissensions au sein même du camp présidentiel. La justification de sa démission par Sergio Moro est en effet lourde de menaces.

Au coeur du conflit, la décision du président de remplacer par un proche, le directeur des services de renseignement Alexandre Ramagen, le patron de la police fédérale Mauricio Valeixo, que soutenait le ministre de la Justice. Vexé, Sergio Moro a dévoilé, en annonçant sa démission, les coulisses et les enjeux de cette désignation.  » Le président m’a dit plus d’une fois, expressément, qu’il voulait avoir une personne proche qu’il pourrait appeler, auprès de qui il pourrait récolter des informations, auprès de qui il pourrait recueillir des rapports de renseignement, que ce soit du directeur ou du chef de la police fédérale et, clairement, ce n’est pas le travail de la police fédérale.  » Et l’ex-ministre d’enfoncer le clou :  » Le président m’a aussi informé qu’il était préoccupé par des enquêtes en cours au Tribunal suprême fédéral et que le changement serait également opportun à la police fédérale pour cette raison.  » Une des  » enquêtes en cours  » pourrait concerner Flavio Bolsonaro, un des fils du président, poursuivi pour  » improbité administrative liée à l’emploi de salariés fantômes, qui n’auraient pas exercé de fonction au sein du cabinet  » de celui-ci lorsqu’il était député régional de Rio.

Une procédure de destitution ?

Une autre investigation a suivi le lundi 27 avril les déclarations de Sergio Moro. Le procureur général de la République, Augusto Aras, a demandé au Tribunal suprême fédéral, la plus haute instance du pouvoir judiciaire, de vérifier l’accusation d’ingérence formulée par l’ancien ministre de la Justice à l’encontre du président. Il a été donné 60 jours à… la police fédérale pour interroger Sergio Moro. Au pouvoir depuis le 1er janvier 2019, Bolsonaro n’a pas l’ascendant sur la haute juridiction brésilienne. Sept des onze  » ministres  » (juges) qui composent le Tribunal suprême fédéral ont été désignés par ses prédécesseurs de gauche, Dilma Rousseff et Lula.

Sergio Moro et Jair Bolsonaro jouent gros dans cette opération. Si l’accusation n’est pas prouvée, l’enquête pourrait entraîner des poursuites pour dénonciation calomnieuse contre l’ancien juge fédéral, dont les méthodes ont parfois suscité la controverse, et ruiner ses éventuelles ambitions politiques. S’il y a un fond de vérité que Sergio Moro étayerait, dit-on, par des captures d’écran des échanges digitaux qu’il a eus avec le président, l’enquête pourrait conduire à une procédure en destitution de Jair Bolsonaro. Mais c’est à la Chambre des députés qu’il revient d’autoriser le Tribunal suprême fédéral à ouvrir une enquête formelle, et d’engager, le cas échéant, le processus d’ impeachment.

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