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À bord de la nef des fous

Aux abris. Un vent de Folie soufflerait sur la marche du monde depuis des lustres. Si ce monde ne tourne jamais vraiment rond, c’est peut-être aussi parce que ceux qui le gouvernent n’ont pas toujours toute leur raison. Pharaons, empereurs, sultans, potentats d’Asie, rois, tsars, dictateurs, présidents : dans le lot se nicherait une sacrée bande de grands malades. Désaxés, dérangés, enragés, égarés, allumés, fous dangereux ou doux dingues, leur passage en revue fait froid dans le dos.

Une telle dose de folie ne s’est pas répandue par hasard dans les plus hautes sphères du pouvoir. La consanguinité érigée en mode de transmission de la couronne a fait des ravages au cours des siècles, elle fut une voie royale pour porter aux trônes des légions de débiles plus ou moins profonds. Ceux-là auraient assurément des circonstances atténuantes à plaider, tant leur destinée, dès le berceau, les condamnait à vivre dans un univers de déraison. Mais l’avènement de la démocratie et du choix des gouvernants par le consentement du plus grand nombre n’ont pas forcément tari la source. La folie peut faire chavirer les foules comme celles, immenses, qui se sont éperdument jetées dans les bras d’un Adolf Hitler, monument de monstruosité mentale. Pour un peu, les peuples en redemanderaient, des fous à qui confier leur sort. Comme si la sensation de nager en plein délire ne dérangeait pas forcément.

Pour le meilleur et pour le pire, une psycho-histoire s’est emparée de ces trajectoires qui fascinent, intriguent ou épouvantent. Elle aime coucher sur le divan les grands personnages de l’Histoire qui ne sont plus de ce monde pour se défendre, croyant pouvoir découvrir les ressorts de leurs égarements. Un seul nom parmi tant d’autres « patients » : Maximilien Robespierre, incarnation de la Terreur sous la Révolution française, désigné à tout jamais comme pourvoyeur implacable de la guillotine avant d’y être à son tour envoyé par ceux qui ont jugé préférable de le renverser, s’est trouvé réduit à l’état d' »infirme psychoaffectif », atteint d’un délire de grandeur et de persécution nourri par une enfance malheureuse. Diagnostic à prendre avec bien des pincettes : la complexité de l’homme et l’ingratitude de son époque méritent mieux qu’un exercice de psychanalyse à deux siècles de distance, qui heurte plus d’un spécialiste de l’Incorruptible.

À bord de la nef des fous
© HATIM KAGHAT

Il faut donc raison garder quand le ragot et la médisance règnent en maître. Taxer un adversaire de fou a été et reste un des moyens les plus sûrs de le discréditer, de le perdre, de justifier son élimination brutale. Méfiance et gare aux apparences : s’il y a de ces regards hallucinés qui ne trompent pas, de ces postures qui laissent planer peu de doutes, certains cachent diaboliquement bien leur jeu. Joseph Staline, chéri des prolétaires du monde entier, a bluffé bien du monde. Le petit père des peuples au regard malicieux, à la moustache grise et aux cheveux argentés, dissimulait admirablement ses traits de pervers narcissique et paranoïaque on ne peut plus conscient de ses actes et des malheurs sans nom qu’ils pouvaient charrier.

À déambuler entre fous couronnés, dictateurs dérangés et dirigeants déjantés, on finirait par perdre la tête. Le Vif/L’Express vous convie à un intense moment d’égarement, au fil des portraits hallucinants réunis dans ce Hors-Série exceptionnel. Soyez fous.

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