Avec l'ascension de Santiago Abascal, l'Espagne n'est plus une exception dans une Europe gagnée par le populisme. © S. VERA/REUTERS

« Ce macho qui déstabilise la droite » : qui est le leader du parti extrémiste espagnol Vox, Santiago Abascal ?

Le Vif

A deux semaines des législatives, le chef de la formation d’extrême droite Vox, Santiago Abascal, inconnu ou presque il y a un an, occupe le devant de la scène médiatique.

Une campagne virile. A deux semaines des élections législatives anticipées, Santiago Abascal défie tout le spectre politique espagnol. Au lancer de banderilles, nul n’est épargné par le dirigeant de la formation d’extrême droite Vox :  » Que les poltrons votent pour la petite droite froussarde et les braves pour le parti courageux.  » Un message qui incite les électeurs conservateurs à choisir sa formation et à délaisser le Parti populaire (PP).

Ce dernier, craignant que la division de la droite ne favorise le Parti socialiste, avait invité Vox à renoncer à présenter des candidats dans les petites circonscriptions. Mal lui en a pris : c’est dans l’une de celles-ci, à Ciudad Real (Castille), qu’Abascal a tenu l’un de ses premiers meetings de campagne, le 23 mars.

Sentant le danger monter, l’ancien chef du gouvernement José María Aznar, tuteur de l’aile droite du PP, est sorti de sa réserve, le 27 mars :  » Personne ne me parle face à face de petite droite froussarde « , a-t-il tonné.

Quasi inconnu en Espagne il y a un an, le leader de Vox a réussi le tour de force d’occuper le devant de la scène politique en l’espace de quelques mois seulement. En 2014, son groupuscule n’avait recueilli que 1,56 % aux élections européennes, puis 0,20 % deux ans après aux législatives. La surprise est venue en octobre dernier, quand Abascal a déplacé plus de 9 000 personnes dans la salle de concerts de Vistalegre, à Madrid.

Entre-temps, le réveil du nationalisme espagnol, stimulé par la crise catalane et la hausse des arrivées de migrants, a changé la donne. Deux mois après, sa formation remportait 11 % des voix et douze sièges au parlement régional d’Andalousie. Le soutien de son parti à l’alliance du PP et de Ciudadanos (centre droit) a mis fin à trente-six ans de règne socialiste dans la région méridionale. Désormais, Vox est crédité de 9 à 12 % aux législatives anticipées du 28 avril. L’Espagne a cessé d’être une exception dans une Europe gagnée par le populisme.

Transfuge du PP, jugé trop « modéré »

A 42 ans, la carrière politique de Santiago Abascal Conde aurait pu prendre une autre tournure. Fils et petit-fils de dirigeants du PP de la province d’Alava, au Pays basque, il est encarté dès l’âge de 18 ans dans cette formation. Conseiller municipal de la bourgade de Laudio à 23 ans, il grimpe peu à peu les échelons : membre de l’exécutif du PP basque de 2000 à 2013, il est élu au parlement régional de 2004 à 2009. Mis sur la touche dans le cadre d’une querelle interne du parti défavorable à l’aile droite, qu’il soutient, il quitte sa région natale pour la capitale espagnole en 2009.

La  » dame de fer  » Esperanza Aguirre, présidente de la Communauté autonome de Madrid, le prend sous son aile à cette époque, et le nomme à la tête de deux officines publiques : l’Agence de protection de données et la Fondation pour le mécénat et le parrainage social.

Exaspéré par la ligne, trop modérée à son goût, du président du gouvernement Mariano Rajoy, Abascal abandonne le PP en novembre 2013, et fonde Vox avec d’autres transfuges du parti au pouvoir.

Pour se distinguer, il a fait le choix de la provocation. Ponctuant ses interventions de patriotiques  » ¡Viva España! « , il dénonce le  » féminisme suprémaciste « , réclame la suppression du droit à l’avortement, celle des quotas sur les listes électorales ou de la loi contre la violence de genre. S’il était au pouvoir, Abascal supprimerait le ministère de la Culture et les subventions au cinéma, à l’exception des films qui  » encouragent le patriotisme « .

Pourfendeur des  » putschistes  » poursuivis en justice pour avoir proclamé l’indépendance de la Catalogne à l’automne 2017, il prône l’interdiction des partis séparatistes et la recentralisation du pays. Abascal réclame aussi la déportation des immigrés sans papiers et ferraille contre l’islamisation de l’Europe :  » L’Espagne s’est construite contre l’Islam, par la Reconquête « , claironne-t-il.

Fier de son arme, un Smith & Wesson

Sa dernière polémique en date ? En défenseur acharné des chasseurs, il accorde, le 19 mars, une interview au site Armas.es, dans laquelle il soutient le droit des Espagnols à posséder une arme. Lui-même détenteur d’un port d’arme, il se vante de toujours avoir un Smith & Wesson sur lui. Un temps  » pour protéger son père, menacé par l’ETA, désormais pour ses enfants « .

Aux médias traditionnels, l’athlétique barbu aux yeux clairs préfère les réseaux sociaux, où il affiche son amour pour la nature et la randonnée, seul ou avec l’un de ses quatre enfants. Sur son profil Instagram, Abascal affectionne les drapeaux espagnols, les poses viriles – à cheval, au pas de course ou en compagnie d’un torero, tradition hispanique qu’il défend face aux partisans de son interdiction.

Sa nouvelle notoriété se constate dans les sondages aussi bien que sur Internet. Avec 188 000 abonnés sur Instagram, il a dépassé, en quelques semaines, son rival Albert Rivera, patron de Ciudadanos (161 000), mais également sa deuxième épouse, Lidia Bedman, une influenceuse qui distille à 133 000 followers des clichés de mode sponsorisés, les vidéos de ses séances de gym ou encore les images de son récent mariage.

Objet de l’attention de tous, Abascal déroute ses rivaux à droite. Juste après le succès inattendu du meeting de Vistalegre, en octobre dernier, Vox interrogeait plus qu’il n’inquiétait. Aznar voyait alors en lui  » un garçon plein de qualités « . Sa rapide progression dans les sondages au détriment du PP et de Ciudadanos explique sans doute le retour en force de l’ancien chef du gouvernement, figure tutélaire des conservateurs espagnols, bien décidé à ramener au bercail les électeurs égarés. Le macho basque fera-t-il le poids ?

Par Catherine Gouëset.

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