Plage d'Ostende à la fin du 19e siècle © Inconnu

Le tourisme du 19e siècle : les grands lieux de villégiature dans la Belgique de la Belle Époque

Stagiaire Le Vif

Partir en vacances et se reposer est aujourd’hui une pratique bien courante pour beaucoup de Belges. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Réservée aux classes supérieures de la société, la villégiature se développe principalement au 19e siècle et la Belgique n’y fait pas exception. Se développent aux quatre coins du pays des lieux consacrés à la villégiature et qui portent, encore aujourd’hui, les traces de la Belle Époque.

La villégiature se développe dans un premier temps par les aristocrates vénitiens du 16e siècle qui, durant certaines parties de l’année, se rendent dans leur maison de campagne. La pratique est remise au goût du jour par les Anglais deux siècles plus tard. C’est pourtant au 19e siècle qu’elle connaît son plus grand essor grâce à l’arrivée du chemin de fer qui facilite grandement les déplacements. D’abord réservée aux classes supérieures de la société, la villégiature touche de plus en plus de personnes au 20e siècle, surtout après la Seconde Guerre mondiale et l’avènement du tourisme de masse.

Spa et ses eaux thermales

La ville de Spa est connue depuis des siècles pour ses eaux thermales. Son essor commence dès le 16e siècle lorsque la réputation de ses eaux entraîne un réel commerce. En 1547, Augustino, le médecin du roi Henry VIII d’Angleterre, séjourne à Spa et contribue à faire connaître ses eaux. Une dizaine d’années plus tard, Gilbert Lymborth, médecin liégeois, publie Des fontaines acides de la forêt d’Ardenne et principalement de celles qui se trouvent à Spa. L’ouvrage sera traduit en latin, italien et espagnol, ce qui montre sa grande diffusion à travers l’Europe.

Au siècle suivant, Charles II d’Angleterre visite la ville, accroissant un peu plus son prestige. Depuis lors, Spa devient le lieu de rendez-vous de la noblesse et de la haute bourgeoisie européenne. En 1717, le tsar Pierre le Grand séjourne aux thermes et marque ainsi la grande période d’apogée de la ville. En effet, au 18e siècle, la majorité des grands noms de l’Europe viennent dans la ville thermale. À leur arrivée, tous s’inscrivent sur la « Liste des Seigneurs et Dames » qui comptaient chaque année entre 600 et 1 200 curistes accompagnés de leur suite, ce qui représente un afflux considérable pour l’époque.

Le célèbre Vénitien Giacomo Casanova a également fait le déplacement jusque Spa. Il écrit dans Histoire de ma vie : « Spa, […] cet enclos où, au nom de je ne sais quelle convention, toutes les nations d’Europe accourent une fois l’an en été pour y faire mille folies; j’ai fait les miennes comme tout le monde ». Il ajoute un peu plus loin que « dans ce trou nommé Spa », l’on vient « pour des affaires, pour des intrigues, pour jouer, pour faire l’amour, et pour espionner aussi ». Tout un programme !

La fréquentation des thermes décline de plus en plus à la fin du 18e siècle. En outre, un grand incendie ravage plus de deux tiers de la ville en août 1807. Cependant, lorsque la Belgique tombe sous domination hollandaise, Guillaume d’Orange accorde sa protection à la ville. Il contribue à son renouveau par plusieurs travaux d’urbanisme.

Le Bâtiment des Bains sur la rue Royale à Spa (fin 19e siècle)
Le Bâtiment des Bains sur la rue Royale à Spa (fin 19e siècle)© Inconnu

Sous le règne de Léopold Ier, la ville acquiert les technologies modernes de l’époque : éclairage public, lignes télégraphiques, service postal, lignes de chemin de fer, usine à gaz … Le nouveau bâtiment des bains, construit en 1840, en profite pour développer ses cures thermales.

Sous le monarque suivant, Spa acquiert un prestige royal. En effet, la reine Marie-Henriette y passe tous ses étés pendant près de cinquante ans. En 1879, Léopold II signe une loi en faveur de la protection des eaux minérales de la ville. Le couple y achète même l’Hôtel du midi en 1895 pour en faire une résidence royale. La reine finit par s’y installer définitivement.

C’est sous le règne de Léopold II que de grands travaux ont lieu à Spa. Notons la construction de la Galerie Léopold II et des Pavillons en 1878, le Pouhon Pierre-le-Grand en 1880 ou encore la modernisation de l’établissement thermal en 1905.

La Grande Guerre supprime toute activité touristique et Spa est transformée en grand centre de convalescence pour l’armée allemande entre 1914 et 1917. Au début de l’année 1918, l’armée y installe son quartier général et la ville accueille de grands responsables politiques de la quadruplice, le bloc d’alliance autour de l’Empire allemand. C’est d’ailleurs à Spa que le kaiser Guillaume II abdique le 9 novembre 1918.

L’entre-deux-guerres voit la création de la Société Spa Monopole par le Chevalier de Thier en avril 1921. Le commerce de l’eau renaît, après une interruption de plus d’un siècle, pour atteindre une véritable dimension industrielle.

Après la Seconde Guerre mondiale, le tourisme de masse se développe progressivement. Peu à peu, le tourisme de délassement prend le pas sur l’aspect thérapeutique des eaux.

Dans les années 1980, la ville et la Société Spa Monopole sont contraintes de renouveler le thermalisme, car les autorités ont mis fin au remboursement des cures thermales par la sécurité sociale et la fréquentation des thermes a chuté drastiquement. Cela aboutit quelque temps plus tard à un nouveau projet : la construction d’un nouveau centre thermal sur la colline d’Annette et Lubin. Celui-ci ouvre ses portes en 2004.

Ostende, la « Reine des Plages »

Le tourisme sur la côte belge est introduit à l’aube du 19e siècle. Il s’agit d’une tendance venue d’Angleterre où les habitants sont friands des bains de mer « de guérison ». En 1784, un aubergiste anglais du nom de William Hesketh obtient la permission le construire sur la Grande Plage d’Ostende un petit pavillon en bois où les baigneurs peuvent acheter des rafraîchissements. Il marque ainsi le modeste début de station balnéaire.

Au 19e siècle, la ville accueille des touristes étrangers, notamment anglais. Les Britanniques, qui viennent visiter le site de Waterloo, s’arrêtent volontiers à Ostende pour profiter de la plage. Un des premiers bâtiments de la digue, le Pavillon anglais, est construit par le consul britannique.

Dès 1834, Ostende intéresse les souverains. Léopold Ier et sa famille y séjournent fréquemment dans une maison de maître sur la Langestraat. L’intérêt des monarques pour Ostende fait de la ville un endroit à la mode. Suivant la tendance, les classes sociales supérieures de la société belge les imitent et se rendent de plus en plus à la côte.

La digue d'Ostende (vers 1895)
La digue d’Ostende (vers 1895)© Inconnu

Le tourisme parvient à se développer, car Ostende est munie d’une ligne ferroviaire dès 1839 et d’une ligne de ferry la reliant à Douvres à partir de 1846. Le premier casino-kursaal est construit en 1850.

La ville est démilitarisée en 1865 : les fortifications sont démolies et la première digue est construite. Léopold II y installe l’une de ses résidences d’été et marque la ville de son empreinte par différents travaux d’urbanisme. D’importants travaux sont entrepris dès 1905 dont la construction du théâtre, du bâtiment de la Poste et des Galeries Royales. C’est également le « roi bâtisseur » qui commande la construction de l’hippodrome en 1883.

Avec l’arrivée des congés payés en 1936, Ostende doit s’adapter au nouveau tourisme de masse. La ville commence par instaurer des pensions bon marché puis des immeubles à appartements sont construits pour accueillir les nouveaux visiteurs. Les démolitions se sont accélérées après la Seconde Guerre mondiale si bien qu’il ne reste qu’un très petit nombre de villas de la Belle Époque aujourd’hui à Ostende. Toutefois, à une dizaine de kilomètres de la ville, Léopold II développe au Coq une station balnéaire pour les Bruxellois francophones. La petite bourgade a réussi à garder le charme de la fin du 19e siècle en conservant la plupart des villas de style Belle Époque. Ces bâtiments peuvent donner une idée de l’atmosphère qui régnait autrefois à Ostende.

Le développement que connaît Ostende au 19e siècle transforme la ville : de petite bourgade de pêche, elle passe au statut de ville balnéaire. Avec les années, les hôtels et restaurants se multiplient et le tourisme devient la principale source économique.

La « Reine des Plages » connaît aujourd’hui encore une forte affluence de touristes. Ostende est l’une des seules villes côtières de Belgique à pouvoir vivre du tourisme toute l’année. En effet, nombreux sont les Belges qui s’y rendent le week-end, même en hiver !

La vallée mosane, entre nature et tranquillité

La villégiature bourgeoise se développe entre Dinant et Namur, car la région est très peu industrialisée. Cette caractéristique est un moteur pour les riches bourgeois qui veulent acquérir une maison de campagne. La vallée leur offre un cadre naturel, presque sauvage, avec des paysages resplendissants et un air pur. Les grands industriels se retournent alors vers cette région lorsqu’ils veulent s’éloigner de l’agitation commerciale et des fumées des usines.

Une forme de tourisme de plaisance se met tout doucement en place et Dinant se transforme en un lieu d’excursion et de séjour. De nombreux voyageurs viennent parcourir la vallée de la Meuse, considérée comme l’une des plus belles et diversifiées de Belgique. La variété de paysages romantiques et pittoresques attire de nombreux artistes. Le célèbre peintre William Turner entreprend deux voyages dans la région. Il réalise notamment une aquarelle des ruines de Poilvache. D’autres artistes peintres feront de même comme Robert Batty ou Jean-Baptiste Madou.

Villa des Roses à Rivière (entre Dinant et Namur)
Villa des Roses à Rivière (entre Dinant et Namur)© Inconnu

La première salle de jeux est attestée en 1843, prouvant ainsi la présence d’une clientèle étrangère fortunée. Des infrastructures d’hydrothérapie et d’hôtellerie sont construites dans les années 1870 et Dinant devient une concurrente aux thermes de Spa jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Parallèlement à l’hôtellerie, les villas particulières font leur apparition à la fin du 19e siècle. Ces maisons sont tout à fait reconnaissables par leur style architectural alliant inspirations régionalistes et traditionnelles où les matériaux naturels sont mis à l’honneur.

Les villas mosanes sont à leur apogée au début du 20e siècle, mais la Grande Guerre vient briser cet élan. La mode des maisons de campagne s’essouffle durant l’entre-deux-guerres et finira par s’éteindre complètement après la Seconde Guerre mondiale. Ce déclin s’explique par d’importants changements dans le mode de vie, l’arrivée massive des automobiles qui permettent des déplacements plus longs et plus agréables, mais aussi par l’urbanisation des villages mosans.

Loreline Dubuisson

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