Otage pendant 1384 jours dans le désert malien, Sophie Pétronin recouvre la "liberté" le 8 octobre 2020.

Sophie Pétronin: otage mais libre

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le récit de la détention au Mali, pendant trois ans et neuf mois, de Sophie Pétronin et du combat de son fils pour la faire libérer jette une lumière crue sur les tractations avec les djihadistes.

Perturbé par le nouveau coup d’Etat perpétré au Mali par le colonel-major Assimi Goïta, le président français Emmanuel Macron, au-delà des condamnations d’usage, a tout de même agité une menace plus sérieuse, celle d’un retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane (plus de 5 000 hommes) engagées dans la lutte contre les djihadistes, s’il s’avérait que le pouvoir s’orientait dans le sens d’un islamisme radical. Cette crainte a pu être nourrie par la façon dont les dirigeants de Bamako, déjà sous la coupe des putschistes, ont obtenu en octobre 2020 la libération d’otages aux mains des islamistes, l’homme politique Soumaïla Cissé, la Française Sophie Pétronin et les Italiens Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli. Contre leur élargissement, le Mali avait déboursé deux millions d’euros et rendu à la liberté et à leur combat, notamment contre la France, 200 prisonniers islamistes, dont un des organisateurs de l’enlèvement de Sophie Pétronin, Hamadi Ould Khalifa. Des libérations cher payées, jugeront certains.

Le statut de Sébastien Pétronin, le fils de l’otage, interroge sur les méthodes des services français.

Ce contexte empreint de complexité et, par nature, de secret est la toile de fond du remarquable récit-enquête que le journaliste Anthony Fouchard, correspondant de France 24 et de RFI au Mali à l’époque des faits, consacre aux trois ans et neuf mois de détention de Sophie Pétronin dans Il suffit d’un espoir (1). Son livre décrit la force de vie de cette septuagénaire enlevée le 24 décembre 2016 devant l’entrée de son orphelinat de Gao et sa soif de liberté en dépit des épreuves et par-delà les conventions. L’annonce de sa conversion à l’islam à l’issue de sa détention, son désir de retourner au plus vite dans le nord, dangereux, du Mali, et l’expression d’une forme de compréhension pour le combat de ses ravisseurs heurteront, en premier lieu les militaires français. Aujourd’hui, elle n’est toujours pas « autorisée » à retourner dans son pays d’adoption.

L’ouvrage d’Anthony Fouchard détaille également l’inlassable combat mené par le fils de Sophie Pétronin, Sébastien, pour obtenir la libération de sa mère. Etonnant destin: jamais, selon l’auteur, un parent d’un otage ne s’était aussi largement immiscé dans le processus d’enquête et de négociation avec des ravisseurs. Le statut de Sébastien Pétronin, interdit de se revendiquer émissaire officiel, aidé logistiquement et financièrement par l’Etat, et susceptible de perturber les démarches de Paris, interroge d’ailleurs sur les méthodes des services français. Comme le fait la révélation, par Anthony Fouchard, que des informateurs avaient prévenu l’armée française au Mali que les djihadistes projetaient d’enlever une femme blanche à Gao. Dans l’entrelacs des initiatives qui ont contribué à la libération de Sophie Pétronin, difficile de déterminer l’impact du combat de son fils. Mais le sort de l’otage colombienne Gloria Cecilia Argoti, avec laquelle la Française a partagé une grande partie de sa captivité et qui est toujours détenue aujourd’hui, incline à penser que toute démarche est préférable à l’oubli.

(1) Il suffit d'un espoir, par Anthony Fouchard, Les Arènes, 400 p.
(1) Il suffit d’un espoir, par Anthony Fouchard, Les Arènes, 400 p.

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