© Reuters

Après la mort du roi de Thaïlande, beaucoup de questions sur sa succession

Le Vif

Le prince héritier thaïlandais Maha Vajiralongkorn, âgé de 64 ans, va succéder à son père, en l’honneur duquel une période de deuil d’un an a été décrétée, a annoncé le chef de la junte thaïlandaise.Mais la question de sa succession reste un sujet tabou dans le royaume après son long règne de 70 ans.

Qui est son successeur?

Le prince héritier de Thaïlande s’appelle Maha Vajiralongkorn.

La dernière succession de père à fils en Thaïlande remonte à 1901. En 1946, Bhumibol avait succédé le jour même à son frère, mort à 21 ans dans des circonstances mystérieuses, d’un tir de pistolet dans sa chambre.

Agé de 64 ans, le prince héritier a une formation de militaire, suivie notamment à l’Académie militaire de Duntroon, en Australie. Il a un grade honorifique de général au sein de l’armée, mais passe le plus clair de son temps en Allemagne, où il vole aux manettes de son propre avion de ligne.

Si son père a fait l’objet d’un culte de la personnalité depuis des décennies, lui assurant un statut de demi-dieu, le prince héritier ne jouit pas de la même popularité.

En décembre 2014, le divorce d’avec sa troisième femme, la princesse Srirasmi, épousée en secret en 2001, avait coïncidé avec un scandale ayant conduit de nombreux membres de la famille de cette roturière derrière les barreaux pour lèse-majesté.

Les inquiétudes quant à la personnalité du prince sont exprimées à mots couverts en raison d’une loi de lèse-majesté drastique.

Quelle réaction de la population?

Ces derniers jours avec l’annonce d’une dégradation de son état de santé, l’émotion s’exprimait déjà sur les réseaux sociaux, avec de nombreux internautes ayant remplacé leurs photos de profil par une image en jaune et rose, disant « longue vie au roi ».

« Avec la mort de ce monarque, la Thaïlande va être transformée en profondeur », analyse David Streckfuss, expert de la monarchie thaïlandaise interrogé par l’AFP avant l’annonce du dèces.

« Les gens sont anxieux et appréhendent l’avenir proche parce que le roi a joué un rôle si fondamental dans la transformation de la Thaïlande en une nation moderne », ajoute Thitinan Pongsudhirak, de l’université Chulalongkorn de Bangkok, également interrogé avant la publication.

Des centaines de Thaïlandais sont venus prier pour la santé du roi des larmes plein les yeux en parlant de celui dont les bienfaits pour le pays sont vantés dans les manuels scolaires et les documentaires télévisés, et ce depuis des décennies.

Sa mort prive donc le pays de celui qui a si souvent été considéré comme le seul ciment d’une nation très divisée politiquement.

Elites ultra-royalistes (identifiées comme les « jaunes », la couleur de la royauté) et partisans de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra (qui ont pour symbole le rouge) s’affrontent. Thaksin, vu comme une menace à la royauté par les élites conservatrices, a été renversé par un coup d’Etat en 2006.

L’armée a verrouillé la scène politique en réalisant un coup d’Etat en mai 2014, afin de préparer la voie de la succession selon les analystes.

Des troubles sont-ils possibles?

L’armée tient fermement le pouvoir depuis leur coup d’Etat de 2014. « La plupart des indicateurs laissent à penser à une succession stable », selon le spécialiste en analyse de risques Eurasia dans une note à ses clients cette semaine.

Des élections ont été promises par la junte pour fin 2017, mais avec la mort du roi, « le retour à la démocratie pourrait être repoussé », analyse Paul Chambers, spécialiste américain de l’armée thaïlandaise.

Depuis des années, les rares voix critiques de la monarchie thaïlandaise ont été tues, poussées à l’exil ou emprisonnées: les poursuites pour lèse-majesté se sont multipliées, dans ce pays où critiquer la famille royale est passible de lourdes peines de prison.

Quel impact sur l’économie?

Parler de l' »après Bhumibol » étant tabou en Thaïlande, aucun plan sur la période de deuil n’a jamais été évoqué en public par les autorités.

Mais le cabinet de consultants BMI Research s’inquiétait aussi cette semaine dans une note à ses clients de l’impact économique d' »une longue période de deuil ».

Une période de deuil pouvant durer plusieurs semaines est à prévoir, avec vêtements noirs obligatoires pour tous – et fermeture des écoles au moins pendant plusieurs jours.

« La période de deuil sera longue, et pourrait aller jusqu’à un ou deux ans », dit craindre Paul Chambers.

Dans la soirée, le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, a annoncé un deuil d’un an, sans préciser ce que cela impliquerait.

Le moment entre la mort du roi et sa crémation, selon la tradition bouddhiste, pourrait prendre plusieurs mois.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire