Le roi Baudouin en visite chez Côte d'Or, quand la marque était belge. © Belgaimage

Le 30 janvier 1987, le jour où la Belgique pleurait Côte d’Or

« Les Belges pleurent leur petit éléphant. » Le titre de La Libre Belgique est éloquent. « Moi, Monsieur, je ne mangerai plus de Côte d’Or », lit-on ici. « Il y en a qui n’ont aucune fierté d’être Belge », lit-on ailleurs. Un drame national ? La vente de Côte d’Or aux Suisses de Jacobs-Suchard y ressemble. La marque à l’éléphant faisait partie des joyaux de la couronne en même temps qu’elle appartenait au quotidien des Belges. Comment le pays a-t-il pu la laisser s’échapper ?

Rétroactes. Dès la seconde moitié des années 1980, et même si le grand public l’ignore, Côte d’Or est dans une situation compliquée. En Belgique, la marque est incontournable. Mais sa marge de croissance est limitée. Pour continuer à se développer, le chocolatier doit se tourner vers l’étranger. Pour cela, il lui faut des capitaux. Or, le groupe ne peut compter ni sur la fortune de grandes familles ni sur le soutien de holdings puissants. La société n’est donc pas petite, mais elle n’a pas les moyens de devenir grande. Ce qui en fait une proie idéale…

Un autre élément joue : bien que cotée en Bourse, Côte d’Or demeure une entreprise de famille. Cependant, au fil des générations, le contrôle par cette dernière s’est dilué. Tout comme l’intérêt des Michiels et des Bieswal.  » Je constatais une désaffection progressive de plusieurs actionnaires minoritaires, racontera Baudouin Michiels, le patron d’alors. Ils avaient le souhait bien légitime de diversifier leur portefeuille…  » Michiels tire sa conclusion : pour assurer l’avenir de sa société, il doit trouver un  » partenaire  » – en clair, un repreneur. Un acteur retient particulièrement son attention : Nestlé. Les discussions sont longues et confidentielles, mais l’intérêt est réciproque. A travers l’opération, le Belge espère trouver les moyens d’une croissance nouvelle, tandis que le Suisse entend faire rayonner une marque propre sur le marché européen du chocolat.

Les jeux semblent faits. Le 29 janvier 1987, le conseil d’administration de Côte d’Or se réunit dans les bureaux de la banque Degroof pour valider l’accord. C’est alors qu’un coup de théâtre se produit. En pleine réunion, un porteur transmet à Michiels un courrier de Klaus Jacobs. Le big boss de Suchard a été informé de l’offre de Nestlé, et fait une contre-offre, largement supérieure. En précisant que sa validité expirera à minuit. Interruption de séance, consultations rapides. Un consensus se dégage : le meilleur payeur l’emportera. Vers 23 heures, Michiels appelle Jacobs et lui donne son accord. Le lendemain, il informe le chef de cabinet du roi et le gouvernement, avant de tenir une conférence de presse. Ebahie, la Belgique apprend donc la nouvelle le 30 janvier,.

Tristesse au Royaume… Ce n’est pourtant qu’un début : dans les années qui suivent, le pays perdra encore la Société Générale de Belgique, la BBL, la Sabena, Fortis… Quant à Suchard, il passera successivement sous la bannière de Kraft General Foods, puis de Mondel?z International. Seule consolation : le chocolat, lui, n’a pas disparu.

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