Le 19 octobre dernier, Michel Houellebecq reçoit, à Bruxelles, le premier prix de la société Oswald Spengler. © NICOLAS BAYGERT

Le déclin selon Michel Houellebecq

La démographie et la religion sont les deux inconnues qui, selon l’auteur de Soumission, déterminent la trajectoire occidentale. Stop ou encore ?

Bronzé et reposé, sa veste ornée d’une grande décoration autrichienne en forme de croix, sa cravate en soie bouffante, Michel Houellebecq est apparu à Bruxelles, avec son épouse chinoise, pour recevoir, le 19 octobre dernier, le premier prix de la société Oswald Spengler, auteur du Déclin de l’Occident (1918). Il était attendu comme un oracle, sa conférence finement ouvragée. L’Occident est en phase descendante, mais l’écrivain français le plus connu de sa génération arrive à cette conclusion par un autre chemin que l’historien allemand (Le Vif/L’Express du 11 octobre dernier).

Pendant ses études d’ingénieur agronome, Houellebecq a été l’élève du professeur Georges Valdeyron, spécialiste de la génétique des populations et selon lequel, contrairement à ce que soutient Darwin, ce n’est pas le mâle le plus fort de l’espèce qui l’emporte dans la lutte pour la vie, mais celui qui a le mieux assuré sa descendance.  » Il n’est pas surprenant que la sexualité joue un grand rôle dans mes livres, glisse Houellebecq, parce que c’est en effet un sujet très important.  » Dans le règne animal, surtout chez les carnivores,  » les comportements de solidarité et d’altruisme deviennent des atouts sélectifs forts pour l’ensemble du groupe « . Le loup prend soin de ses aînés.  » Mon libéralisme a toujours été sujet à caution « , admet le conférencier. Le meilleur moyen de gagner une compétition, c’est d’y échapper.  » Un auteur qui survit, c’est un auteur qui écrit des livres que personne d’autre ne peut écrire.  »

Un auteur qui survit, c’est un auteur qui écrit des livres que personne d’autre ne peut écrire.

Sur le podium de ses  » influenceurs « , Houellebecq nomme Schopenhauer et Auguste Comte. Schopenhauer, de tous, celui qu’il a le plus de plaisir à lire et qui  » au fond, ne croit pas à l’histoire, car l’homme reste le même au fil des millénaires « . Quant à Auguste Comte, il lui sait gré d’avoir souligné le pouvoir de la religion sur le comportement de l’être humain. Et, donc, du point de vue démographique aussi bien que religieux,  » l’Occident est dans un état de déclin très avancé « .  » Bizarrement, pirouette Houellebecq, je suis plus optimiste que Spengler, plus incertain, c’est-à-dire au fond plus optimiste.  »

Car le voilà qui tire sa carte maîtresse, forcément démographique. Et religieuse. Le baby boom a commencé en 1942, une des pires années de l’histoire de France, et il a décliné à partir de 1965, quand la France n’avait peut-être jamais été aussi optimiste. Faire des enfants revenait à lancer des dés,  » alors qu’on est persuadé que la partie est perdue « . Son autre joker est la religion. A la fin du xixe siècle et au début du xxe, l’islam des élites était en voie de sécularisation pour devenir ce qu’il est aujourd’hui.  » Qui peut dire que cela ne se produira pas avec le christianisme ? Un catholique authentique dirait : au dernier moment, Dieu nous suscitera des saints « , ajoute-t-il. Et d’en terminer avec une citation libre de Dostoïevski :  » L’histoire universelle est tout ce qu’on veut, sauf raisonnable ; et cela vient de ce que l’être humain est tout ce qu’on veut, sauf un être raisonnable.  » Le public est charmé. Dans Houellebecq, l’art de la consolation (Stock, 2018), Agathe Novak-Lechevalier croit savoir pourquoi : l’écrivain nous console de ce que nous avons perdu.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire