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20 ans après la tuerie de Columbine, des rescapées toujours en détresse

Le Vif

L’une a vu les tueurs, l’autre les a seulement entendus. Vingt ans après la tuerie dans le lycée Columbine, deux rescapées n’ont pas fini de panser leurs plaies, qui se rouvrent à chaque bain de sang causé par les armes à feu aux Etats-Unis.

« Pendant 19 ans, je suis restée triste, le coeur brisé. Mais ça s’est transformé en colère, parce que rien ne change », confie à l’AFP Amanda Duran qui avait 15 ans le jour où son monde a basculé.

Le 20 avril 1999, l’adolescente tourmentée a rendez-vous avec une conseillère de son lycée dans le Colorado, un Etat de l’ouest américain, pour discuter de son mal être. Un peu en avance, elle patiente dans la bibliothèque, quand elle entend « des bruits secs ».

Peu après, deux garçons lourdement armés font irruption dans la pièce. Il s’agit d’Eric Harris et Dylan Klebold, deux élèves qu’elle ne connaît pas.

Elle se précipite sous une table. « A un moment, j’ai entendu un gros BOUM: ils venaient de tirer sur la fille à côté de moi », raconte-t-elle. « J’étais sûre d’être la prochaine, alors je me suis recroquevillée, avec mes bras pour me protéger et j’ai attendu, attendu… »

Au même moment, Alisha Basore, 17 ans, marche vers son cours de peinture. Les détonations font détaler ses voisins. Blessée par balle lors d’un accident quatre mois plus tôt, elle court avec difficulté mais parvient à s’échapper.

« Je n’ai pas entendu les balles siffler à mes oreilles et n’ai pas eu d’arme pointée sur moi. Cela n’a malheureusement pas empêché le traumatisme », déplore la jeune femme, profondément marquée par la mort de sa meilleure amie, le visage ravagé d’un camarade, les funérailles de connaissances…

– Boulimie et vidéos –

En une heure, les deux tueurs ont tué douze élèves, un enseignant et fait une vingtaine de blessés, avant de retourner leurs armes contre eux. L’Amérique avait rarement vécu un tel carnage en milieu scolaire.

Dans les années qui suivent, les rescapées bataillent avec des crises d’angoisse, une profonde anxiété, de l’insomnie.

Alisha Basore, devenue coiffeuse, souffre toujours de boulimie. « C’est une vilaine bestiole qui ne veut pas partir. Mais globalement, j’arrive désormais à gérer mon stress », dit-elle.

Amanda Duran se calme en regardant des vidéos de chat sur internet. « Mon mari se moque, mais ça m’apaise… »

Le suicide de son frère, en 2007, a rajouté une strate à sa souffrance. A Columbine, le jeune homme faisait partie d’un club de garçons un peu en marge qui s’étaient baptisés « la mafia des trench coats » et il connaissait vaguement les deux assassins.

Bien que ces derniers n’aient jamais fait partie du groupe, le frère d’Amada a été soupçonné d’avoir été de mèche avec eux. Juste après la fusillade, « il a reçu des menaces de mort », raconte sa soeur.

Et après son suicide, des internautes se sont réjouis. La jeune femme a alors ressenti le besoin de parler pour le défendre et a publié une série de vidéos sur Youtube. « Ca a été très cathartique », dit-elle.

– « En rogne » –

Mais les tueries de Las Vegas (58 morts en 2017) ou du lycée de Parkland (17 morts en 2018) l’ont fait replonger. « J’ai vraiment flippé », raconte-t-elle, révoltée par l’inaction des responsables politiques.

Après le massacre à l’école primaire Sandy Hook (26 morts en 2012), « on aurait pu croire qu’il y aurait de nouvelles lois sur les armes, au moins une obligation de vérifier les antécédents psychiatriques des acheteurs », poursuit-elle. « Mais il n’y a rien eu, ça me met en rogne. »

Elle s’indigne aussi que les deux tueurs « restent une source d’inspiration » pour de nombreux fous.

Mercredi encore, les écoles du Colorado sont restées fermées en raisons de la menace que faisait planer la présence d’une jeune femme de 18 ans, ayant développé une « fascination » pour la tuerie de Columbine. Elle a finalement été retrouvée morte, apparemment après s’être suicidée par balle, ont annoncé les autorités.

Pour Alisha Basore, « la santé mentale est un combat bien plus important » que la régulation des armes.

Elle comprend toutefois la « rage » qui habite les lycéens rescapés de la tuerie de Parkland, engagés depuis un an dans un combat pour durcir l’accès aux armes.

Pour sa part, Amanda Duran « les admire ». « Ils se sont mobilisés pour changer les lois », relève-t-elle. « Nous, on espérait juste retrouver une vie normale. »

Et cela n’est jamais arrivé.

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