Estrémadure © Getty

L’Estrémadure, région oubliée et la plus pauvre d’Espagne

Le Vif

En bord de voie ferrée, Villafranca de los Barros paraît une oasis de prospérité avec ses trois usines. Mais faute de train, elles exportent leur production par camion. L’Estrémadure, la région la plus pauvre d’Espagne, est aussi la plus mal desservie par le train.

Dressée au milieu de vignobles survolés par les cigognes, Villafranca surprend, elle dépend plus de l’industrie que de l’agriculture. Alors que l’Estrémadure se dépeuple, elle maintient sa population de 13.000 habitants, grâce à une fabrique de bouteilles, une usine de recyclage d’aluminium et une fabrique de « planchas ».

Mais là aussi, « les trains sont lents et rares », explique Joaquin Rodriguez, premier adjoint au maire de cette ville blanche du sud de la région qui s’étend entre le Portugal à l’ouest, la Castille et l’Andalousie à l’est.

– « Un train digne » –

Le train est la première revendication des Estrémègnes à l’approche des élections législatives du 28 avril. Le réseau espagnol de trains à grande vitesse, le plus dense d’Europe, ignore superbement l’Estrémadure.

Les trains qui relient à Madrid les deux capitales provinciales, Badajoz au sud et Caceres au nord, sont vétustes et tombent fréquemment en panne. Et ils sont chers, souligne Juan Carlos Lopez Duque, porte-parole de l’association Milana bonita qui milite pour « un train digne ».

« C’est moins cher », dit-il, de prendre l’avion « pour les îles Canaries », un archipel espagnol situé à 1.200 km au sud de la péninsule.

En 2020, la région sera desservie par des trains hybrides, a promis le ministre sortant de l’Infrastructure, le socialiste José Luis Abalos. Ces trains peuvent monter jusqu’à 200 km/heure et fonctionnent à l’électricité et au diesel, là où la ligne n’est pas électrifiée, comme en Estrémadure.

– Négligée sous la dictature –

La région a été négligée pendant la dictature de Francisco Franco (1939-1975), souligne Cesar Ramos Esteban, député socialiste de Caceres, au sortir d’un débat sur l’avenir du train.

44 ans plus tard, malgré les aides de l’Etat et de l’UE, l’Estrémadure reste une région essentiellement agricole, la moins développée d’Espagne avec le PIB par habitant le plus bas et le taux de chômage le plus élevé (23,1% contre 14,4% au niveau national).

Ses pâturages, survolés par les aigles et les milans, nourrissent les porcs dont on fait le meilleur « jamon ibérico ». Les plaines du sud en font la première productrice de tomates du pays.

La priorité des gouvernements régionaux successifs, presque tous socialistes, a été de s’assurer que tous aient accès aux services publics où qu’ils vivent et qu’aucun village ne meure, explique le député.

Estrémadure
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Ainsi, à Casas de Don Antonio, à 40 km au sud de Caceres, des centaines de maisons blanches escaladent la colline pour se serrer autour de l’église. Ce gros village pimpant ne compte plus que 85 habitants.

Mais il a un médecin, une infirmière et un dépôt de médicaments, explique Pedro Macarino, 82 ans, qui joue aux cartes avec trois autres retraités dans l’unique café-magasin du bourg.

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L’Estrémadure a ouvert deux universités. Il y a 15 ans, elle a été la première région d’Europe à disposer d’un ordinateur pour deux élèves de secondaire, dit fièrement César Ramos.

« Nous étions partis les derniers, nous sommes toujours les derniers, mais nous rattrapons le retard », assure le député.

Elle a formé plus d’étudiants que jamais mais n’a pas toujours pas le tissu industriel pour les retenir, reconnaît-il. La région compte un million d’habitants et 700.000 autres à l’extérieur.

– Terre d’émigration –

L’Estrémadure a toujours été terre d’émigration. De là sont partis Hernan Cortes et Francisco Pizarro pour conquérir le Mexique et le Pérou. 37 natifs de Villafranca ont participé aux conquêtes du Nouveau Monde.

Et pendant longtemps, le terme d’émigrants en Espagne désignait notamment les Estrémègnes partant vers les régions riches du Pays basque et de la Catalogne.

« Tu peux étudier ce que tu veux, c’est très difficile de trouver un emploi ». Diplômé en électromécanique, Alvaro Crisolino, 34 ans, a vécu d’emplois précaires pendant cinq ans avant de quitter sa ville de Coria, à 60 km au nord de Caceres, pour aller travailler en usine à Madrid.

« Nous étions 26 à l’école. Cinq seulement d’entre nous sont restés en Estrémadure », dit-il. « Les autres sont partis pour l’Allemagne, le Pays Basque, Madrid ou Barcelone ».

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