En cas de no deal, un passeport international pour se rendre au Royaume-Uni (ici, Londres) sera probablement nécéssaire. © TOLGA AKMEN/belgaimage

Brexit: quelles conséquences sur les citytrips, le shopping, les affaires?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Séparation à l’amiable ou bloody divorce, la relation avec nos amis anglais ne sera plus la même. Quelles conséquences sur les citytrips, le shopping sur place ou en ligne, les séjours Erasmus+, les affaires ? First preview.

John Lennon doit se retourner dans sa tombe, lui qui chantait  » imagine there’s no countries « … Les amoureux de la grande île, nombreux en Belgique, vont-ils encore pouvoir vivre leur passion pour la patrie des Beatles et des biscuits Walkers au gingembre ? Oui. Mais avec moins de liberté. Car, après le Brexit, plus rien ne sera comme avant. The rules will change. Inévitablement. Voyager, acheter, loger, étudier, travailler en Grande-Bretagne sera plus compliqué. Compliqué comment ? La réponse dépend de la manière dont le Brexit sera négocié (ou pas) avec l’Union européenne. Cas de figure.

J’envisage un city-trip à Liverpool ou à Glasgow

Pourrai-je encore voyager facilement ? Le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, nous étions déjà contrôlés aux frontières. Mais une simple carte d’identité suffisait et suffit encore pour qu’un ressortissant de l’UE mette le pied sur la terre de Lewis Carroll et des Sex Pistols. Dans l’hypothèse où le Brexit ferait l’objet d’un accord, cette règle ne changera pas, au moins jusqu’au 31 décembre prochain, soit durant la période de transition, et sans doute pendant au moins cinq ans après cette phase tampon. Cela dépendra du contenu de l’accord avec l’UE. En cas de no deal, en revanche, les choses se corseront. Un passeport international sera alors probablement exigé à partir du 1er janvier 2021. Il ne faudra néanmoins pas de visa d’entrée pour les citoyens UE – ce serait un casus belli avec le reste du continent – en tout cas pas pour un court séjour (moins de trois mois).

Voyager, acheter, loger, étudier , travailler en grande-bretagne sera plus compliqué.

Le passage au contrôle frontalier sera-t-il plus hard ? Pas au début, du moins s’il y a accord. Ensuite, on peut déjà prédire que le contrôle sera renforcé à la frontière de l’Union européenne dont les Britanniques ne feront plus partie. Cela pourra allonger l’attente également pour les Belges qui reviennent de leur city-trip. Quant aux moyens de transport, la liaison Eurostar continuera de fonctionner normalement, même si la compagnie devra introduire une demande de licence en cas de non-accord. Idem pour les compagnies aériennes britanniques. Elles pourraient cependant adapter leur offre de vols. Pour voyager en voiture, rien ne devrait changer au niveau du permis ni de la carte verte d’assurance internationale, d’ailleurs valable pour les pays non membres de l’Union, comme la Suisse par exemple.

L’utilisation du gsm pourrait coûter plus cher car les tarifs de roaming de l’UE ne seront plus d’application outre-Manche. Certains opérateurs continentaux promettent toutefois que le prix d’une communication depuis le sol anglais ne changera pas. A voir en fonction des accords qui se concluront entre opérateurs des deux côtés du Channel. Même chose pour les cartes bancaires dont l’usage ne sera plus soumis aux plafonds tarifaires de l’Union. Il ne faudra cependant pas faire débloquer sa Maestro chaque fois qu’on se rend en Grande-Bretagne. Enfin, on ne sait pas encore si les conditions pour voyager avec Milou ou Minou changeront après le Brexit. Chaque année, plus de 300 000 animaux de compagnie quittent l’Europe pour aller renifler le fog anglais. Les règles sanitaires pourraient se durcir. A moins que les Corgis d’Elizabeth II et le Jack Russel de Boris Johnson n’aboient en faveur de leurs cousins continentaux…

En l'absence de deal, le Royaume-Uni a annoncé qu'il prévoirait un visa spécifique pour les citoyens européens et suisses qui veulent venir vivre, étudier ou travailler sur le territoire.
En l’absence de deal, le Royaume-Uni a annoncé qu’il prévoirait un visa spécifique pour les citoyens européens et suisses qui veulent venir vivre, étudier ou travailler sur le territoire.© Oli Scarff/getty images

Je rêve de shopping à Londres

Que pourrai-je désormais emmener et ramener sans payer de droits de douane ? Encore une fois, cela dépendra de la manière dont Londres décidera de rompre les ponts avec l’Union. S’il y a deal, rien ne changera pendant la phase transitoire, soit jusque fin 2020. Ensuite, ce sera fonction des négociations. Dans le scénario du no deal, la libre circulation des marchandises sera supprimée. La douane devrait faire payer des droits d’importation au-delà de certains montants d’achat. Seule consolation, surtout pour les amateurs de bons whiskys écossais, le duty free fera un come-back dans les aéroports britanniques et à l’entrée du tunnel sous la Manche, pour des quantités limitées d’alcool et de cigarettes.

Les amateurs de cheddar et de breakfast sausages seront déçus. Ils ne pourront plus transporter de produits alimentaires végétaux et animaux dans leurs bagages, certainement en cas de Brexit dur. Les douanes contrôleront valises et sacs à dos. Par ailleurs, il faudra être vigilant sur la sécurité des produits – jouets, articles électroniques – achetés sur le marché britannique, car celle-ci ne dépendra plus des règles européennes (marquage CE), mais des normes que fixera le Royaume-Uni, sauf négociations en sens contraire avec l’Union. Ce sera la même chose pour les ventes en ligne de colis dont les délais de livraison pourraient, en outre, s’allonger en raison des procédures douanières plus rigoureuses. Mais rien ne devrait changer pour la garantie de deux ans ou la période de réflexion de quatorze jours. La protection du consommateur sera préservée. En cas de litige, il sera néanmoins plus compliqué de faire valoir ses droits.

Je veux suivre des cours à Oxford ou à Cambridge

Encore possible après le Brexit ? Il est trop tôt pour le dire. Cependant, le 8 janvier, les députés de la Chambre des Communes ont voté, avec une confortable majorité, contre un amendement au projet de sortie, la New Clause 10, qui aurait obligé le gouvernement de Boris Johnson à négocier avec l’UE pour maintenir la participation britannique à Erasmus+. C’est un signe a priori négatif. Chaque année, la Grande-Bretagne accueille plus de 30 000 étudiants européens dans ses prestigieux collèges et universités. Elle en envoie près de 15 000 hors de ses frontières. Chez les students belges, c’est la troisième destination la plus prisée. Ce serait un vrai gâchis de mettre fin à ce troc éducationnel dont les vertus d’ouverture sur le monde ne sont plus à vanter.

La belgique sera l’un des pays européens les plus impactés par le brexit.

Pour les étudiants qui sont actuellement en Erasmus outre-Manche, rien ne changera d’ici à fin 2020. Au-delà de cette date, c’est l’incertitude, notamment pour des raisons de gros sous. Car, si le Royaume-Uni veut se maintenir dans Erasmus+ qui est financé par l’UE, il devra passer à la caisse, comme d’autres pays non membres de l’Union (Norvège, Macédoine, Liechtenstein…) le font. Il pourrait aussi envisager un accord bilatéral avec l’UE qui tiendrait davantage compte des intérêts britanniques, à l’instar du Swiss-European Mobility Program . Négocié par les Helvètes en 2014, celui-ci permet aux étudiants suisses d’essaimer en Europe quasi au même prix qu’Erasmus. Il y a peu encore, l’accord bilatéral semblait privilégié par les élus british du Parlement européen.

Je voudrais m’installer dans le Devon ou le Galloway

Cela sera-t-il plus ardu, vu que la libre circulation des citoyens UE n’y sera plus d’application ? Oui, mais pas tout de suite. Vous rêvez d’acheter un cottage à colombages à Stratford-upon-Avon, au sud de Birmingham, ou le long de la Tamise à Weybridge, à quelques miles de Londres, pour y vivre ? Hurry up ! Pour s’établir dans le pays, il faut obtenir un settled status. En cas d’accord avec l’UE, les Belges et autres Européens qui emménageront en Grande-Bretagne avant la fin de 2020, soit pendant la période de transition, devraient y demeurer sans problème jusqu’au 30 juin 2021, pour autant qu’ils aient demandé le pre-settled status, et au-delà de cette date, si celui-ci est accepté.

En l’absence de deal, tout dépendra des autorités britanniques. Tant la Belgique que l’UE veulent préserver des liens étroits avec le Royaume-Uni. Lequel a annoncé, de son côté, qu’il prévoirait alors un visa spécifique pour les citoyens européens et suisses qui veulent venir vivre, étudier ou travailler sur le territoire UK, y compris avec leur famille : le European Temporary Leave to Temain (Euro TLR). Ce visa, gratuit, devra être demandé avant fin 2020. Il couvrira une durée de trente-six mois au-delà laquelle il faudra renouveler la demande de visa. L’Euro de TLR est prévu, par le gouvernement britannique, comme  » a bridge into the new immigration system « . Temporaire, donc.

A partir de janvier 2021, le Royaume-Uni pourra appliquer des changements substantiels sur les questions migratoires qui sont, depuis le départ, au coeur des revendications des Brexiteers. Cela concernera aussi ceux qui y sont installés depuis belle lurette. En effet, Londres a déclaré vouloir donner aux citoyens de l’UE vivant en Grande-Bretagne l’assurance qu’ils pourront rester même en cas de no deal, mais cela ne se fera pas sans accomplir de lourdes formalités.

Je compte (encore) vendre des chemises ou de la mayonnaise aux Anglais

Possible ? La Belgique sera l’un des pays européens les plus impactés par le Brexit, sur le plan économique. Près de 10 000 entreprises belges ont des relations commerciales avec le Royaume-Uni. Nos exportations vers l’Albion représentent plus de 30 milliards d’euros, le secteur textile en tête. Il est évident que les règles douanières entre nos deux pays vont changer. Dans quelles proportions ? Encore une fois, cela dépendra des négociations avec l’Europe des Vingt-Sept. Un Brexit dur verra  » les relations commerciales avec le Royaume-Uni régies par les règles générales de l’OMC, sans application de préférences « , a déjà prévenu la Commission européenne.

Certaines marchandises, notamment dans le secteur agro-alimentaire, ne pourraient même plus traverser la Manche. Les contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS) seront, eux aussi, renforcés, sauf en cas de reconnaissance mutuelle des systèmes SPS. C’est envisagé mais pas certain. De toute façon, même un retrait soft des Britanniques aura des conséquences sur la paperasse à remplir par les sociétés exportatrices du continent. Pour avoir un premier aperçu, les entrepreneurs belges peuvent tester les conséquences du Brexit sur leur business en réalisant anonymement le Brexit Impact Scan sur le site du SPF Economie.

Il est, en tout cas, plus que temps de commencer à se renseigner pour se préparer au mieux aux deux scénarios, tant pour la validité des contrats que pour la protection des données, les règles de sécurité sociale ou les conditions d’emploi de salariés britanniques sur le sol belge. Pour tout cela, il faut contacter le SPF Economie et, surtout, les différentes fédérations d’entreprises belges qui travaillent en étroite collaboration avec le Brexit High Level Group , mis en place dès 2016 par le ministre de l’Economie Kris Peeters et présidé par l’ancien patron de Bekaert, Paul Buysse. Un entrepreneur averti…

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