Lors des funérailles des victimes de l'attentat-suicide du mariage à Kaboul. © Reuters

Attentat dans un mariage à Kaboul: comment l’EI tente d’étendre son influence en Afghanistan

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’État islamique a revendiqué un attentat-suicide qui a fait au moins 80 victimes lors d’un mariage dans la capitale afghane. Un timing qui ne serait pas dû au hasard vu les tentatives de négociations entre les États-Unis et les talibans.

Un attentat-suicide contre un mariage ce week-end à Kaboul a fait 80 morts. La puissante explosion a emporté une grande partie de la toiture de l’immense salle de mariage où étaient réunis plusieurs centaines d’invités. L’attaque a été revendiquée par la branche afghane de l’État islamique. Le groupe djihadiste, composé d’islamistes radicaux sunnites, a pris à plusieurs reprises pour cible la communauté chiite d’Afghanistan, dont les familles des mariés faisaient partie. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier perpétré dans la capitale afghane depuis celui revendiqué par les talibans en janvier 2018, lorsqu’une ambulance piégée avait tué 103 personnes.

Pourquoi s’en prendre à un mariage, symbole de célébration et de joie ? Comme l’ont déjà montré les violences qui ont accompagné son expansion en Irak et en Syrie, l’EI ne cherche pas à gagner la loyauté du peuple, « mais à gouverner par la peur », analyse The Guardian. Et la violence en est la principale stratégie. Mais l’État islamique n’a pas choisi sa cible par hasard. Avec cet attentat, l’EI vise à éroder la suprématie des talibans.

Négociations entre les Américains et les talibans

La situation politique en Afghanistan a beaucoup évolué ces derniers temps. Le mois dernier, le président américain Donald Trump a déclaré qu’il était « ridicule » que les troupes américaines restent dans le pays. La population afghane, exaspérée par la violence, espère désormais la conclusion d’un accord entre les États-Unis et les talibans, qui ouvrirait la voie à des négociations de paix. Les États-Unis se sont d’ailleurs dits « prêts » à conclure les négociations avec les talibans.

Attentat dans un mariage à Kaboul: comment l'EI tente d'étendre son influence en Afghanistan
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Un tel accord devrait prévoir un retrait militaire américain d’Afghanistan plus ou moins complet, avec un calendrier à la clé. Il s’agit de la principale revendication des talibans, qui s’engageraient en retour à ce que les territoires qu’ils contrôlent ne puissent plus être utilisés par des organisations « terroristes ». Un cessez-le-feu entre insurgés et Américains, ou à tout le moins une « réduction de la violence », devrait également figurer dans le texte, qui serait historique 18 ans après l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis pour chasser les talibans du pouvoir, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Prolonger le chaos

Dans le même temps, l’État islamique a perdu la quasi-entièreté de ses territoires en Irak et en Syrie, bien que le groupe exerce toujours une influence significative sur des terres et sur ses membres. L’ambition est aujourd’hui d’établir des enclaves territoriales, et les zones les plus propices semblent être l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et l’Afghanistan, précise The Guardian. En Afghanistan, l’EI est passé d’une poignée de commandants talibans mécontents récupérés il y a cinq ans, à 3.000 combattants.

La pensée stratégique du groupe a été fortement influencée par des penseurs djihadistes clés qui, il y a dix ans ou plus, affirmaient que les extrémistes devaient fomenter la guerre civile, la discorde et le chaos. En Afghanistan, l’objectif semble légèrement différent. Une guerre civile est déjà en cours et il n’est pas nécessaire d’en provoquer une nouvelle. Au lieu de cela, l’attaque contre le mariage a souligné l’incapacité du gouvernement afghan à protéger ses propres citoyens, suscitant la peur et la colère, et contribuant à faire en sorte que tous les efforts visant à stabiliser le pays soient vains. « Nous pouvons nous attendre à d’autres attaques, aussi sauvages et choquantes soient-elles, si les pourparlers de paix se poursuivent », prédit The Guardian.

L’attaque survient également à un tournant décisif qui pourrait offrir un avantage stratégique à l’EI, qui s’est âprement battue avec les talibans ces dernières années. Si les talibans cessent de combattre les États-Unis et le gouvernement afghan, l’EI tentera de reprendre le rôle de la principale force d’opposition dans le pays, en rassemblant sous ses bannières tous les mécontents que tout accord créera inévitablement.

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