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Accord à Minsk pour un cessez-le-feu: les Européens entre prudence et scepticisme

Une nuit marathon de négociations entre dirigeants allemand, français, ukrainien et russe à Minsk a débouché jeudi sur un accord sur un cessez-le-feu et une zone démilitarisée en Ukraine, mais les Européens restaient très prudents voire sceptiques sur les perspectives d’une paix durable.

« L’accord ne garantit pas un succès durable », a dit le président français François Hollande. La chancelière allemande Angela Merkel a souligné que de « gros obstacles » subsistaient avant un retour de la paix dans l’Est de l’Ukraine. Cette région est meurtrie par dix mois de conflit qui ont fait plus de 5.300 morts et ont conduit à une confrontation inédite depuis la Guerre froide entre Moscou et les Occidentaux.

L’ensemble des dirigeants européens se sont montrés prudents voire sceptiques à leur arrivée jeudi après-midi à Bruxelles pour un sommet européen dominé par l’Ukraine et la Grèce. « Si ça s’avère être un véritable cessez-le-feu, je le saluerai », a commenté le Premier ministre britannique David Cameron. « Il faut qu’on soit très clair envers (le président russe) Vladimir Poutine, qui doit savoir que les sanctions ne seront pas levées à moins que son attitude change ».

« C’est certainement un pas dans la bonne direction, même si je sais que ça ne règlera pas tout », a tempéré la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, qui va proposer jeudi aux dirigeants européens « quelques mesures concrètes » que l’UE peut prendre « pour surveiller et mettre en oeuvre l’accord » sur le terrain.

« C’est un accord partiel, seulement sur le cessez-le-feu », a déploré la présidente lituanienne Dalia Grybauskaité, présidente en exercice de l’Union européenne. Le président polonais Bronislaw Komorowski a estimé que « la paix n’est pas proche ».

Le texte signé par les séparatistes prorusses et Kiev a été arraché après 16 heures de pourparlers entre Vladimir Poutine, Petro Porochenko, Angela Merkel et François Hollande. L’accord prévoit un cessez-le-feu en vigueur à partir de dimanche minuit heure de Kiev (samedi 23h00 HB) et le retrait des belligérants et de leurs armes lourdes permettant la création d’une zone tampon élargie, passant de 30 kilomètres à 50 à 70 kilomètres autour de la ligne de front.

« On a réussi à trouver un accord sur l’essentiel », s’est félicité M. Poutine. Le président russe a relevé que les séparatistes attendaient des soldats ukrainiens encerclés à Debaltsevé, localité devenue ces dernières semaines un point chaud particulièrement symbolique, qu’ils « déposent les armes ». « Les représentants du gouvernement ukrainien considèrent qu’il n’y a pas d’encerclement et que tout se fera assez facilement. J’ai depuis le début des doutes », a-t-il souligné.

Selon le porte-parole de l’armée ukrainienne, au moment où MM. Poutine et Porochenko négociaient d’arrache-pied à Minsk, « une cinquantaine de chars, 40 lance-roquettes multiples Grad, Ouragan et Smertch et autant de blindés » ont pénétré sur le territoire ukrainien depuis la Russie.

L’accord « n’est pas une solution globale et encore moins une percée », a renchéri le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, tout en saluant un « pas en avant qui nous éloigne d’une spirale d’escalade militaire », mais « sans euphorie, car cela a été une naissance difficile ».

Les dirigeants séparatistes ont estimé que l’accord pouvait faire espérer une « solution pacifique » au conflit. Le texte signé entre séparatistes et émissaires de Kiev, réunis sous le patronage de la Russie et l’OSCE au sein d’un « groupe de contact », reprend ceux déjà signés à Minsk en septembre et qui prévoyaient déjà cessez-le-feu, retrait des pièces d’artillerie ou échanges de prisonniers. Mais le fait qu’il soit officiellement soutenu au plus haut niveau, par Vladimir Poutine, Petro Porochenko, Angela Merkel et François Hollande, lui donne plus de poids.

Formellement toutefois, le président russe n’a rien signé. Les Européens, leur protégé ukrainien et lui-même n’ont accouché que d’une « déclaration de soutien » au texte, lui signé par les rebelles séparatistes et par les émissaires de Kiev. Jusqu’à la fin des négociations, les violences en Ukraine n’ont pas faibli. Au moins seize personnes, dont deux soldats ukrainiens, ont péri ces dernières heures dans des combats et bombardements.

Dans le fief rebelle de Donetsk, les tirs d’artillerie tirés des positions séparatistes n’ont pas cessé de la nuit. « J’espère que ce sera un vrai cessez-le-feu. cela fait trois semaines que je ne sors pas de chez moi tellement j’ai peur. Je suis sortie après avoir vu sur internet qu’un accord a été signé », racontait Elena Ivachova, 30 ans, qui habite dans le quartier de Tekstiltchiki, à Donetsk, très touché par les bombardements.

Avant le sommet, les soldats ukrainiens et rebelles avait intensifié leurs combats sur le terrain pour arriver en position de force à la table des négociations: avec au moins 49 morts mardi et mercredi, l’Ukraine avait vécu une des périodes les plus meurtrières en dix mois.

Jusqu’à jeudi matin, deux heures avant la fin des négociations, le président Petro Porochenko se montrait pessimiste. « Malheureusement, il n’y a pas encore de bonnes nouvelles. Pour l’instant, il n’y a aucune nouvelle », avait-il déclaré à l’AFP.

La rencontre au Bélarus a été organisée au terme d’une semaine d’intenses consultations diplomatiques dont les dirigeants français et allemand, qui s’étaient rendus vendredi à Moscou pour y rencontrer M. Poutine, ont pris l’initiative.

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