L'assaut contre les pétroliers en mer d'Oman rappelle la valeur stratégique du détroit d'Ormuz, voisin. © Reuters

Après les attaques en mer d’Oman, la tension dans le Golfe peut dégénérer en conflit d’envergure

Le Vif

L’alerte a viré au rouge vif. Les attaques lancées le 13 juin à l’aube en mer d’Oman contre deux tankers – un norvégien et un japonais – attisent le risque d’embrasement d’une région hautement inflammable.

Mais cet épisode, le dernier en date d’un inquiétant thriller, illustre aussi les failles de la doctrine d’un Donald Trump résolu à étrangler l’ennemi iranien.

On sait la valeur stratégique du détroit d’Ormuz voisin, cet étroit passage maritime par lequel transitent chaque jour, entre la République islamique et les Emirats arabes unis, plus de quinze millions de barils de pétrole, soit le tiers de l’or noir acheminé par voie maritime.

Le double assaut du jeudi 13 survient un mois après les sabotages qui ont frappé quatre cargos au large du port émirien de Fudjayra. Agression imputée par une enquête multinationale à un  » acteur étatique  » anonyme. Cette fois, Washington a d’emblée incriminé le régime des mollahs, son usual suspect favori. Certes, les preuves irréfutables manquent. Certes, il faudrait un culot d’acier pour cibler un cargo nippon alors même que le Premier ministre du Japon, Shinzo Abe, reçu tour à tour par le président Hassan Rohani puis par le guide suprême, Ali Khamenei, accomplit en Iran une visite inédite.

Une mise en garde calibrée de Téhéran ?

Pour autant, on voit mal quel autre protagoniste aurait pu commanditer un tel coup de semonce. Si ce scénario se confirme, il est tentant d’imaginer que la théocratie chiite a voulu ainsi adresser à son voisinage et aux Etats-Unis une mise en garde soigneusement calibrée : il n’est pas dans votre intérêt d’isoler et de saigner à coups de sanctions un pays dont la capacité de nuisance géopolitique demeure intacte, comme l’attestent les audaces de nos protégés yéménites houthis, capables de neutraliser au royaume des Saoud ici un oléoduc, là un aéroport.

En clair, l’Iran, qui a souvent menacé de verrouiller le détroit d’Ormuz, peut endosser, au choix, le treillis du semeur de troubles ou la toge du garant de la sécurité et de la stabilité, navigation commerciale comprise, d’une zone ultrasensible. Dans le premier cas, rien ne saurait empêcher ladite zone de sombrer dans le chaos ni les cours du brut de s’envoler.

Si risqué soit-il, ce pari renvoie à l’obsession de la Perse éternelle : se voir traitée avec les égards dus à une puissance régionale incontournable. Trump et les siens finiront peut-être par admettre que, même affaibli, même appauvri, même secoué par d’intenses convulsions sociales, même défié par une jeunesse éprise de liberté, l’Iran n’est pas le Mexique. La technique de la  » pression maximale « , censée hâter la reddition de l’adversaire, y fonctionne mal. La Maison-Blanche peut fort bien renier l’accord de Vienne sur le nucléaire, restaurer et durcir la quarantaine économique infligée à Téhéran, puis dépêcher dans les parages porte-avions et destroyers, sans pour autant persuader sa bête noire d’avaliser un pacte atomique revu et corrigé.

Un sinistre spectre flotte sur Ormuz. Celui de l’erreur de calcul, de l’ordre ambigu, du pépin technique susceptible de déclencher des réactions en chaîne incontrôlables. Là est le hic : quand on joue à la guerre, on finit par la faire.

Par Vincent Hugeux.

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