A Versailles, une exposition sur la renaissance du château royal sous la République

Le Vif

Le fantôme de Marie-Antoinette se faufilant dans Versailles devant des touristes éberlués: c’est la surprise finale en 3D que réserve une exposition foisonnante sur la résurrection du château royal comme lieu de pouvoir et d’identité française entre 1867 et 1937.

« Versailles revival »: Catherine Pégard, présidente de l’établissement public, justifie cet emprunt à l’anglais: « Revival a je ne sais quoi qui semble correspondre à l’effervescence de cette période fin de siècle où le château devient un phénomène de société ».

A Versailles, une exposition sur la renaissance du château royal sous la République
© AFP

Sous le Second Empire, Versailles n’était qu’un musée excentré que Louis-Philippe avait fait aménager, un lieu pâtissant de l’opprobre dans laquelle l’avait jeté la Révolution.

Le choc salvateur va venir d’un affront: la proclamation de l’Empire allemand en 1870 dans la Galerie des glaces, après Sedan. La famille Bismarck a d’ailleurs prêté le tableau d’Anton von Werner qui représente cette scène humiliante.

« Si les Allemands n’avaient pas eu cette idée, je ne sais pas si la République serait allée à Versailles, si le traité de Versailles aurait été signé à Versailles. A partir de ce désastre, Versailles a été replacé comme le symbole historique de la France », relève pour l’AFP Laurent Salomé, commissaire et directeur du musée.

Versailles devient un sujet de production picturale, poétique, musical. Et aussi un lieu de promenade populaire.

« L’engouement pour le XVIIIe siècle se développe: une floraison très spectaculaire, où on puise joyeusement dans la vie de cour: Marie-Antoinette, d’horrible Autrichienne, devient une idole à la Belle Epoque. Louis XIV devient populaire, personnage de livres pour enfants. Tout le monde s’amuse à jouer à la cour de Louis XIV », note le commissaire.

Une opération de reconstitution, de remeublement du château dans son état d’ancien régime est lancé. Infatigable et passionné, directeur de 1892 à 1920, Pierre de Nolhac en sera le pivot. Il devra convaincre les gouvernements de la République.

« Royal cimetière de feuillages »

Avant la Grande Guerre, Versailles illustrait, selon Laurent Salomé, « l’interrogation entre modernité et tradition » du moment. A la vision d’un monde englouti et sombre, qui fascinait certains esthètes –Marcel Proust y verra un « royal cimetière de feuillages »–, s’opposait la volonté de restituer la splendeur d’origine que les conservateurs menaient à un rythme effréné.

L’écrivain dandy Robert de Montesquiou alimentera dans le Paris mondain la passion pour ce lieu que, dit-il, « la peinture reproduit, la poésie célèbre, dont la musique s’inspire ». Il règne alors une « Versaillomanie » pour peindre l’automne à Versailles.

L’exposition restitue diverses atmosphères avec des photos vintage et des peintures colorées à la limite du kitsch, mais aussi des oeuvres modernes, de Georges Rouault jusqu’à Gerda Wegener. Des courts-métrages des débuts du cinéma décrivent un Versailles du XVIIIème souvent imaginé. « Le Bal des dames de la cour » de François Flameng (1888) dépeint, idyllique, les courtisanes se baignant dans un bassin. Plus austères, les films des visites de délégations étrangères, des élections en congrès tous les sept ans du nouveau président de la République…

Beaucoup de prêts viennent des musées russes, à commencer par une belle série de toiles du Russe Alexandre Benois, que l’on redécouvre. Versailles était aimé en Russie, grâce aux évènements comme la visite du tsar en 1886.

L’engouement s’étend à l’étranger: du « Versailles des mers », le paquebot France, avec son salon Louis XIV, aux Versailles bavarois que sont les châteaux de Louis II, au Versailles américain avec notamment la villa d’Alva Vanderbilt à Newport. Le milliardaire américain John D. Rockefeller financera largement la restauration du château.

« Fête de nuit à Versailles », du peintre Gaston La Touche, qui était bien oubliée à Limoges, montre un rêve merveilleux: un couple d’amoureux en barque de nuit lors des Grandes Eaux de Versailles.

A la fin de la période en 1937, le « revival » sera bel et bien accompli. En témoigne le million de visiteurs qui fréquentent alors le domaine.

Le château de Versailles
Le château de Versailles© Reuters

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