Le roi suit le dossier congolais de très près. © BELGAIMAGE

16 décembre 1959: Le surprenant voyage de Baudouin au Congo

Mais qu’est-ce qui lui a pris? Pierre Wigny n’en revient pas. Le ministre des Affaires étrangères vient d’apprendre que le roi Baudouin a pris l’avion pour le Congo. Wigny n’a pas été consulté. Et il est inquiet. « C’est quitte ou double, écrit-il dans son journal intime. Un roi courageux peut nous regagner le Congo. Mais s’il échoue, il risque de compromettre sa couronne. Est-il sage d’aventurer une dynastie qui doit être permanente dans une entreprise qui est périlleuse? » Eclairage.

Durant des années, les Belges ont fait comme si de rien n’était. Comme si, en pleine vague décolonisatrice, le Congo allait pouvoir résister aux sirènes de l’émancipation. Grossière erreur! En janvier 1959, des émeutes éclatent brutalement dans la colonie. Le message est clair. Acculés, les Belges annoncent que le Congo s’apprête à devenir un Etat indépendant. Quand? Sous quelles modalités? A quoi ressemblera le futur Etat? Sur ces questions majeures, rien n’est encore décidé.

Une idée circule: celle d’une indépendance par étapes. Il faut dire que depuis qu’il est belge, le Congo a toujours été dirigé par des Blancs. Et que la Belgique ne s’est jamais montrée soucieuse de la formation d’élites africaines. Le Premier ministre Gaston Eyskens craint même qu’une indépendance trop rapide conduise à « un retour instantané à l’esclavage, à la sauvagerie et surtout à la tyrannie des chefs de tribus ». En réalité, le gouvernement hésite, tergiverse. Procrastine. En septembre, le ministre des Colonies, Maurice Van Hemelrijck, quitte son poste.

Le chef de l’Etat, lui, suit le dossier congolais de très près. Logique: depuis Léopold II, les rois des Belges se sont toujours sentis extrêmement concernés par les affaires africaines. Et ils n’ont jamais hésité à intervenir directement. En outre, depuis sa tournée triomphale de 1955, Baudouin jouit d’un grand prestige au Congo. C’est dans ce contexte qu’il décide de prendre l’avion, accompagné d’August De Schryver, nouveau ministre des Colonies. Une décision soudaine, surprenante. Et très personnelle.

Pourquoi ce choix? Parce que Baudouin est tout à la fois inquiet de l’évolution du Congo, préoccupé par les hésitations gouvernementales. Et qu’il a foi en son propre poids. Il n’empêche, le monarque prend un risque. « En cas d’échec, le prestige royal en souffrira et la tâche de la Belgique deviendra beaucoup plus difficile », commente l’ambassadeur américain en poste à Bruxelles.

Finalement? Le voyage n’est pas un échec. De là à parler de succès… Sur place, le roi observe que si son prestige est intact, l’image de la Belgique a pâli. A son retour, une table ronde est organisée, permettant à des représentants belges et congolais de négocier les modalités de l’indépendance. L’idée de laisser Baudouin régner sur le nouveau pays durant une période transitoire est lancée par les Belges. Mais rejetée par les Congolais. Quelques mois plus tard, c’est bel et bien « toutes les clés » qui seront octroyées au nouvel Etat.

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