Le roi hausse le ton, tandis que la guerre approche. © ISOPIX

Le 12 avril 1939, le jour où Léopold III convoqua l’élite du Royaume

« Nous avons perdu ce que doit être le rôle de l’Etat. » L’assistance ne dit mot. Et pourtant, elle ne manque pas d’allure. Il y a là, rassemblée, la crème du pays : les chefs politiques et les hauts dirigeants de la sphère économique et sociale ont été convoqués au Palais.

Mais ces grands hommes savent que pour l’heure, il vaut mieux se taire. Laisser parler le roi. Laisser passer l’orage. Et demain, se remettre à l’ouvrage. Il y a autre chose. Confusément, certains perçoivent que si le pays est en danger, ce n’est pas d’abord parce que le sens de l’Etat se serait envolé. Mais parce que les deux branches de l’exécutif soufflent de moins en moins dans la même direction. Pour la Belgique, alors qu’une guerre s’annonce, n’est-ce pas plutôt là que se situerait la principale menace ?

Ça fait des mois que ça dure. Que le pays va de crise en crise. Que le politique s’embourbe dans d’interminables négociations. Que les partis accaparent le pouvoir. Que les ministres se dispersent en d’inlassables querelles. Et que Léopold n’est pas content.

Léopold n’est pas content, et il ne le cache pas. Le 2 février 1939, il convoque le gouvernement au Palais. Il dénonce alors  » la défaillance des hommes qui détiennent les pouvoirs de la Nation.  » Quelques semaines plus tard, il demande – et obtient – la démission des Chambres.

Le 2 avril, les Belges se rendent aux urnes. Les catholiques consolident leur première place ; les socialistes, de justesse, restent deuxièmes ; les libéraux grimpent mais demeurent troisièmes. En ces temps de crise économique, de courageuses mesures s’imposent ; vu la configuration électorale, seule une tripartite semble en mesure de les imposer. Le 5 avril, le catholique Hubert Pierlot est chargé de  » recueillir des renseignements sur les conditions dans lesquelles pourrait se former un nouveau gouvernement « . Dans la foulée, Pierlot multiplie les entretiens. Mais les partenaires se font désirer. Et font monter les enchères.

A Laeken, la grogne gronde. Le 12 avril, le chef de l’Etat convoque donc les grands chefs du Royaume. Il y a là les Pierlot, De Schryver, Spaak, Gutt… Trois catholiques, trois libéraux, deux socialistes et trois  » techniciens « . La liste des invités est déjà édifiante : le roi veut une coalition tripartite qui puisse se situer au-dessus de la mêlée. Le discours est conséquent : Léopold critique les dosages futiles, les intérêts partisans et les rancoeurs personnelles. Il en appelle à une réduction des dépenses publiques et à une diminution de l’influence des groupes à intérêts particuliers. Il réclame la mise en place d’un  » pouvoir exécutif vraiment responsable « .

Mais Léopold crie dans le désert. Le 17 avril, le Congrès du Parti ouvrier refuse, par un vote, de gagner la majorité. Contraint, Pierlot prend la tête d’une coalition alliant catholiques et libéraux. Quelques mois plus tard, les socialistes finiront tout de même par monter au pouvoir. Ce sera le 3 septembre. Deux jours après le début de la Seconde Guerre mondiale. Et quelques mois avant que Léopold et son gouvernement se déchirent vraiment.

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