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Une énorme marée noire flotte en Méditerranée

Le Vif

Une gigantesque marée noire flotte en Méditerranée depuis plusieurs jours et fait peser une menace sur de nombreux pays. D’où vient-elle et qu’est-ce que cinquante ans de catastrophes pétrolières nous ont appris ?

L’énorme nappe de pétrole, on parle de 20.000 tonnes, flotte depuis plusieurs jours dans la Méditerranée. Elle provient d’une raffinerie située dans la ville syrienne de Banias, ville côtière syrienne située à quelque 160 kilomètres de l’île de Chypre, où une fuite s’est produite la semaine dernière. Le ministre de l’Electricité syrien a annoncé qu’entre deux et quatre tonnes de fioul s’étaient échappées de la centrale.

Une énorme marée noire flotte en Méditerranée
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Sur les médias sociaux, on peut voir comment le pétrole a déjà recouvert de noir la côte qui borde la ville syrienne de Jableh. Le pétrole a ensuite dérivé sur la péninsule de Karpas et se dirigeait vers le nord de Chypre. Le vent et les marées ont depuis dévié sa course et l’île semble avoir été épargnée. Mais le danger n’est pas encore écarté pour autant puisque si les vents changent, la nappe pourrait tout de même atteindre l’île.

La nappe pourrait aussi atteindre la côte sud de la Turquie qui a envoyé des équipes et des navires d’intervention, selon le vice-président turc Fuat Oktay. Et si la nappe ne touche pas les côtes, elle provoque déjà un désastre total pour l’écosystème marin puisque le pétrole est en train de durcir avant de couler vers les fonds marins. Un triste constat qui n’est hélas pas nouveau puisque depuis 50 ans de nombreuses catastrophes pétrolières ont détruit de nombreux écosystèmes. Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Exxon Valdez, Erika..sont autant de taches noires indélébiles dans nos mémoires, mais qui ont aussi réveillé les consciences écologiques et font émerger des législations environnementales.

L’Amoco Cadiz, la plus emblématique

Ainsi l’Amoco Cadiz en 1978, qui est l’une des pires marées noires de l’histoire et l’une des plus emblématiques va jouer un rôle catalyseur dans la prise de conscience environnementale. Pour la première fois, une société pétrolière ayant affrété un tanker qui s’est échoué est contrainte par la justice à payer les conséquences du désastre. Le principe du pollueur-payeur est né. Cette jurisprudence est appliquée depuis, après chaque marée noire, partout dans le monde. Dans le cas de l’Amoco Cadiz, après quatorze ans de procès, les indemnités dues à l’Etat français et aux nonante communes bretonnes se sont chiffrées à 194 millions d’euros. Les dégâts pour l’ostréiculture, la pêche ou la conchyliculture seront aussi désormais légitimement reconnus.

C’est une énorme victoire, même si le préjudice écologique n’est pas pris en compte à sa juste mesure. En effet, plus de quarante ans après la marée noire, on en trouve encore des traces. Dans plusieurs siècles, il en restera toujours. Si la vie sous-marine s’est adaptée à la présence d’hydrocarbures, l’écosystème ne sera plus jamais le même.

L’Erika et la reconnaissance du préjudice écologique

Il faudra attendre la marée noire provoquée par l’Erika, en 1999, pour que le préjudice écologique soit pleinement reconnu et indemnisé. Il faut dire que c’est aussi la catastrophe la plus meurtrière pour l’avifaune marine puisque de 150 000 à 300 000 oiseaux meurent.

A la suite de ces marées noires majeures et afin de prévenir d’autres désastres, l’Europe met en oeuvre, au début des années 2000, une nouvelle politique de sécurité maritime, en adoptant trois « paquets Erika ». Entre autres mesures pour lutter et prévenir la pollution en mer, l’obligation d’une double coque pour les pétroliers et navires transportant des matières dangereuses dans les eaux européennes est certainement la plus fructueuse. Depuis 2008, l’organisation internationale ITOPF recense annuellement moins de dix marées noires causées par des tankers. En 2019, il n’y en a eu que trois, dont une seule de très grande ampleur.

Le danger des plateformes pétrolières

Mais si la menace liée aux tankers a diminué, le péril vient désormais d’ailleurs. Par exemple des plateformes pétrolières, comme celle du Deep Water Horizon en 2010. En trois mois, soit la durée qu’il a fallu pour parvenir à cimenter le puits à 1 500 mètres de profondeur afin de stopper les fuites, 750 millions de litres de pétrole se répandent dans les eaux précédemment cristallines. La nappe d’hydrocarbures géante, d’une taille similaire à la Sardaigne, ravage les écosystèmes marins et côtiers sur 2 000 kilomètres, du Texas à la Floride.

On constate aussi des fuites dans les ports, comme dans le dernier cas en date ou comme ce qu’il s’est passé en Russie en août de cette année. Une importante fuite de pétrole s’est produite en mer Noire près de la ville portuaire russe de Novorossiïsk (Sud), plus de cent tonnes d’or noir ayant été déversées dans l’eau, selon le WWF. La fuite aurait eu lieu au terminal de Ioujnaïa Ozereïevka, non loin de Novorossiïsk, lors du chargement du pétrolier sous pavillon grec Minerva Symphony.

Selon l’ONG, qui a mis en place son propre système de monitoring des désastres écologiques, la nappe de pétrole se serait répandue sur une zone de près de 100 kilomètres carrés et qu' »au moins cent tonnes de pétrole et probablement même plus » ont été déversées en mer Noire affirmait le WWF dans un communiqué sur Facebook. « Malgré un déploiement opérationnel des secouristes, le pétrole s’est répandu sur une zone colossale ». L’Institut russe de recherche spatiale auprès de l’Académie russe des sciences a annoncé lui-aussi surveiller cette pollution, en estimant — des images satellites à l’appui — que la tâche de pétrole était répandue sur environ 80 kilomètres carrés.

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