L'ancien président polonais Lech Walesa et les présidents des dix nouveaux Etats membres arrivent au Parlement européen à Strasbourg, le 3 avril 2004. © FREDERICK FLORIN/belgaimage

Le 1er mai 2004, le (trop ?) grand élargissement de l’Union européenne

L’Europe est en fête ! De quinze, elle passe à vingt-cinq. D’une ampleur inédite, cet élargissement permet de définitivement tourner la page de la guerre froide. De réunifier un continent trop longtemps divisé. De manifester la victoire de la démocratie libérale et de l’économie de marché.

L’Europe est donc est en fête, mais certains Européens ont des doutes. Pas tellement sur la pertinence de l’opération. Plutôt sur son timing, ses modalités. Sur l’état de préparation des nouveaux membres. Ainsi que sur le fonctionnement futur de l’Union. Et avec le recul, ces voix dissonantes n’avaient sans doute pas entièrement tort.

Tout commence en 1989. La chute du mur de Berlin annonce et symbolise celle de l’Empire soviétique. Dans la foulée, plusieurs capitales recouvrent leur liberté. Détachées du bloc de l’Est, elles s’interrogent aussi sur leurs rapports avec l’Ouest. Rejoindre l’Otan, la Communauté européenne ? Bien vite, ces idées deviennent des objectifs proclamés. Pour autant, une intégration rapide est inenvisageable : les pays d’Europe centrale et orientale (Peco) doivent d’abord retrouver le goût de la démocratie et adapter leurs économies. C’est d’ailleurs pour les soutenir dans cette tâche immense que l’UE lance le programme Phare. Ce plan d’assistance financière, d’abord destiné à la Pologne et à la Hongrie, sera ensuite élargi aux autres pays.

Au-delà d’un soutien, il faut offrir des perspectives. En réalité, pour la plupart des leaders européens, un grand élargissement relève de l’évidence. De la nécessité politique. Du devoir moral. A l’automne 1997, les chefs d’Etat et de gouvernement des membres et futurs membres sont rassemblés pour un déjeuner à la Banque européenne d’investissement, à Luxembourg. Prenant la parole, Helmut Kohl s’adresse aux dirigeants des Peco :  » Où étiez-vous il y a dix ans ?  »  » En prison « , répondent la moitié des dirigeants en question.  » C’est aujourd’hui un des plus grands jours de ma vie « , reprend le chancelier allemand, pratiquement en larmes.

Le train s’emballe. Plusieurs Etats membres plaident la cause de pays dont ils se sentent proches. Ou avec lesquels ils veulent pacifier leurs relations. Sans doute un peu vite, des dates sont fixées. Le grand élargissement aura lieu en 2004 ; seule l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie est postposée à 2007.

Le 1er mai 2014, dix nouveaux pays rejoignent l’UE, transformant ainsi sa physionomie. Sa population s’accroît de 20 %, sa superficie s’étend de 25 %. En revanche, son PIB n’augmente que de 5 %… C’est surtout avec le temps que l’on prendra conscience des faiblesses de l’Europe réunie. En optant pour un grand élargissement, l’UE peinera à poursuivre une politique d’approfondissement. Plus fondamentalement, et jusqu’à aujourd’hui, elle semble demeurer à deux vitesses. Parce que les Peco n’ont jamais été considérés comme des acteurs véritables ? Ou parce que les mentalités, à l’Est, diffèrent trop de celles de l’Ouest ? Après quinze ans, le grand élargissement n’a pas encore été digéré.

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