À Hong Kong, le parlement occupé plusieurs heures par des manifestants

Le Vif

Le parlement de Hong Kong a été envahi lundi durant plusieurs heures par des manifestants hostiles au gouvernement pro-Pékin, qui ont déployé le drapeau de l’époque coloniale britannique au jour anniversaire de la rétrocession de l’île à la Chine en 1997.

Dans la nuit de lundi à mardi, la police anti-émeute a finalement repris le contrôle du parlement local, a constaté un journaliste de l’AFP. Les contestataires avaient pris la fuite quand, juste après minuit, les policiers – équipés de casques, matraques et boucliers – ont chargé et tiré des gaz lacrymogènes aux abords du bâtiment, après avoir lancé des avertissements à la foule.

Avec ces scènes de violence, la grave crise qui secoue l’île depuis trois semaines franchit encore un palier. La contestation a éclaté en réaction à un projet de loi du gouvernement visant à autoriser les extraditions en Chine continentale.

Quelques heures plus tôt, lundi soir, des manifestants hostiles au gouvernement de Hong Kong avaient réussi à envahir l’hémicycle du Conseil législatif (LegCo), le parlement hongkongais, après avoir forcé un barrage de police.

Les manifestants ont déployé le drapeau britannique à la tribune du parlement, où ils sont entrés par dizaines, casqués et masqués, après avoir brisé à l’aide de barres de fer et d’autres instruments de fortune les baies vitrées blindées dont ils faisaient le siège depuis des heures.

À Hong Kong, le parlement occupé plusieurs heures par des manifestants
© REUTERS

« Tyrannie »

Chariot en fer rempli d’objets divers, barres métalliques, pinces gigantesques, les manifestants ont fait feu de tout bois pour abattre les portes vitrées du bâtiment, pour finir après six heures de coups de boutoir par faire irruption dans l’hémicycle.

Là, ils ont arraché les portraits des dirigeants de la mégapole et maculé les murs de graffiti à la peinture noire.

« Il n’y a pas d’émeutiers violents, juste de la tyrannie », pouvait-on lire sur une banderole, alors que le gouvernement a dénoncé l' »extrême violence » des protestataires.

Les forces de l’ordre se trouvant à l’intérieur avaient auparavant fait usage de gaz poivre pour les repousser, avant de se replier sous la pression de la foule.

Cet assaut du parlement rompt avec le caractère jusque-là largement pacifique des manifestations déclenchées par le projet de loi sur les extraditions.

Le texte, désormais suspendu, a précipité des foules immenses dans les rues, jusqu’à deux millions le 16 juin selon les organisateurs, sur une population totale de 7 millions d’habitants.

Lundi après-midi, un vaste cortège de dizaines de milliers de manifestants s’était déployé dans le centre-ville pour marquer la date anniversaire de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997.

Auparavant, de petits groupes de contestataires, majoritairement jeunes et masqués, s’étaient emparés de trois grandes artères du coeur de Hong Kong et avaient entravé la circulation avec des barrières de plastique et de métal.

Peu avant la traditionnelle cérémonie de lever des drapeaux chinois et hongkongais qui marque l’anniversaire de la rétrocession, des contestataires ont été chargés par les policiers.

Une manifestante saignait de la tête, a rapporté un journaliste de l’AFP.

À Hong Kong, le parlement occupé plusieurs heures par des manifestants
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« Quoi qu’il arrive »

Le Royaume-Uni a exprimé lundi son soutien « indéfectible » aux libertés à Hong Kong.

Aux termes de l’accord de rétrocession, l’île bénéficie de libertés inconnues dans le reste de la Chine, en théorie jusqu’en 2047, en vertu du principe « un pays, deux systèmes ».

Mais les Hongkongais s’inquiètent d’une érosion de leurs libertés par Pékin. Parti du rejet du texte sur les extraditions, le mouvement de protestation s’est élargi à une dénonciation généralisée de l’action d’un gouvernement auquel ils ne font plus confiance.

A chaque anniversaire du retour de Hong Kong dans le giron chinois, les démocrates organisent une manifestation pour mettre en avant leurs exigences, dont l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel.

Ces dernières années, les foules ont été immenses. En 2014, l’élan pour la démocratie avait donné lieu à un vaste mouvement d’occupation, la « révolte des parapluies ». Mais sans arracher la moindre concession à Pékin.

Les manifestants, qui appellent à la fin des violences policières, exigent aussi la démission de la cheffe du gouvernement Carrie Lam ainsi que la fin des poursuites contre les protestataires arrêtés ces dernières semaines.

Mme Lam, qui bat des records d’impopularité, fait profil bas depuis qu’elle a dû suspendre son texte. « Ce qui s’est passé ces derniers mois a provoqué des conflits et des disputes entre le gouvernement et les habitants », a-t-elle reconnu, réitérant les mots d’apaisement dont elle use depuis des jours sans réussir à calmer les revendications.

Les militants, pour la plupart des jeunes étudiants, se sont juré de continuer leur campagne de désobéissance civile.

« Quoi qu’il arrive, on ne perdra pas courage, c’est pour cela qu’on sera toujours dans la rue », déclare Jason Chan, comptable de 22 ans.

Dimanche, des dizaines de milliers de partisans du gouvernement avaient manifesté pour soutenir la police, illustration des profonds clivages qui traversent la société hongkongaise.

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