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25 ans de Reporters sans frontières: « L’urgence, c’est internet »

L’organisation de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières, célèbre ses 25 ans d’existence. A l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, ce lundi 3 mai, elle publie un album des plus belles photos d’actualité de l’agence Magnum. Son secrétaire général, Jean-François Julliard, dresse un état des lieux.

LeVif/L’Express. Quel bilan dressez-vous de 25 ans de lutte?
La liberté de la presse a progressé dans le monde. A part quelques cas isolés, plus aucun pays ne peut faire abstraction de la liberté de la presse aujourd’hui. Le revers de la médaille est que, puisqu’il y a plus de journalistes, il y a aussi plus de violations de la liberté de la presse.

La nature de la répression a-t-elle changé?
Oui. Les violations ne sont plus majoritairement le fait des Etats. Il y a eu une privatisation de la répression. Les menaces proviennent maintenant principalement d’organisations criminelles, de trafiquants de drogue, de mouvements religieux armés, de groupes rebelles…

Quelle est l’urgence aujourd’hui pour RSF?
Internet. On assiste à un vrai basculement. En 2009, les violations ont touché plus de sites internet que de médias traditionnels. Dans un ou deux ans, on peut s’attendre à ce qu’il y ait davantage de journalistes sur internet et de bloggeurs emprisonnés que de reporters des médias classiques. Cela change la nature de notre mandat. A RSF, des juristes et des experts étudient ce nouveau champ d’activités pour nous donner tous les outils afin de défendre la liberté de la presse aussi sur internet.

Un bloggeur n’ayant pas nécessairement les mêmes critères déontologiques qu’un journaliste, cela ne vous expose-t-il pas à des critiques?
Nous n’avons jamais appréhendé notre combat sous une dimension corporatiste. Cela dit, nous ne défendrons pas n’importe qui. Mais nous ne pouvons pas ignorer le rôle de bloggeurs dans l’émergence de sociétés démocratiques.

Qu’attendez-vous des Etats qui respectent la liberté de la presse?
Qu’ils nous aident à la défendre dans le monde. Un exemple: il y aura cette année des élections en Birmanie. Elles donneront sans aucun doute lieu à des arrestations de défenseurs des droits de l’homme, de bloggeurs… Nous attendons des Etats européens qu’ils dénoncent ces pratiques. Autre attente: que les Etats démocratiques accueillent les journalistes qui fuient leur pays. Un exemple: il y a de plus de plus de journalistes qui quittent l’Iran. Beaucoup de pays hésitent à leur donner l’asile.

Entre défense des droits de l’homme et intérêts économiques, de quel côté penche la balance?
Elle penche du côté de la realpolitik. Souvent, dans les discussions bilatérales, les droits de l’homme passent au second plan. C’est une erreur. Même un pays comme la Chine fait la part des choses. Quel est le principal partenaire économique de la Chine? C’est Taiwan. La critique n’empêche pas le commerce. L’Allemagne reste un important partenaire économique de Pékin alors que la chancelière Angela Merkel n’a pas ménagé ses critiques sur les droits de l’homme au moment des Jeux olympiques.

G.P.

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