Illustration © Getty Images

Reforester la Belgique, un défi technique

Stagiaire Le Vif

Des essences d’arbres de Hongrie et de Bosnie ont été plantées en Belgique pour la première fois mardi. Une action qui s’inscrit dans un plan de plus grande envergure : la sélection d’essences triées sur le volet et une étude méticuleuse pour adapter les forêts de Belgique au changement climatique.

Trees For Future, un projet porté par la Société Royale Forestière de Belgique, a planté pour la première fois en Belgique ce mardi 16 novembre 400 chênes de Hongrie et 400 pins de Bosnie. Une action qui s’inscrit dans un projet de grande envergure : plus de 50 000 arbres plantés dans près de 180 parcelles d’expérimentation installées sur 32 sites à travers la Belgique.

La météo n’a cessé de surprendre ces dernières années, les canicules, les étés indiens… Les arbres non plus ne savent plus trop sur quel pied danser et ne parviennent pas ou difficilement à s’habituer au climat d’aujourd’hui. Les sécheresses et le manque d’eau, les nouveaux parasites et maladies apportés avec le réchauffement climatique ont eu raison des arbres et les forêts dépérissent, avec toutes les conséquences économiques et écologiques que ça implique. En Belgique, 60 % du territoire est planté avec les espèces les plus sensibles à ces changements. La solution qui s’impose pour le moment partout sur le territoire est donc de pousser à la diversification des essences dans les exploitations. « C’est la même logique que quand on ne met pas tous ses oeufs dans le même panier », fait remarquer Nicolas Dassonville, coordinateur du projet. « En Belgique, il existe quelques espèces indigènes comme le tilleul qui résistent assez bien au dérèglement climatique mais ils ont été très peu plantés, ce n’est pas suffisant. »

Trees For Future s’est donné pour mission d’établir un panel d’essences qui seraient plus résilientes face à la hausse des températures et les zones de provenance idéales dans lesquelles il faut aller les chercher. 30 variétés d’arbres ont ainsi été sélectionnées, 11 essences feuillues et 19 essences résineuses qui pourraient représenter la future végétation en Belgique. Elles seront étudiées ces prochaines années sur différentes parcelles réparties dans les trois types de sol de la Belgique : le sol sablonneux de la Campine, un sol intermédiaire dans le Condroz et le sol humide de l’Ardenne.

Une migration trop lente

Les arbres aussi connaissent naturellement un phénomène de migration mais dans la forêt, tout se passe plus lentement. Aujourd’hui, le climat change beaucoup trop vite pour que les arbres puissent suivre et les essences qui se seraient adaptées naturellement en temps normal n’y arrivent pas et en pâtissent. « C’est pour ça que l’on va devoir donner un petit coup de pouce à la nature et faire de la migration assistée », explique Hughes Claessens, professeur de sylviculture à l’université de Liège. Les graines sont prélevées à l’étranger où le climat ne leur est plus favorable et replantées en Belgique, où elles auraient dû pousser si le climat n’était pas déréglé.

Un projet de longue haleine

« Certains arbres n’arrivant à leur maturité qu’à l’âge de 50 ans, parfois plus pour le chêne, le monitoring des essences mises à l’essai se fera sur une durée de 15 à 20 ans. », explique Nicolas Dassonville. « C’est vrai qu’on ne sait pas prévoir exactement à quoi ressemblera le climat en Belgique à ce moment-là, c’est un cadre expérimental, mais l’incertitude n’est certainement pas une raison pour ne rien faire. »

En plus des deux chargés de projet, c’est une équipe de bénévoles, souvent des passionnés de la nature, qui se relaient pour faire les relevés dans les différentes parcelles. Ils ont été spécialement formés pour savoir comment mesurer précisément la hauteur des arbres, la taille des tiges, évaluer la situation sanitaire des pousses et prendre des échantillons s’il y a lieu, en cas de symptômes de maladies. Les informations cumulées chaque année permettront de se faire une idée de plus en plus précise de la résilience de l’essence et de son adaptation à son nouvel environnement.

Des essences triées sur le volet

Dans les essences choisies, chacune doit répondre à des critères très stricts. Le choix s’est naturellement orienté vers des essences résistantes mais elles doivent aussi être non invasives et s’insérer harmonieusement sur le territoire. « Elles doivent également être pertinentes dans la mission de l’exploitation forestière et fournir un bon bois pour la construction. », explique Nicolas Dassonville. Si la forêt a un rôle très important pour l’écologie, notamment pour capter le gaz à effet de serre, elle doit aussi pouvoir continuer à fournir du bois d’oeuvre, matériau de construction écologique.

Enfin, et c’est peut-être le critère le plus important, les essences doivent présenter une bonne résistance à la transition entre les deux types de climats.

« C’est bien là le noeud du problème », explique Hughes Claessens, « il faut choisir une essence qui supporte le climat plus chaud de demain mais qui peut aussi résister aux vagues de froid d’aujourd’hui. On s’est penché vers quelques essences du bassin méditerranéen, mais on a choisi celles qui poussent dans les montagnes et qui peuvent survivre à des périodes de froid. »

Petit à petit, les différentes parcelles voient le jour sur le sol de Belgique et devraient dessiner le contour des forêts de demain.

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