Pour certains, il est étonnant que la réforme des Big Four n'ait pas été une priorité politique. © GETTY IMAGES

Les Big Four contraints de séparer leurs activités d’audit et de conseil en deux parties distinctes

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La réforme britannique des quatre géants de l’audit et du conseil fiscal va-t-elle traverser la Manche et inspirer le reste de l’Europe, Belgique compris ?

Il se passe quelque chose d’important dans l’univers de l’audit et du conseil fiscal au Royaume-Uni. Depuis le mois de juillet, les Big Four – à savoir les quatre géants PwC, Ernst&Young, KPMG et Deloitte – sont contraints de séparer leurs activités d’audit et de conseil. Ils ont jusqu’au 23 octobre prochain pour présenter au régulateur britannique du secteur (FRC) un plan de séparation qui entrera en vigueur en juin 2024. Cela n’en a pas l’air, mais il s’agit d’une vraie révolution dans le monde des affaires. Surtout dans le pays où, même avec le Brexit, la City de Londres reste le plus grand centre financier international.

Dans la plupart des Etats de l’Union européenne, 90% des sociétés cotées en Bourse sont clientes des Big Four. Même NewB, la nouvelle banque coopérative et éthique belge, y a recours, expliquant qu’elle n’a pu trouver un commissaire réviseur agréé, indépendant des Big Four, qui répondait aux exigences requises. Un cinquième des revenus de ces groupes qu’on surnomme aussi les Fat Four, vu leur position dominante, provient de l’audit et le reste des activités de conseil, essentiellement fiscal, qui se sont fort développées ces dernières années. On est là dans la cour des grands.

Principaux acteurs de l’industrie mondiale de l’évasion fiscale, les Big Four ont été épinglés pour le rôle qu’ils ont joué dans la plupart des leaks (du SwissLeaks au Paradise Papers), mais aussi dans des scandales nationaux retentissants dont celui du géant de la construction britannique BTP-Carillon qui a fait faillite en 2018 sans que KPMG, qui contrôlait ses comptes depuis des années, n’ait donné l’alerte. Ce scandale en particulier a créé un séisme outre-Manche. En annonçant sa décision de scinder les Big Four, le régulateur britannique a rappelé que l’objectif est que les conseils dispensés aux entreprises, grassement rétribués, ne puissent plus influer sur le jugement des auditeurs qui pourraient se sentir redevables envers le client.

Créer une dynamique

« La division des activités n’est qu’une première étape vers un retour à la confiance au Royaume-Uni », a déclaré le patron britannique de KPMG. D’autres réformes sont attendues. Mais feront-elles boule de neige au sein de l’Union européenne et en Belgique, où les Big Four sont très présents ? « Cela peut créer une dynamique, d’autant que le Royaume-Uni n’est pas un pays périphérique, mais le berceau du problème en matière d’audit », estime Arnaud Zacharie du CNCD (Centre national de coopération au développement), qui suit de près les Big Four.

Séparer les activités de conseil de celles de l’audit semble une évidence depuis de nombreuses années. Il est même étonnant, voire curieux, que cela n’ait pas été une priorité politique, alors qu’on connaît, surtout depuis les leaks très médiatisés, le rôle des Big Four dans l’évasion fiscale, notamment des multinationales. « Mais ces quatre géants sont tentaculaires et très présents, y compris dans les audits de services publics, analyse Arnaud Zacharie. Les Etats sont de très bons clients des Big Four, ce qui explique peut-être le manque de volonté. » La Commission européenne elle-même leur verse des dizaines de millions d’euros chaque année pour qu’ils lui prodiguent des conseils en matière de… politique fiscale.

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