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« Révolution » dans la presse britannique: le Daily Mail s’adoucit sur le Brexit

Le Vif

Menacée par une fronde au sein de son propre parti sur le Brexit, la Première ministre conservatrice britannique Theresa May a reçu le soutien inattendu du puissant tabloïd Daily Mail, qui, hier encore, militait du côté rebelle.

L’émergence de cet allié de poids intervient après la démission en juin du rédacteur en chef du Daily Mail, Paul Dacre, qui s’était montré décisif dans le vote des Britanniques en faveur de la sortie de l’UE en 2016.

Après avoir passé 26 ans aux manettes du tabloïd populaire de droite, le journaliste a été remplacé par un europhile, Geordie Greig.

Ce changement avait été applaudi par les pro-UE et devrait apporter un peu de soulagement à Downing Street, en proie à une rébellion d’une partie des conservateurs contre la stratégie de Theresa May sur le Brexit, axée sur le maintien d’une relation étroite avec les 27.

Pour l’ancien Premier ministre conservateur John Major, Geordie Greig a « le pouvoir et le potentiel de changer le discours politique » au Royaume-Uni.

Sa nomination constitue une « révolution dans les médias britanniques » qui pourrait même « arrêter le Brexit », renchérit le député Andrew Adonis, membre de l’opposition travailliste et farouche opposant du Brexit.

Le Daily Mail jouit en effet d’une influence considérable au Royaume-Uni: troisième journal le plus lu dans le pays, après le Sun et Metro, il arrive en tête si l’on inclut ses lecteurs en ligne.

‘Suicide éditorial’ ?

En 2016, le tabloïd avait mené une virulente campagne contre l’immigration – un des principaux thèmes du référendum sur l’UE-, et s’était attaqué au Premier ministre conservateur David Cameron, pro-maintien dans l’UE, qui, lassé, avait fini, selon la BBC, par demander à Paul Dacre de « lui laisser un peu de répit ».

Après avoir essuyé un refus de l’intéressé, David Cameron avait alors demandé au propriétaire du journal, Lord Rothermere, de le licencier, avec pour seul effet de renforcer un peu plus l’hostilité de Paul Dacre, ajoute la BBC.

Deux ans plus tard, le journal semble avoir pris un virage à 180 degrés en délaissant le Brexit sans concession qu’il appelait autrefois de ses voeux.

Preuve en est l’éditorial publié jeudi, dans lequel le tabloïd admet avoir quelques réserves sur le plan de Theresa May pour le Brexit tout en soulignant cependant qu’il s’agit « du seul projet sur la table ».

Le journal en profite pour avertir les députés rebelles du Parti conservateur qu’ils ne sont pas suffisamment nombreux pour renverser la Première ministre, et qu’ils n’ont ni « candidat évident » pour la remplacer ni « plan alternatif cohérent » pour quitter l’UE.

Andrew Pierce, l’un de ses éditorialistes, est allé jusqu’à accuser les Brexiters purs et durs complotant contre Theresa May d’être des « traîtres », un comble pour un journal qui présentait il n’y a encore pas si longtemps comme des « ennemis du peuple » des juges ayant rendu une décision selon lui anti-Brexit.

Cette nouvelle ligne éditoriale pourrait susciter la colère de Paul Dacre, qui jouit toujours d’un rôle influent au journal, en tant que président et rédacteur en chef de sa maison mère, Associated newspapers.

Dans un article paru récemment dans le magazine The Spectator, ce dernier mettait d’ailleurs en garde contre tout changement trop radical: « Le soutien au Brexit est dans l’ADN du Daily Mail et, surtout, de ses lecteurs, et toute initiative visant à inverser cette tendance constituerait un suicide éditorial et commercial ».

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