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3 questions à Philippe Gautier, professeur en droit de la mer à l’UCLouvain

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Philippe Gautier est professeur en droit de la mer à l’UCLouvain. Il nous explique la législation dans le cas de personnes en détresse en mer.

Comment est régi le droit de la mer dans le cas de personnes en détresse ?

En droit de la mer, le traité qui sert de référence est la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cette convention, adoptée en 1982, lie 168 états y compris l’Union européenne. Elle définit l’utilisation des mers et des océans. Y sont inscrites notamment des dispositions concernant le régime des différents espaces maritimes (mer territoriale, zone économique exclusive, plateau continental, …), la réglementation des pêcheries, la protection de l’environnement marin, ou encore, l’exploitation des grands fonds marins au-delà des limites de la juridiction nationale.

C’est l’article 98 qui nous intéresse ici. Il y est dit que tout Etat exige du capitaine d’un navire battant son pavillon qu’il prête assistance à quiconque est en péril en mer et qu’il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s’il est informé qu’elles ont besoin d’assistance. Cette règle lie sur le plan du droit international tous les États partis à la Convention et son caractère obligatoire n’est pas contestable. Le devoir d’assistance en mer est également une règle coutumière, qui est aussi ancienne que l’utilisation de la mer par l’homme. Tous les capitaines de navires la connaissent.

L’idée qui en découle logiquement est qu’un État ne peut pas accuser un autre État ou le capitaine d’un navire qui bat le pavillon de cet Etat d’avoir porté assistance à une personne en détresse, car la non-assistance à une personne en danger en mer constituerait la violation d’une règle de droit international.

Des migrants secourus au large de la Libye.
Des migrants secourus au large de la Libye.© Reuters

Cette convention est-elle toujours applicable dans le contexte actuel de crise migratoire ?

En réponse à cette question, il faut sans doute préciser que la convention sur le droit de la mer n’a pas été rédigée dans un contexte où l’on avait prévu de tels drames et un nombre de personnes visées aussi important. La règle n’en reste pas moins applicable. Il est possible que certains États invoquent d’autres règles du droit international en insistant sur l’obligation des Etats de veiller à éviter d’amplifier ce phénomène, par exemple en agissant contre ceux qui se livrent à du trafic d’êtres humains. Mais, si l’on s’en tient au droit de la mer, la règle est limpide et lie les États.

L’article 98 impose également de mettre en place des plans d’assistance aux personnes en détresse, cela se fait sur la base de conventions de l’OMI, l’Organisation Maritime Internationale. La convention sur la recherche et le sauvetage en mer, SAR (Search and Rescue) de 1979 coordonne les activités de recherche. Elle ne vise pas seulement les réfugiés, mais toute personne en détresse en mer. Une autre convention pertinente est la convention SOLAS (Safety of Life at Sea) de 1974 sur la sauvegarde de la vie en mer.

Et au-delà du sauvetage, quelles sont les règles en vigueur ?

La question connexe est celle de savoir ce qui se passe après que les personnes ont été secourues. Là, on quitte le champ du droit international de la mer. L’accès à un port n’est pas un droit garanti en droit international sauf en cas de danger pour la vie des personnes à bord. Il faut dans ce cas une situation d’urgence, par exemple un besoin urgent d’aide médicale. La question suivante est celle du débarquement des personnes. Sur ce point, le droit de la mer n’énonce pas de règles bien précises. On entre dans des questions relatives au droit des réfugiés. Il faut alors traiter le cas des personnes qui débarquent et vérifier si elles répondent aux conditions de réfugiés.

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