Thierry Fiorilli

C’est comme le fil de Rebecca Manzoni, par Thierry Fiorilli (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Elle raconte des chansons. Leur époque, ce qui en résonne maintenant, des racines, des exils, des réconciliations, des envols et des naufrages.

Il y a sa voix. Entre un peu essoufflée et comme on gante une main, pas parce qu’on a froid mais parce que c’est joli, l’étoffe et la couleur. Avec dedans, saupoudrés, de petits graviers, qui crissent doucement. Une voix à feu doux. Un fil d’or sur de la soie. Qui fait qu’on redresse la tête, que ça permet de regarder plus loin, alors on ouvre les fenêtres. Et on sourit. Il y a ses textes aussi. On voit et on sent par l’ouïe, à travers la couture des mots. Ce sont toujours des histoires. Parfois les nôtres. Ça parle toujours d’hier, mais pour dire beaucoup d’aujourd’hui.

Sur France Inter, tous les matins, à 7 h 22, avec Tube N Co, en 4 minutes 30, et tous les samedis, de 11 heures à midi, avec Pop N Co, Rebecca Manzoni raconte des chansons. Leurs interprètes, leurs producteurs, leur époque, ce qui en résonne maintenant, les sons, les harmonies, les looks, ce que ça représente et pour qui, des racines, des exils, des réconciliations, des envols et des naufrages. On y croise Dalida, The Clash, Nougaro, Delgrès, Massive Attack, Amy Winehouse, Miossec, les Stones, Yael Naim, IAM, Christophe, Ashes to Ashes, Ya Rayah, Le Soleil donne, Sarà perchè ti amo, Catherine Ringer qui fait les trompettes de Bach, Simon Le Saint et Arno qui disent pourquoi Abba semblait ringard mais en fait c’est incroyablement bon… On passe des slows, quand ils sonnaient l’éveil des sens, à la coulisse de Feu! Chatterton, de comment la musique d’Ennio Morricone se retrouve dans celle des Limiñanas à un café en studio avec Woodkid pour assister à ses jonglages sonores.

Elle raconte des chansons. Leur époque, ce qui en résonne maintenant, des racines, des exils, des réconciliations, des envols et des naufrages.

Elle joue elle aussi avec les pistes, éliminant ou rajoutant pour qu’on prenne la mesure, qu’on débusque, elle dissèque les chansons en mode dentellière, elle fait popopom, elle freddymercurise une phrase, elle se déhanche derrière le micro, elle a des formules qui sont des ciels d’ Australie mais elle dit aussi ouais, ouais, elle allonge les ailes de ce qu’on ne pensait que bluette, elle rit, c’est très documenté mais on dirait que les chaussettes et les bouquins sont rangés dans un même tiroir, les unes dépareillées et les autres avec des post-it qui dépassent (de pages écornées, en plus), mais c’est très scénarisé, avec des fois des épines sur les rais de soleil se faufilant entre les volets, pas de moqueries, sauf sur elle – en quittant Vladimir Cosma et sa recette de Reality, pour La Boum et un succès planétaire, alors qu’il n’y connaissait rien dans ce registre-là, elle lance « Merci encore, au revoir Vladimir! » et on l’entend qui chuchote devant la porte refermée « Mince, j’ai dit Vladimir à Vladimir Cosma, bon, je la refais: Merci encore, au revoir Monsieur Cosma… ».

Elle termine toujours par « Souriez, c’est lundi! », ou mardi, et comme ça jusqu’au samedi. Et, même si ses histoires racontent aussi des gens, des moments et des espoirs qu’on a perdus, et qui manquent, si elles disent aussi, mine de rien, un passé pas toujours reluisant et un présent qui ne l’est pas davantage, oui, on sourit. Et on fredonne. Et la route se fait fil d’or sur de la soie.

Souriez, c'est Manzoni!
Souriez, c’est Manzoni!

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