Les trains glisseront-ils un jour dans d'énormes tuyaux et tunnels à travers la Belgique ?

Flottant dans des champs magnétiques, roulant à plus de 1000 km/h… A quoi ressemblera le train du futur

Des trains ultrarapides qui dépasseront les 1 000 km/h pendant que nous flotterons sur des champs magnétiques ou des coussins d’air : le train du futur est porteur de spectaculaires promesses. La seule chose que nous ignorons, c’est à quel point ce futur est proche ou éloigné…

Le train parcourra-t-il bientôt le trajet de Bruxelles à Malines en moins de dix minutes ? En théorie, c’est déjà possible avec une liaison Maglev. Avec l’Hyperloop d’Elon Musk, cela pourrait même se faire en six minutes. La Commission européenne y croit et a repris l’Hyperloop dans sa stratégie officielle de mobilité durable. Elle part du principe que cette technologie sera au point dans les prochaines années et changera radicalement la donne en ce qui concerne les déplacements de plus longue distance à travers l’Europe, sur lesquels l’avion règne encore en maître.

Cet article fait partie du hors-série de 200 pages que Le Vif/L’Express consacre àLa fabuleuse histoire du train. En vente actuellement en librairie ouvia notre eshop.

La Flandre s’y intéresse également. Le bureau de consultance Deloitte a exécuté pour Vlaio (l’agence flamande de l’innovation et de l’entreprise) une étude sur la faisabilité de ce nouveau moyen de transport pour les personnes et les marchandises dans notre région.  » En théorie, ça marche « , conclut-elle,  » du moins pour des distances allant jusqu’à 1 500 kilomètres.  » Pour des distances comprises entre 300 et 500 kilomètres, l’Hyperloop pourrait remplacer ou compléter les liaisons classiques, plus lentes. Se rendre d’Amsterdam à Paris en train – plus exactement en Hyperloop – en une demi-heure plutôt que voler une heure et quart : mais qu’attendons-nous encore ?

Le journaliste spécialisé Herman Welter craint que ce futur ne soit pas si proche que nous le pensons :  » Avant d’y être, il doit encore se passer beaucoup de choses. La façon dont nous allons réorganiser notre système ferroviaire dans le futur, voilà un gros défi de mobilité. Durant ces dernières décennies, en Belgique, on a surtout fait des économies sur le dos des chemins de fer. Mais de gros investissements ne suffiront pas : il faudra aussi beaucoup de courage politique, par exemple pour supprimer tous les arrêts dont la fréquentation est trop faible pour justifier leur maintien. Il y a encore aujourd’hui des gares ou des haltes avec moins de cinquante voyageurs à l’embarquement par jour en semaine. Le train reste un moyen de transport de masse. Le fait de l’arrêter coûte de l’énergie ; cela augmente les coûts et réduit sa vitesse. »

Herman Welter.
Herman Welter.

Verra-t-on des trains automatiques sans conducteurs ?

Après différentes lignes de métro, ce sont à présent les lignes de trains qui s’automatisent. En principe, le Thalys roule déjà de manière automatique. Le conducteur n’intervient qu’à l’approche de Paris et quand le réseau à grande vitesse rejoint le réseau conventionnel. C’est donc techniquement possible à condition de procéder aux investissements nécessaires. C’est l’avenir, certes, mais comment faudra-t-il concilier cela avec l’emploi ? Du point de vue social, ce n’est pas si évident. Il faudra encore un moment avant que les trains roulent automatiquement en Belgique.

Comment préparer ce train du futur ? Où voulons-nous aller, au propre et au figuré ?

La Belgique n’a pas encore de vision claire dans le domaine. Quel rôle le train doit-il jouer dans notre mobilité ? Quels sont moyens nécessaires pour cela – personnel, infrastructure, matériel ? Nous devons nous poser ces questions et faire des choix pour développer la bonne stratégie.

A court terme, nous devons surtout investir dans l’accessibilité du transport public. Dans bien des gares et des arrêts, les voyageurs doivent en 2021 encore se hisser dans le train. Dans ce grand désordre urbanistique qu’est la Flandre, la construction de nouvelles lignes est à peu près exclue. Il est égalementpeu probable que nous trouvions de l’argent pour un Hyperloop ou une liaison Maglev. Et finalement, la société a-t-elle besoin d’un Hyperloop ? L’entretien et la modernisation de notre infrastructure négligée depuis des décennies méritent la priorité.

Quelle est l’importance de la numérisation pour l’avenir du train ?

Depuis quelques années, la SNCB investit largement dans la numérisation. Cela rendra par exemple la vente classique de billets aux guichets superflue dans un avenir proche. Les moyens ainsi libérés pourront être investis dans l’élargissement de l’offre et dans l’amélioration du confort des trains et des gares.

Nous vivons une révolution numérique. Il existe maintenant des applications qui informent les voyageurs sur les offres intéressantes, les tickets, les retards, les places assises disponibles… A l’avenir, plus d’informations encore passeront par ce canal. La nouvelle technologie, comme le Li-Fi, qui repose sur l’utilisation de la lumière visible, pourra bientôt fournir une liaison Internet de meilleure qualité, ininterrompue, dans le train, ce qui offrira des possibilités à la fois aux chemins de fer et aux utilisateurs. Le temps de voyage pourra ainsi devenir un temps presté. Mais la technologie numérique ne suffit pas pour attirer d’autres voyageurs dans le train. Une prestation de services haut de gamme reste une condition sine qua non.

Les chemins de fer coûtent cher. Qui va payer ?

Investir, c’est faire des choix ; pour quoi voulons-nous payer ? Depuis des décennies, l’argent est consacré à l’aménagement d’autoroutes plutôt qu’au rail. Dans les années 1960, on a pensé que l’auto résoudrait tous les problèmes de mobilité. Nous voyons les choses autrement aujourd’hui. La question climatique entraîne en outre un changement de mentalité. Ces dernières années, le train a regagné en popularité en Belgique et, à présent, on réintroduit également les trains de nuit. Le coronavirus a, hélas, interrompu la forte croissance annuelle du nombre de passagers sur les rails. Heureusement, les investissements reprennent, mais ils doivent rattraper un grand retard. La part du train dans le trafic  » domicile-travail  » est très élevée sur les grandes lignes, mais en général, elle oscille entre 7 et 8 %. Il reste du boulot pour amener plus de gens dans les trains en dehors des heures de pointe. Je pense aux fréquences, à des correspondances fiables, à la ponctualité et au confort des trains et des gares.

Trains Thalys en gare de Bruxelles-Midi, en 2019.
Trains Thalys en gare de Bruxelles-Midi, en 2019.

Un petit pays comme la Belgique peut-il se permettre de tels investissements dans l’infrastructure ? Nous parlons de milliards. L’Europe peut-elle jouer un rôle à ce niveau ?

2021 est l’année européenne du rail. Dans le passé, l’Europe n’a pas toujours servi les chemins de fer. Avec la libéralisation – autrement dit, la concurrence -, l’UE veut rendre le train plus attrayant et meilleur marché. Cela entraîne une scission entre infrastructure et exploitation.

Contre toute logique, les trains internationaux n’ont plus le statut de service public. La plupart des trains auto-couchettes et de nuit ont rapidement été supprimés, ainsi que pratiquement tous les trains internationaux classiques, comme le populaire Ostende-Liège-Cologne (NDLR : ou le Bruxelles-Luxembourg-Bâle). Les Pays-Bas ont procédé très tôt à la libéralisation – pas à la privatisation. Mais quand le coronavirus cause une diminution du nombre de voyageurs et, donc, des revenus, les acteurs privés demandent le soutien des autorités… La privatisation du rail en Angleterre, lancée sous Thatcher, a fait monter le prix des billets et baisser la qualité du service. De plus, sur le plan fiscal, le gouvernement britannique a perdu plus dans les chemins de fer qu’à l’époque de l’opérateur public British Rail. Aujourd’hui, avec la pandémie, on a enfin réalisé que le modèle ne fonctionnait pas. Le rôle de l’Etat s’élargit à nouveau.

Cette infrastructure ferroviaire du futur s’imposera-t-elle grâce à la coopération internationale ?

Je ne suis pas sombre, mais réaliste. Je ne vois pas les trains magnétiques arriver en Europe. Comment allons-nous adapter cette infrastructure sur notre continent densément peuplé ? L’espace manque. Le projet d’un train magnétique entre Hambourg et Berlin a autrefois été abandonné et, à la place, on a modernisé la ligne existante entre les deux villes. Et l’idée de faire rouler des trains à la vitesse supersonique entre Anvers et Bruxelles, en dix, voire six minutes, dans des tubes souterrains ? C’est bien beau, mais, pour l’instant, pas très réaliste ; c’est de l’utopie.

Flottant dans des champs magnétiques, roulant à plus de 1000 km/h... A quoi ressemblera le train du futur

Y a-t-il un machiniste dans le train ?

Les trains autonomes circulent sans machiniste, du moins actif. Il existe pour l’instant différents niveaux d’autonomie en fonction des Grades of Automation (GoA). Dans le cas du GoA1, le machiniste conduit le train et dispose de tous les systèmes de commande, contrôle et sécurité. Dans le cas du GoA2, le train roule de manière autonome, mais avec un conducteur qui reste responsable. Dans le GoA3, on ne voit plus de machiniste aux manettes, dans le GoA4 il n’y en a même plus dans le train. Cela permet d’économiser sur les salaires et de faire rouler plus de trains par heure sur un trajet.

Pourtant, les trains autonomes semblent, comme les voitures autonomes, encore très loin de nous. Les machinistes n’ont pas de souci à se faire dans l’immédiat. Il reste une quantité d’obstacles à surmonter : lourds investissements dans le software et les systèmes de sécurité, législation, assurances…

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Elon Musk prend le train

Et si on pouvait embarquer les passagers dans des capsules circulant dans un tube sous une pression extrêmement basse, comme dans le transport pneumatique ? Voilà le principe de l’Hyperloop d’Elon Musk. L’entrepreneur américain pense que l’on pourrait atteindre avec ces capsules des vitesses de jusqu’à 1 220 km/h, parce qu’elles se déplacent non pas sur des rails comme le train classique, mais bien sur des coussins d’air. La résistance de l’air dans le tube s’élève à 100 pascals, c’est-à-dire à un sixième de la pression sur Mars ; cette pression très basse permet aux capsules de circuler encore plus facilement dans le tube. Les capsules disposent d’un compresseur intégré qui produit le coussin d’air sous elles. En couvrant les tubes de panneaux solaires, ce système pourrait être autosuffisant du point de vue énergétique.

En théorie, tout cela semble formidable, mais pour l’instant, l’Hyperloop n’est techniquement pas au point.

Mais où trouver encore de la place pour les tubes de l’Hyperloop ? Sous terre. Cela aussi, Musk y a pensé. En 2016, il a fondé la Boring Company, une entreprise de construction capable de creuser des tunnels plus rapidement, à moindre coût et surtout plus intelligemment, avec un nouveau type de tunnelier. Celui-ci comprime les débris extraits du tunnel en construction sous formes de gros blocs de béton qui servent lors des travaux d’infrastructure. En décembre 2018, le tunnel d’essai de la Boring Company a été achevé. Il se trouve à Hawthorne, en Californie, près du quartier général SpaceX de Musk. Le tunnel mesure 1 800 mètres de long et a coûté dix millions de dollars.

En théorie, tout cela semble formidable mais pour l’instant, l’Hyperloop n’est techniquement pas au point. Le train le plus rapide envoyé dans le tube d’essai n’atteint encore que la vitesse de 324 km/h, soit légèrement plus que les actuels trains à grande vitesse, comme le Thalys ou l’Eurostar. Un tunnel plus long pourrait accroître cette vitesse. Mais ce type de tube sous vide est-il réaliste pour le transport des personnes ? Les vibrations et l’énorme accélération ne sont pas agréables pour le corps humain et peuvent provoquer des nausées et des étourdissements. On ne peut donc pas vraiment parler de déplacement confortable. Pour atteindre la vitesse souhaitée tout en préservant le confort des voyageurs, le tunnel devrait être percé en ligne droite, sans la moindre courbe. Le principal obstacle reste toutefois le prix élevé des liaisons souterraines entre gares. L’Hyperloop ne peut donc pas concurrencer les aéroports : entre eux, aucune infrastructure supplémentaire n’est en effet nécessaire..

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Balles Japonaises

Au Japon, les trains Shinkansen ou bullet trains atteignent des vitesses de pointe dépassant les 440 km/h. Leur nom vient du nez en forme de balle de la première version de la machine. A titre de comparaison, le TGV Réseau français et l’Eurostar transportent les passagers à une vitesse de pointe de 320 km à l’heure.

Les trains Shinkansen ont été introduits au Japon lors les Jeux olympiques de Tokyo de 1964. Depuis lors, on a largement investi dans la technologie de ces engins aux allures futuristes. Le dernier de la lignée est l’Alfa-X, qui possède un nez aérodynamique de plus de vingt-deux mètres. Celui-ci doit réduire la pression et le bruit dans les tunnels. L’Alfa-X doit atteindre 400 km à l’heure. Il est pour l’instant en phase de test entre les villes d’Aomori et de Sendai et doit être opérationnel en 2030 au plus tard. D’ici là, le Japon veut étendre son réseau Shinkansen jusqu’à Sapporo, une grosse ville située dans la région septentrionale d’Hokkaido.

Maglev : la Chine en pleine accélération

En Chine, les trains Maglev de Shanghai circulent depuis 2003 déjà. Maglev signifie magnetic levitation : ce train flotte sur un champ magnétique au-dessus des rails. Comme il n’y a pas de frottement, il peut rouler beaucoup plus vite que les trains conventionnels. Par exemple, le Shanghai Transrapid atteint une vitesse maximale de 430 km/h, ce qui en fait le service ferroviaire le plus rapide du monde utilisant cette technologie. Et cela peut encore aller plus vite, pensent les Chinois : au début de cette année, ils ont créé à Chengu un prototype de train à sustentation magnétique qui doit atteindre les 620 km/h. Ses concepteurs veulent d’ici cinq ans augmenter cette vitesse jusqu’à 800 km/h. Le train pourrait ainsi concurrencer la plupart des avions commerciaux.

L’aménagement d’une ligne Maglev coûte 10 millions d’euros environ de plus au kilomètre qu’une ligne TGV classique.

Comment est-ce possible ? Un peu de physique pour mieux comprendre : avec le train en situation de supraconducteur, la résistance électrique approche du point zéro. Mais pour cela, il faut refroidir les bobines à très basse température. Dans le cas des Shinkansen japonais, on utilise de l’hélium liquide ; ces pièces atteignent ainsi les – 269°C nécessaires à la supraconduction. Les Chinois veulent améliorer ce processus et le rendre meilleur marché en utilisant l’azote liquide comme refroidisseur. Non seulement ce procédé s’avère cinquante fois moins cher, mais il permet au train de flotter dès le départ. Or, les Trans Shinkansen ne commencent à flotter qu’après le départ, ce qui coûte aussi en énergie supplémentaire. Dans leur projet, les Chinois ont allégé leur prototype grâce à l’emploi de fibre de carbone.

Le train Maglev ne pèse ainsi plus que la moitié d’un train conventionnel à grande vitesse. Cette technologie a un coût élevé : le prix de revient d’une ligne serait compris entre 32 et 38 millions d’euros le kilomètre. Dans le cas d’une ligne TGV ordinaire, ce coût est de 25 à 26 millions d’euros.

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