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2 février 1982 : quand Hafez al-Assad s’en prit à Hama

Dix mille morts. Et encore, ce n’est qu’une estimation. Une estimation plutôt basse même, d’autres sources n’hésitant pas à évoquer 40 000 victimes. Il faut dire que le siège sera particulièrement long : durant quatre semaines, il est interdit de quitter la ville de Hama. Et impossible d’y entrer. A l’intérieur, une véritable boucherie est en cours. Et les bouchers aiment agir dans la discrétion.

A l’origine, il y a deux clans. D’un côté, les al-Assad. En 1970, Hafez, un militaire, prend le pouvoir à l’occasion d’un coup d’Etat. Après une longue période d’instabilité, il apporte un peu de calme au pays, en même temps qu’il instaure un régime autoritaire. Baas, sa formation politique, devient bientôt le parti unique. Et un instrument de contrôle extrêmement puissant : en quelques années, les Syriens se voient ôter leurs droits les plus fondamentaux.

En face, il y a les Frères musulmans. Sans doute leur confrérie est-elle la seule à encore pouvoir offrir quelque opposition au régime. Conscients de la disproportion des forces, les Frères n’affrontent jamais les forces syriennes de front ; ils préfèrent l’arme de la guérilla. Leurs cibles sont soigneusement choisies, patiemment suivies. En 1980, ils tentent d’éliminer le président. En vain.

L’escalade de la violence est puissante. Tandis que les attentats se multiplient, la fin se dessine, tragique, inéluctable. Le théâtre des opérations sera Hama –  » la rebelle  » comme on l’appelle. C’est dans la quatrième ville du pays que les Frères musulmans vont jouer leur va-tout. Après avoir éliminé de nombreux dirigeants locaux, ils proclament la ville  » libérée « . En agissant ainsi, ils viennent aussi de provoquer la fureur du  » Lion de Damas « .

Le 2 février, le président ordonne la mobilisation de 12 000 hommes. Une bonne partie d’entre eux sont placés sous les ordres de Rifaat, son frère. Au coeur de la nuit, les troupes commencent à pilonner la ville, et tentent d’y entrer par la route comme par les airs. Mais, bien qu’en minorité, les Frères se défendent. Ils ont pour eux l’avantage du terrain. Surtout, ils sont prêts à tout.

Les ingrédients sont réunis pour un carnage d’envergure. Les hommes d’al-Assad ne se contentent pas de neutraliser l’ennemi ; ils détruisent les deux tiers de la ville, mutilent leurs victimes, pillent, violent. Le 15 février, le ministre de la Défense annonce que la rébellion est matée. Mais il ajoute aussitôt que la ville demeurera assiégée jusqu’à nouvel ordre. Durant près d’un mois, Hama est seule. Coupés du monde, ses habitants ne reçoivent ni armes ni nourriture ni information de l’extérieur. Seuls quelques journalistes parviennent à entrer dans la ville ; de retour au pays, c’est à visage couvert qu’ils témoignent de ce qu’ils ont vu.

Le massacre de Hama n’est pas seulement un événement tragique ; c’est aussi un message adressé à toute la Syrie : les autorités n’aiment pas les opposants. Le message sera entendu durant de longues années. Ce n’est qu’en 2011 que la résistance reprendra les armes. Tout en provoquant une véritable guerre civile. Toujours en cours.

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