Antoni Comin, Roger Torrent, Carles Puigdemont, et Lluis Puig , en janvier 2018

Mandats d’arrêt européens: la chambre du conseil de bruxelles se penche sur le sort de Puigdemont, Comin et Puig

La chambre du conseil de Bruxelles doit se pencher lundi sur les mandats d’arrêt européens (MAE) que l’Espagne a émis à l’encontre de l’ancien ministre-président catalan Carles Puigdemont et des deux anciens ministres catalans Toni Comin et Lluis Puig. La justice espagnole souhaite poursuivre les trois hommes pour leur rôle dans le référendum d’indépendance en Catalogne en octobre 2017. D’après leurs avocats, les trois politiciens ne peuvent pas être remis et Carles Puigdemont et Toni Comin jouissent d’une immunité parlementaire en tant que députés européens.

En raison de leur implication dans le référendum sur l’indépendance catalane du 1er octobre 2017, que le gouvernement espagnol n’avait pas autorisé, les trois hommes sont poursuivis avec d’autres politiciens catalans pour sédition, désobéissance et détournement d’argent du gouvernement. Ils résident en Belgique depuis fin 2017.

L’Espagne avait déjà précédemment émis des mandats d’arrêt européens à leur encontre mais ils avaient ensuite été retirés ou déclarés inapplicables. En octobre et novembre dernier, la justice espagnole avait ensuite récidivé après que la Cour suprême eût condamné douze séparatistes catalans pour leur rôle dans le référendum d’indépendance et la tentative de faire sécession de la Catalogne.

Puigdemont, Comin et Puig ont dès lors comparu devant un juge d’instruction de Bruxelles, qui les a libérés sous conditions. Lors des deux séances d’introduction devant la chambre du conseil, les 29 octobre et 15 novembre derniers, le parquet a demandé que les mandats d’arrêt européens soient déclarés exécutoires. Selon le procureur, les faits sont en effet également punissables en Belgique.

Un point de vue que ne partage pas la défense des trois politiciens catalans. « Il est disproportionné de les soupçonner de rébellion et de sédition », estime ainsi l’avocat Christophe Marchand. « Ils n’ont commis aucune infraction. Il y a beaucoup d’incertitude dans la demande de la justice espagnole, de mêmes faits sont soudainement présentés différemment. Nous avancerons notamment cela comme argument. »

La défense conteste également la double incrimination et affirme qu’il existe un risque de violation des droits de l’Homme. En 2005, le législateur espagnol n’a en outre plus rendu la tenue d’un référendum passible d’une peine d’emprisonnement, n’estimant pas démocratique d’en imposer dans un tel cas de figure, soutiennent les avocats.

Les conseils de Carles Puigdemont et Toni Comin rappeleront par ailleurs que tous deux jouissent d’une immunité en tant que parlementaires européens. On peut supposer que la défense demandera à la chambre du conseil de prendre en compte dans sa décision l’arrêt de la Cour de justice européenne concernant l’ancien vice-président catalan Oriol Junqueras.

Ce dernier a également été élu membre du Parlement européen le 26 mai dernier mais n’a pas pu y prendre place. Il se trouve dans une cellule espagnole pour sa participation au référendum sur l’indépendance et la Cour suprême espagnole n’a pas voulu le libérer en juin pour le laisser prêter serment d’allégeance à la constitution espagnole, une obligation faite aux députés européens de ce pays.

Oriol Junqueras avait fait appel de cette décision de la Cour suprême, invoquant son immunité en tant que député européen élu. L’affaire avait donc été renvoyée devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dont l’avocat-général a estimé que le mandat de parlementaire été valide. Maciej Szpunar avait ainsi conclu que seul le « vote des électeurs » est déterminant pour obtenir le mandat de parlementaire européen, un processus qui ne peut « être subordonné à l’accomplissement d’une quelconque formalité ».

Une éventuelle absence du député à la session parlementaire inaugurale n’empêche pas la validité de son mandat, ajoutait-il, ni le fait de n’avoir pas « accompli toutes les formalités exigées par le droit national ».

L’avocat général ne voyait pas de raisons pour lesquelles l’immunité ne pourrait pas s’appliquer déjà avant l’ouverture de la première session parlementaire suivant les élections. Dans ce cadre, « les autorités nationales (…) ont l’obligation de s’abstenir de toute mesure qui pourrait entraver les démarches » de l’élu « nécessaires à sa prise effective de fonctions et de suspendre les mesures déjà en cours, à moins d’avoir obtenu la levée de l’immunité par le Parlement », selon le raisonnement de M. Szpunar.

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