Le président Chirac, qui défendait le traité constitutionnel européen, l'a soumis au référendum. © BELGAIMAGE

Le 29 mai 2005, le jour où les Français ont tourné le dos à l’Europe

Coup de tonnerre sous le ciel étoilé : dans l’Hexagone, c’est le « non » qui l’a emporté. « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ? » demandait-on aux Français. La réponse est sans équivoque : 54,68 % des votants le rejettent. Une faible majorité ? Pas tant que ça. Surtout que le pays figure parmi les pionniers de la construction européenne. Que la ratification de ce traité ne devait être qu’une formalité. Et qu’un an plus tôt, personne ne s’y opposait.

C’était il y a quinze ans. A l’époque, deux partis dictent le rythme de la vie politique outre- Quiévrain : l’UMP de Nicolas Sarkozy et le Parti socialiste de François Hollande. En 2004, tous deux sont favorables au traité européen signé par les Vingt-Cinq. Si Jacques Chirac, président de la République, le défend, il décide pourtant de le soumettre à référendum. Autant parce qu’il sent des oppositions larvées que parce qu’il croit que celles-ci ne remettront pas en cause la ratification.

L’air de rien, c’est une véritable campagne qui s’amorce. Certes, les grands partis soutiennent le texte. Mais certains sont tiraillés. Au PS, nul autre que Laurent Fabius prône officiellement le  » non « . Le futur dissident Jean-Luc Mélenchon se distingue aussi de la ligne du parti. Et puis, il y a les extrêmes. A gauche, Olivier Besancenot mène l’un de ses premiers combats médiatiques ; à droite, Jean-Marie Le Pen prépare l’une de ses dernières grandes victoires.

Les arguments sont d’ordres divers. Le clan des  » oui  » salue un texte modéré, qui devrait permettre d’adapter l’Union européenne, de la rendre plus efficace et plus démocratique. Le club des  » non  » dénonce une (nouvelle) perte de souveraineté et le caractère irréversible de cette marche en avant. La campagne est par ailleurs animée par des débats sur la politique gouvernementale ou un éventuel élargissement de l’UE à la Turquie. Elle est enfin colorée par l’humeur du moment : en 2005, le moral des Français est en berne, trois quarts d’entre eux estimant que leur situation person- nelle est en train de s’aggraver…

Le 29 mai, le clivage n’est pas politique ; il est sociologique. Durant des mois, tandis que les chaînes de télévision offraient une tribune où proclamer leur credo aux vedettes du système politico- médiatique, la France d’en-bas couvait sa colère. Dans l’isoloir, 70 % des agriculteurs, 71 % des chômeurs et 79 % des ouvriers rejettent violemment le traité. Pire : une majorité des artisans, des commerçants et des petits chefs d’entreprise s’y opposent également.

Le projet de traité ? Pour la plupart, ils s’en balancent. A peine 18 % des  » nonistes  » se prononcent fondamentalement sur le texte. En vrac, les autres rejettent leur président, l’insécurité sociale, l’ultralibéralisme ou les dangers d’une UE élargie. Ils gagnent ? Oui : l’Europe n’aura pas sa Constitution. Mais en 2007, Nicolas Sarkozy remporte la présidentielle. Et en 2008, par voie parlementaire, il ratifie le traité de Lisbonne. Un texte très similaire à celui de 2005.

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