Yassine Atar, le frère d'Oussama Atar. © AFP

Les failles des services belges examinées: pourquoi le commanditaire des attentats avait-il un passeport belge?

Comment le commanditaire présumé des attentats du 13 novembre a-t-il pu bénéficier d’un passeport belge? C’est une des questions, sans réponse, posée jeudi au procès des attentats de Paris et Saint-Denis. Oussama Atar avait pourtant déjà été inculpé par un juge belge pour participation à une organisation terroriste.

« Pourquoi un passeport a-t-il été délivré à Oussama Atar en septembre 2013 » alors que ce « vétéran du djihad » avait été inculpé par un juge belge pour participation à une organisation terroriste en 2012, a demandé Gérard Chemla, un avocat des parties civiles, à l’enquêteur belge qui témoignait jeudi en visioconférence depuis Bruxelles.

Pour répondre, l’enquêteur est gêné. « Je n’appartiens pas au ministère des Affaires étrangères. Ce n’est pas moi qui délivre les passeports », se défend-il.

L’avocat général du parquet national antiterroriste est plus direct. « Certains disent que la police (belge) aurait voulu recruter Oussama Atar comme source d’information, comme informateur », dit-il.

L’enquêteur anonymisé sous le nom de code 447.761.902 affirme: « Je n’ai aucune information dans ce sens-là ». L’unité antiterroriste de police judiciaire fédérale belge « a fait son travail », se défend le policier qui renvoie vers la Sûreté de l’Etat, l’unique service civil de renseignement et de sécurité du royaume.

Pour Gérard Chemla, interrogé hors de la salle d’audience, les services de renseignement belges souhaitaient bien utiliser Atar comme « une source » au sein de l’EI.

Sauf que cela ne s’est pas passé comme ça. « Oussama Atar les a manipulés de façon évidente. Il organisait en Belgique son réseau local (…) et dès que ça a été prêt il est parti en Syrie d’où il a planifié les attentats », soutient l’avocat.

Un plan bien ficelé

Avec son passeport tout neuf, Oussama Atar ira en Tunisie en novembre 2013 où il sera interpellé et renvoyé en Belgique avant de se rendre le mois suivant en Syrie, via la Turquie, où il deviendra l' »émir » en charge des « opérations extérieures » de l’organisation Etat islamique (EI).

La veille de son départ en Syrie, Oussama Atar rendra visite en prison à son cousin Ibrahim Bakraoui, un petit délinquant qui deviendra le logisticien en chef, avec son frère Khalid, de la cellule chargée de préparer les attentats du 13 novembre. Pour le policier belge, Oussama Atar est « probablement à l’origine de la radicalisation » des frères Bakraoui.

Oussama Atar, probablement mort dans une frappe de la coalition, en zone irako-syrienne, en novembre 2017, est considéré comme « une légende » de l’Etat islamique. Il est notamment soupçonné d’être le « cerveau » des attentats du 13 novembre et des attentats de Bruxelles en mars 2016.

Sa mort n’ayant pas été officiellement confirmée, il est jugé en son absence. Dans le box, encore déserté par cinq accusés dont Salah Abdeslam, il y a son frère cadet Yassine Atar, jugé pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle et qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

De potentiel informateur à agent recruteur de l’EI

Oussama Atar, âgé de 31 ans en 2015, a effectué son premier séjour en Syrie en 2001. Ce premier voyage se fait avec Bassam Ayachi, une figure de l’islamisme belge. En 2003, Oussama Atar entreprend son deuxième voyage en Syrie. L’année suivante, il est en Irak pour combattre les forces de la coalition. Arrêté le 24 février 2005 par l’armée américaine, il est condamné à la prison à perpétuité avant que sa peine soit commuée à 10 ans d’emprisonnement.

Arguant de problèmes de santé, il est finalement libéré à la demande pressante des autorités belges, après avoir été détenu dans plusieurs prisons, dont celle d’Abou Ghraib, et revient dans le royaume en septembre 2012. Mis en examen en Belgique, il ne sera cependant pas mis sous surveillance et en profitera pour se transformer en agent recruteur de l’EI. Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos du 13 novembre, sera l’une de ses recrues.

Face à l’embarras de l’enquêteur, le président de la cour, Jean-Louis Périès, prend la parole: « Nous ne sommes pas là pour faire le procès de telle institution ou de tel service. Qu’il y ait eu des failles, des gens qui soient passés à travers les mailles du filet, malheureusement, c’est acquis depuis un moment. Nous ne sommes pas là pour donner de bons ou de mauvais points ».

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