Pedro Sanchez © Reuters

Pedro Sanchez ou les montagnes russes

Le Vif

Huit mois après son entrée à la Moncloa sur un coup de poker, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a été contraint vendredi de convoquer des élections anticipées. Dernier d’une série de revers dans la carrière politique du socialiste qui n’a toutefois jamais abandonné face à l’adversité.

Mardi prochain, l’ancien professeur d’économie de 46 ans sera le premier chef de gouvernement espagnol en exercice à publier un livre. Intitulé « Manuel de résistance », il y raconte un parcours où l’obstination triomphe.

Le 1er juin 2018 plus exactement, quand une alliance des socialistes, de la gauche radicale de Podemos, des indépendantistes catalans et des nationalistes basques lui permet de renverser le conservateur Mariano Rajoy.

Monté au front dès l’annonce de la condamnation du Parti Populaire (PP) de M. Rajoy dans un méga-procès pour corruption, Sanchez avait tenté un pari risqué en déposant une motion de censure alors que son parti ne comptait que 84 députés sur 350.

Mais ce coup de poker a payé: la motion de censure a été la première à être adoptée depuis la fin de la dictature franquiste.

« Aujourd’hui, nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de la démocratie dans notre pays », déclare alors Pedro Sanchez, portant comme à son habitude un costume sombre impeccablement cintré.

Donné pour politiquement mort après avoir perdu les deux dernières élections, ce natif de Madrid, marié et père de deux filles, revenait de très loin.

– Revenu par la grande porte –

Propulsé en 2014, à la faveur des premières primaires de l’histoire du Parti Socialiste Ouvrier espagnol à la tête d’une formation affaiblie, il arrive derrière Rajoy aux élections de décembre 2015.

Dans le contexte de paralysie politique qui s’en suit, il tente sans succès de former un gouvernement avec l’appui des libéraux de Ciudadanos et de Podemos.

De nouvelles élections sont convoquées en juin 2016 et le PSOE dégringole encore, enregistrant son pire résultat depuis 40 ans. Sanchez est alors défenestré par la direction du parti, qui le juge responsable.

Mais il revient par la grande porte en mai 2017, après avoir fait campagne en voiture dans toute l’Espagne pour rallier les militants qui voteront pour le rétablir à la tête du parti.

Né le 29 février 1972, Sanchez a grandi dans une famille aisée, auprès d’un père entrepreneur et d’une mère fonctionnaire, et a étudié l’économie dans la capitale espagnole avant de décrocher un master d’économie politique de l’Université libre de Bruxelles. Puis un doctorat controversé dans une université privée madrilène, sa thèse étant accusée de plagiat, ce qu’il nie fermement.

Conseiller municipal à Madrid de 2004 à 2009, il était devenu député en 2009 à la suite de la démission du titulaire du siège, avant de connaître une ascension fulgurante.

Une fois à la Moncloa, Sanchez a nommé le gouvernement le plus féminin de l’histoire espagnole et marqué les esprits en Europe en acceptant d’accueillir les migrants de l’Aquarius dont personne ne voulait. Il a aussi augmenté le salaire minimum de 22% alors que l’Espagne a souffert d’années d’austérité.

Il a revanche échoué jusqu’ici à exhumer Franco de son mausolée pharaonique, l’une de ses priorités, et s’est pris les pieds dans la crise catalane.

Déterminé à reprendre le dialogue avec les indépendantistes, il a fini par perdre leur soutien en plein procès historique de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. Leur rejet du budget mercredi, conjointement avec celui de l’opposition de droite, a entraîné la convocation d’élections.

– ‘Comme une partie de basket’ –

Mais Sanchez, qui est un habitué des parquets et mesure autour d’1,90m « conçoit la politique comme une partie de basket. Il peut passer de l’attaque à la défense en quelques secondes », juge Enric Juliana, directeur adjoint du journal barcelonais La Vanguardia.

Les élections qui se profilent s’annoncent toutefois extrêmement incertaines pour Sanchez.

Donné en tête par plusieurs sondages, son PSOE ne serait cependant pas en mesure de former une majorité avec Podemos.

Ce dont seraient en revanche capables le PP, Ciudadanos et le parti d’extrême droite Vox, qui ont déjà chassé du pouvoir les socialistes de leur fief d’Andalousie en janvier. Un autre revers pour Sanchez.

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